Ils détiennent le pouvoir en France : immersion au cœur de l’État profond – Paul-Antoine Martin
Paul-Antoine Martin est ingénieur, diplômé de CentraleSupélec. Pendant sa carrière, il a travaillé dans une multinationale anglo-saxonne et dans un groupe industriel français, avant d’exercer des fonctions de cadre dirigeant dans un grand port maritime français.
Profondément marqué par cette dernière expérience, il vient de publier Le clan des seigneurs aux éditions Max Milo. Un ouvrage dans lequel il dénonce les agissements des hauts fonctionnaires, mais aussi des hommes politiques à qui il a eu affaire ces douze dernières années.
Riche d’anecdotes, le livre de Paul-Antoine Martin dépeint l’état d’esprit et les comportements des membres de la haute fonction publique, qui appartiennent essentiellement à trois grands corps administratifs : l’ENA, le corps des Mines et le corps des Ponts.
Une caste prestigieuse et relativement méconnue qui dispose pourtant d’une influence considérable sur la conduite des affaires de l’État et les politiques menées par nos dirigeants.
« Ces trois grands corps se partagent tous les postes de pouvoir dans l’administration, mais aussi au niveau des entreprises du CAC 40 », souligne l’auteur. « Ils ont les rênes du pouvoir et ils agissent sur le long terme. Ils disposent donc du temps nécessaire pour influencer le fonctionnement de l’administration et les décisions qui sont prises. »
Véritables maîtres des horloges, les hauts fonctionnaires ont ainsi la capacité d’entraver la mise en place des mesures édictées par le gouvernement.
« Cela pose évidemment un problème pour notre démocratie. Ces hauts fonctionnaires, la population ne les connaît pas, à peine sait-elle qu’ils existent. Ils n’ont pas été élus », observe l’auteur.
Amené à côtoyer de nombreux membres de la haute fonction publique pendant sa carrière, Paul-Antoine Martin a notamment été frappé par leur cynisme, leur manque de courage et leur opportunisme ainsi que par le décalage entre les responsabilités confiées à ceux censés incarner l’élite de la nation et leurs véritables capacités : « J’ai vu des gens qui manquent d’innovation, de créativité, de vision et de stratégie, qui manquent de prise sur le réel. Perdant cette prise sur le réel tout en étant dans une position de dirigeant, ils n’avaient plus que la solution du mensonge et de la manipulation. »
« Leurs paroles ne peuvent pas être mises en doute, ils ne peuvent pas avoir tort. J’ai vu certains d’entre eux s’entêter dans des décisions totalement absurdes », ajoute-t-il.
Outre l’indigence dont certains hauts fonctionnaires font preuve dans l’exercice de leurs fonctions, Paul-Antoine Martin dénonce également les privilèges et l’impunité dignes de l’Ancien Régime dont ils bénéficient, mais aussi le mépris dont ils sont capables envers ceux qui ne font pas partie du sérail.
« Ils ne mesurent pas du tout les difficultés des Français. Ils ne vivent pas dans des conditions qui leur permettent de comprendre les Français et la situation du pays. Le fonctionnement de caste crée le mépris, la distanciation, l’arrogance. Ils se mettent naturellement en position de supériorité », explique Paul-Antoine Martin.
« J’ai vu des gens qui n’ont pas de scrupules, pas de remords. Dans un monde où il y a tant de stress, de contraintes, de difficultés, de destructions d’activités, ces gens-là surnagent en permanence, quels que soient leurs résultats. Ils savent pertinemment que si le pays est mis à mal, si le pays est en récession, si le pays s’effondre, ils s’effondreront les derniers. C’est absolument tragique », poursuit l’auteur du Clan des seigneurs. « L’impunité est totale, absolument totale. Ils occupent toutes les places de pouvoir, les places de pouvoir décisionnel, mais aussi les places de pouvoir de contrôle. Ils sont contrôlés par des pairs qui peuvent demain faire partie de leur carrière, et réciproquement. La fraternité joue entre le contrôleur et le contrôlé, ça se passe toujours bien. »
En plus de l’appui constant de leurs pairs, les membres de la haute fonction publique dont Paul-Antoine Martin brosse le portrait cherchent également à renforcer leur impunité en constituant d’autres réseaux : « Cela peut être la franc-maçonnerie. J’ai appris qu’il y avait des loges ouvertes uniquement aux hauts fonctionnaires. Ils vont également essayer de circonvenir la presse. Il peut y avoir quelques tentatives avec la justice, je l’ai vu aussi. Ce mode de fonctionnement est emblématique de personnes qui cherchent à être dans une toute-puissance. »
Selon Paul-Antoine Martin, la trahison d’une partie des hauts fonctionnaires qui n’ont pas hésité à sacrifier la poursuite du bien commun sur l’autel de leurs intérêts personnels conduit irrémédiablement le pays vers l’abîme : « Ces hommes ne cherchaient pas à diriger le pays. Ils ne cherchaient pas le bien collectif. Ils travaillaient en groupe pour accroître leur bien. »
D’après l’auteur du Clan des seigneurs, il est indispensable de réformer le mode de sélection des élites, mais aussi de dénoncer sans relâche la corruption morale des hauts fonctionnaires qui dévoient leur mission au service de l’État : « Pour résister aux loups, il faut des hommes capables de résister, des hommes qui privilégient le courage à l’habileté du technocrate, la droiture d’âme au compromis douteux, la vertu à l’intérêt personnel, la vision stratégique à la manipulation. »
« Il y a urgence à réarmer moralement le pays par des hommes loyaux envers leur nation et capables de voir au-delà d’eux-mêmes. Il en va de notre dignité et de notre souveraineté. Et surtout, il en va de notre liberté. »
« Pour hâter leur chute, il nous revient de ne pas les suivre, de refuser d’être un homme par lequel passe le mensonge. […] Ce serait faire acte de complicité que de rester silencieux après avoir constaté l’état d’esprit de ces hommes. Ils comptent sur le silence de chacun », conclut Paul-Antoine Martin.
Retrouvez l’analyse intégrale de Paul-Antoine Martin dans la vidéo.