Le musée Guimet accusé de vouloir « effacer l’existence » du Tibet sous les injonctions de Pékin

Par Epoch Times avec AFP
2 juillet 2025 16:15 Mis à jour: 5 juillet 2025 18:43

Le musée national parisien Guimet est visé mercredi par un recours en justice lui reprochant de faire disparaître de ses collections l’appellation Tibet au profit de l’expression « Monde himalayen ».

« Depuis le mois de février 2024, l’appellation ‘Tibet’ (…) a été remplacée par l’appellation ‘Monde himalayen’ ou ‘Art tibétain’ », indique le recours administratif déposé par quatre associations, qui soupçonnent le musée Guimet de « vouloir semer la confusion sur le particularisme culturel du Tibet dans l’objectif – politique – d’effacer l’existence du Tibet ».

Haut lieu de l’art asiatique, le musée national Guimet rejette en bloc ces accusations et réfute notamment, dans une déclaration à l’AFP, chercher à « invisibiliser une culture, encore moins à nier l’identité tibétaine ».

Pékin a remplacé l’expression « région autonome du Tibet » par celle de « région autonome du Xizang »

La controverse touche un point ultra-sensible pour les Tibétains en exil qui accusent Pékin de vouloir faire disparaître la culture de cette ancienne théocratie bouddhiste, devenue en 1965 une des « régions autonomes » de la Chine après avoir été secouée par des mouvements de révolte.

Depuis quelques années, dans ses communications officielles en langue non-chinoise, Pékin délaisse l’expression « région autonome du Tibet » pour privilégier celle de « région autonome du Xizang ».

Des Tibétains de la communauté tibétaine en exil arborent des drapeaux tibétains devant le musée Guimet, place d’Iéna, à Paris, le 21 septembre 2024. Manifestation organisée par des étudiants tibétains de l’association « Étudiants pour un Tibet libre » pour la préservation de l’identité culturelle tibétaine dans les musées, notamment le musée national des arts asiatiques Guimet et le musée Jacques-Chirac du quai Branly. (MAEVA DESTOMBES/Hans Lucas/AFP via Getty Images)

Les musées Guimet et du Quai Branly accusés de « courber l’échine » devant Pékin

En France, la polémique avait surgi à l’été 2024 à la faveur d’une tribune d’une trentaine de chercheurs accusant le musée Guimet et celui du Quai Branly, dédié aux Arts premiers, de « courber l’échine » devant la Chine en supprimant le mot Tibet et de se plier à ses « desiderata (…) en matière de réécriture de l’histoire ».

Défendues par Mes Lily Ravon et William Bourdon, quatre associations françaises de défense des Tibétains ont pris le relais, mettant en demeure le musée Guimet pour qu’il infléchisse sa position avant de saisir mercredi la justice administrative.

Cette substitution ne répond « à aucune logique scientifique ni historique »

Dans le détail, leur recours argue d’un « excès de pouvoir » caractérisé par un courrier du 5 mai 2025 dans lequel le musée oppose une fin de non-recevoir à leur demande de supprimer les expressions « Monde himalayen » et « art tibétain » sur ses cartels ou son site internet.

Selon elles, ces termes ne répondent « à aucune logique scientifique ni historique » et « viole » la mission assignée, dans ses statuts, à ce musée de « favoriser la connaissance de (ses) collections » et de concourir « à l’éducation, la formation et la recherche ».

Des « membres du conseil d’administration du musée sont notoirement proches du pouvoir chinois »

« Alors que 4 des 5 membres du conseil d’administration du musée sont notoirement proches du pouvoir chinois, il est difficile de ne pas voir un sous-jacent politique et un choix délibéré du musée Guimet de se conformer aux exigences du lobbying chinois relayé complaisamment en France », indiquent Mes Ravon et Bourdon dans une déclaration à l’AFP.

Les requérants demandent désormais à la justice administrative d’enjoindre au musée de rétablir dans ses collections le mot « Tibet » pour présenter les salles d’expositions, sur les cartels accompagnant les objets d’art ou dans les brochures.

Cette statuette représentant Virupaksa, roi-gardien du continent de l’Ouest (Tibet XVe), est exposée au Musée Guimet des Arts asiatiques, le 04 août 2006 à Paris. (OLIVIER LABAN-MATTEI/AFP via Getty Images)

Une région qui « dépasse largement les frontières politiques actuelles ou passées »

En réponse, le musée assure que le « Tibet est très présent et mis en valeur (en son sein, NDLR) à travers l’affichage des cartels, sur lesquels figurent bien les termes ‘Tibet’ et‘tibétain’ ». Le terme Tibet figure ainsi « 23 fois » dans le nouveau guide des collections d’avril 2025, fait-il valoir auprès de l’AFP.

L’institution dit comprendre que ces changements de terminologie « puissent susciter des réactions » mais la justifie par la volonté de « mieux refléter la réalité historique et culturelle » de ses collections et d’une région qui « dépasse largement les frontières politiques actuelles ou passées ».

« Il ne s’agit en aucun cas d’une réponse à des pressions extérieures », insiste également le musée, alors que Pékin a déjà été accusé dans le passé de pressions sur des établissements culturels.

Le musée d’histoire de Nantes a dénoncé avoir subi « une injonction des autorités centrales chinoises »

Fin 2020, le musée d’histoire de Nantes avait reporté une exposition consacrée à l’histoire de Gengis Khan et de l’empire mongol en raison d’un « durcissement » chinois à l’encontre de la minorité mongole.

Ce musée avait notamment affirmé avoir subi « une injonction des autorités centrales chinoises à faire disparaitre de l’exposition des éléments de vocabulaire (les mots Gengis Khan, empire et mongol) ». Il estimait également avoir été l’objet d’« une censure à l’égard du projet initial » , rapportait Ici Pays de Loire. D’après le musée, les modifications réalisées par le régime communiste « comport(aient) notamment des éléments de réécriture tendancieux visant à faire disparaître totalement l’histoire et la culture mongole au bénéfice d’un nouveau récit national. »

L’exposition s’était finalement tenue fin 2023, sans la collaboration de Pékin mais avec celle de la Mongolie qui a mis à disposition une partie de sa collection nationale, selon Le Parisien.

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