« Le système de santé est devenu une industrie de la maladie » – Louis Fouché
Louis Fouché est médecin anesthésiste-réanimateur, diplômé en éthique de la santé, conférencier et auteur.
Dans son dernier livre Agonie et renouveau du système de santé, publié aux éditions Exuvie et préfacé par le professeur Didier Raoult, il brosse le tableau d’un système de santé au bord de l’effondrement, incapable de répondre aux besoins des malades et aux aspirations des soignants.
Ayant refusé de se plier à l’obligation vaccinale à laquelle les professionnels des établissements sanitaires et médico-sociaux sont assujettis depuis le 15 septembre 2021, Louis Fouché ne peut plus exercer son métier d’anesthésiste-réanimateur depuis plus d’un an.
« Énormément de professions sont touchées par cette obligation vaccinale. Non seulement des médecins, mais aussi des pompiers, des secrétaires, des gens qui font le ménage, des aide-soignants, des infirmiers, des ostéopathes, des kinés, des chiropracteurs, etc. C’est comme si tout le monde s’en foutait, comme si c’était oublié. Ça n’existe pas vraiment dans les médias, le ministre de la Santé le balaie d’un revers de la main en parlant de personnes qui ne croient pas en la science, marquant bien cette idée d’ostracisation, de bannissement. »
« Il y a une omerta publique, mais Michèle Rivasi, qui est députée européenne, a dit en séance publique au Parlement européen, qu’il y avait 130 000 personnes suspendues, tous métiers confondus. »
Parmi les professionnels suspendus, certains « avaient des postes qui n’étaient pas bien payés, n’ont pas d’argent de côté et doivent assumer un choc très violent », souligne Louis Fouché. « Ils n’ont droit ni au chômage ni aux congés payés, ni à quoi que ce soit, il n’y a pas d’entraide sociale », ajoute-t-il.
Selon lui, la suspension des professionnels ayant refusé de souscrire à l’obligation vaccinale et le refus de les réintégrer s’inscriraient d’ailleurs dans le cadre d’un « plan de destruction volontaire du système de santé » de la part de l’État.
« Ça n’a rien à voir avec une question sanitaire, c’est un plan social à pas cher. On peut foutre dehors 130 000 personnes, sans allocations chômage, sans se salir les mains, sur un prétexte pseudo moral », explique le fondateur du collectif Réinfo Covid.
Pour Louis Fouché, la faillite du système de santé publique bénéficiera en effet à des opérateurs privés « mus par un idéal de rationalisation compulsive et de profit », qui ne voient la Santé que sous un « prisme économique et utilitariste ».
« Nous sommes en train de détruire le système de santé, pour réattribuer le monopole du marché des soins aux multinationales du médicament, de la finance et de la data. […] Les décideurs publics en matière de Santé sont devenus les agents directs de l’industrie du médicament et des plateformes numériques », poursuit l’auteur de Tous résistants dans l’âme.
D’après Louis Fouché, « ce que nous vivons aujourd’hui est le spasme final, l’agonie » d’un système de santé « déjà très largement malade », qui dysfonctionnait depuis plusieurs années.
« D’année en année, la crise est plus profonde sur les urgences, la prise en charge des cancers, la prise en charge des personnes âgées, les pathologies galopantes. […] Des pans entiers de notre système s’effondrent et font que certains n’ont plus accès aux soins, qu’il y a des personnes âgées dont personne ne s’occupe, des pathologies qui sont laissées à l’abandon. »
Parmi les décisions politiques ayant conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui, Louis Fouché pointe, entre autres, la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) dans les années 2000, mode de financement des établissements de santé dans lequel l’allocation des ressources repose notamment sur la nature et le volume des activités hospitalières pratiquées.
« Plus on réalise d’actes, et plus on gagne de l’argent. Et plus l’acte concerne des soins compliqués et techniques, meilleur est le remboursement. Il se produit une augmentation inarrêtable des actes. Leur remboursement vide la Sécu, pour remplir les poches des industriels du Soin ; avec des complices : les médecins. Mutualisation des Pertes. Privatisation des Profits. […] Les comptes rendus hospitaliers et les codages des actes sont devenus les pièces maîtresses de l’échiquier économique hospitalier », explique le Dr Fouché.
« Notre système de santé valorise les remboursements d’actes invasifs ou liés à des laboratoires pharmaceutiques. On aboutit à une espèce de folie, on en arrive à des soins qui sont complètement aberrants. Ça nous dit beaucoup de choses sur notre système et l’imposture systématique dans laquelle on vit », ajoute-t-il.
Devenue un marché comme un autre, la Santé a ainsi été soumise « à une technocratie managériale » qui « a doucement fait glisser le soin vers “l’extraordinaire banalité du mal”. »
« Le système de santé doit produire des soins, industriellement, avec efficience. Les soignants y deviennent des rouages d’une logique techno-industrielle et numérique. […] Un bon interne et un bon médecin ne sont plus humains, responsables, bienveillants. Ils sont efficaces, et dociles aux protocoles. », souligne le praticien.
Bien que les constats dressés soient amers, Louis Fouché estime néanmoins que le délitement du système de santé constitue une opportunité pour un renouveau du soin.
« Au fond c’est une chance et tant mieux car c’était devenu un système de vente de remèdes et de maintien dans la maladie, complètement administré par les industries du médicament et de la data. […] Le système de santé devait nous maintenir en santé, c’est devenu une industrie de la maladie qui vous maintient malade. »
« Les artisans de la destruction du système de santé sont en train de nous aider à élaguer les contours d’une institution désirable. Ils convoquent les citoyens à retrouver leur centre. Ils convoquent chacun à savoir quel monde il veut arpenter et vivre », observe le quadragénaire.
« Il est absolument impératif que fleurissent partout des propositions de soin différentes, plus humaines, plus attentives, low-tech, préventives, peu coûteuses. Ces alternatives ne doivent pas rester des alternatives. Elles doivent dessiner les contours d’une institution désirable. Il faut travailler à permettre que tous ceux qui veulent quitter le système puissent le faire », ajoute-t-il.
Des alternatives qui se sont d’ailleurs multipliées à la faveur de la crise sanitaire, notamment à l’initiative de soignants suspendus qui s’organisent et coopèrent pour proposer une autre médecine, un retour au sens et à l’essence du soin.
« De nombreux collectifs, dans de très nombreux territoires en France, face aux difficultés d’accès aux soins, ont mis en place des éléments de résilience et d’entraide. »
Et Louis Fouché de conclure : « Soit on va vers une médecine transhumaniste administrée par les majors de la data comme Amazon, Google, Facebook, Microsoft, et on sera dans une santé automatique pour les gens riches ; pour les pauvres, tant pis pour vous. Soit on se réempart de la santé nous-mêmes, et c’est déjà en train d’arriver. »
Retrouvez l’analyse intégrale de Louis Fouché dans la vidéo.