« Nous sommes devant un point de bifurcation radicale » – Assen Slim
Le samedi 11 juin, Assen Slim, économiste et professeur à l’Essca et à l’Inalco, a participé au débat citoyen organisé sur la place du marché de Montreuil par l’équipe du collectif Prenez Place !
Un débat mêlant prises de paroles d’experts et de citoyens intéressés par les enjeux des problématiques financières et monétaire, ainsi que leurs liens avec la démocratie et le bien commun.
Animant les échanges aux côtés de l’ancien trader Anice Lajnef, Assen Slim a répondu aux questions des citoyens venus participer au débat et nous a accordé un entretien pendant lequel il est revenu sur plusieurs problématiques actuelles telles que la hausse de l’inflation, le poids de la dette publique et privée dans notre économie, les enjeux des politiques monétaires menées par la Banque centrale européenne ou certaines réformes envisagées par le gouvernement français.
« […] En augmentant ses taux d’intérêt, la Banque centrale européenne va casser le peu de départ de croissance économique qu’il pourrait y avoir, sans avoir aucune conséquence sur l’inflation importée. Et donc on va se retrouver, à l’issue de cette politique qui va être entamée cet été, avec encore moins de croissance économique, avec toujours autant d’inflation et une situation complètement désespérée du point de vue du fonctionnement économique. »
« […] Cette construction de la zone euro est bancale depuis le début. Depuis le rapport Delors et le traité de Maastricht, c’est quelque chose qui ne peut pas fonctionner. On ne peut pas avoir une politique monétaire unique pour des pays qui ont des problématiques structurelles différentes. »
« L’objectif de la Banque centrale européenne est d’avoir un taux d’inflation de 0 à 2%. Objectif non choisi démocratiquement. On n’a pas voté pour dire que l’objectif était celui-là. On aurait pu choisir que l’objectif, c’est un taux de chômage nul des jeunes par exemple dans la zone euro, le plein emploi ou que sais-je encore. Non, ça nous est imposé : taux d’inflation de 0 à 2%. […] On ne peut pas continuer d’avoir une zone euro dont l’objectif est un taux d’inflation unique, avec des taux d’inflation complètement différents, des besoins complètement différents selon les pays, ce n’est pas viable, ce n’est pas raisonnable. Il faut réformer cette zone euro et cette politique monétaire européenne. »
« Que dit l’évolution de la France depuis ces cinq dernières années ? Elle dit une tentative d’individualisation de ce qu’est notre effort collectif de partage. Nous sommes face à une bifurcation. Est-ce que l’on choisit de continuer, de partager ? Et la solidarité, c’est un peu le marqueur français qui éclaire l’humanité. Ou est-ce que l’on choisit de se reporter sur nos forces individuelles ? Et demain, si je suis malade, je paierai mes 30 000 euros, mes 100 000 euros de thérapie individuelle, rien à faire de mon voisin ou de ma voisine. Et puis, quand je serai à la retraite, j’aurai juste le fruit de mes cotisations personnelles. C’est un changement de société. Voilà ce que dit de nous ce moment de transition dans lequel on est. Nous sommes devant un point de bifurcation radicale. »
Retrouvez le témoignage intégral d’Assen Slim dans la vidéo.
Pour soutenir le financement des prochains débats organisés cet été à travers la France par le collectif Prenez Place : https://www.helloasso.com/associations/association-pratiques-artistiques-scientifiques-paca/collectes/prenez-place-la-tournee-ete-2022