Qu’est-ce que le 4 juin, le Falun Gong et le despotisme ont-ils en commun ?
Ce sont tous des termes censurés par le régime chinois. Comme l’utilisation de l’Internet se propage de plus en plus en Chine, il en va de même pour le blocus d’Internet, érigé afin d’entraver la libre circulation de l’information.
Le 4 juin 1989 est la date du sanglant massacre sur la place Tiananmen, lorsque les autorités ont tué des centaines d’étudiants qui y manifestaient et ont violemment réprimé des milliers d’autres. Par conséquent, toute combinaison de 6, 4 et 89 est bloquée sur l’Internet en Chine.
Le terme « Falun Gong » se réfère à une paisible pratique de travail sur soi accompagnée d’une méditation, qui a été interdite en 1999 en Chine suite au lancement au niveau national d’une persécution contre cette discipline et ses pratiquants. En même temps, le mot despotisme a été placé sur la liste noire afin que les Chinois ne puissent critiquer le régime en utilisant ce mot.
Le mécanisme de censure du régime atteint tous les domaines de l’Internet : de sources d’information occidentales comme la BBC et la Voice of America, aux sites Web et termes de recherche liés aux Tibétains, les pratiquants de Falun Gong ou d’autres groupes persécutés, ainsi que tout autre chose jugée comme sensible ou dangereuse pour le régime communiste.
Il n’est pas facile de critiquer les politiques du régime, étant donné que tout mot ou phrase qui ressemble de loin à un discours dissident dérangent les autorités et est vite placé sur la liste du contenu censuré. Les internautes chinois ont alors commencé à utiliser des moyens ingénieux pour communiquer sur Internet.
Voici quelques mots de code et homonymes ingénieux que les internautes chinois utilisent pour contourner la censure de l’Internet. Ils sont tirés d’une liste complète publiée par China Digital Times.
1. Champ visuel (目 田 -MU Tian)
Mot de code pour : Liberté (自由 –zìyóu)
Explication : Depuis que le terme liberté (自由 ziyou) est censuré, les internautes chinois utilisent à sa place le terme « champ visuel » qui dans les yeux des Chinois se compose de caractères pareils à ceux formant le terme « liberté » moins leur partie supérieure (目 田 vs 自由). Il a été introduit en 2010, lorsque les joueurs de World of Warcraft en Chine se sont rendu compte que de nombreux mots avaient été bloqués dans la dernière version du jeu. Pour certains, utiliser ce terme ressemble à du charabia, mais pour ceux qui sont au courant de sa signification, c’est un coup masqué au régime chinois.
2. Sortir faire un tour, une promenade(散步 –sànbù)
Une expression codée pour: manifester dans la rue.
Explication : En Chine, il est difficile de faire grève. Les applications pour manifestations sont régulièrement refusées, et présenter une pétition aux autorités ne sert à rien (voire peut s’avérer dangereux). Ainsi, les Chinois se sont tournés vers des moyens plus ingénieux pour protester contre les actions du régime, par exemple à « faire des promenades »
En 2007, les manifestants ont commencé à « faire des promenades » à Xiamen pour protester contre la construction d’une potentiellement dangereuse usine de production du paraxylène (PX). De la même manière que « faire une promenade », le terme « faire du tourisme » est utilisé par les Chinois pour dire qu’ils veulent aller à Pékin pour présenter une pétition contre telle ou telle démarche du régime – car les responsables voient d’un mauvais œil les pétitionnaires. Lorsque les autorités veulent les arrêter, ils disent : « Quelle est donc la loi qui prévoit que nous ne pouvons pas aller à Pékin pour faire du tourisme ? »
3. Vérifier le compteur d’eau (抄 水表 -chāo shuǐbiǎo)
Mot de code pour : pénétration forcée de police à domicile
Explication : De nombreux habitants refusent d’ouvrir leur porte à la police. Pour éviter une procédure d’ouverture forcée longue et fatiguante, la police prétend souvent être de la compagnie des eaux, pour tromper le résident et ainsi pénétrer chez lui.
4. Trésor national (国宝 -guóbǎo)
Mot de code pour : Le Département de la sécurité intérieure (DSI), un département au sain du Ministère de la sécurité publique, qui est en charge des dissidents, des défenseurs des droits de l’homme, des groupes religieux et d’autres soi-disant éléments subversifs en Chine.
Explication : le « trésor national » (国宝 -guóbǎo) est un homonyme du DSI (国 保 -guó bǎo). Les agents du DSI ne sont pas soumis à la même supervision que les agents de police et de sécurité ordinaires et ont plus de pouvoirs pour réprimer violemment les dissidents ou d’autres éléments « dangereux ». Comme le panda est considéré comme le « trésor national » de la Chine, les internautes chinois utilisent souvent le terme panda comme symbole du DSI.
5. Cache –cache (躲猫猫 -duǒ Maomao)
Mot de code pour : mourir en garde à vue dans des circonstances suspectes.
Explication : Ce terme a été utilisé pour désigner la dissimulation de la brutalité policière après que les responsables d’une prison avaient annoncé qu’un agriculteur détenu pour une exploitation forestière illégale était mort d’une blessure à la tête en jouant à cache-cache avec d’autres détenus.
6. Capital impériale (帝都 -dìdū)
Mot de code pour : Pékin
Explication: Afin d’éviter la censure de critiques de Pékin, les internautes chinois ont commencé à utiliser les mots de code « capitale impériale » pour désigner cette ville. Mais les censeurs se sont rattrapés et à partir du 19 juin dernier, même les mots « capitale impériale » ont été bloqués sur Weibo, l’équivalent de Twitter en Chine,
7. Escalader le mur (翻墙 -Fan qiáng)
Mot de code pour : contourner le blocus d’Internet.
Explication : les internautes chinois appellent le blocus d’Internet un mur dont ils essaient de franchir d’un bond en utilisant un autre logiciel, tels que le VPN (réseaux privés virtuels) qui cachent leur adresse IP.
8. Les fonctionnaires nus
Mot de code pour : responsables du régime qui envoient des fonds publics obtenus illégalement aux membres de leur famille à l’étranger.
Explication : Ce surnom fait référence à la façon dont ces responsables font semblant d’être « nu », ou sans aucun actif. Les fonctionnaires chinois corrompus transfèrent des milliards sur leurs comptes bancaires à l’étranger tout en ignorant les besoins des pauvres en Chine.
9. Gros caleçon (大 裤衩 -DA kùchǎ)
Mot de code pour : le bâtiment de Télévision centrale de Chine à Pékin.
Explication : Une pièce extravagante de l’architecture : le bâtiment de la Télévision centrale de Chine (CCTV), le plus important radiodiffuseur et porte-parole de la propagande du régime chinois, est largement ridiculisé en Chine à cause de sa ressemblance à une paire de sous-vêtements ou à une personne accroupie au-dessus des toilettes.
10. Gros Kim 3 (金 三 胖 -jin San Pang)
Mot de code: pour : Kim Jong Un
Explication : Après que Kim Jong Un soit devenu dirigeant de la Corée du Nord, les internautes chinois ont utilisé ce terme pour ridiculiser le dictateur.
11. Ministère de l’aide étrangère (援交 部 -Yuánjiāo BU)
Mot de code: pour : Ministère des affaires étrangères
Explication : Ce surnom péjoratif s’est répandu à cause de la tendance du régime chinois d’envoyer de l’aide aux pays étrangers, tout en négligeant les problèmes intérieurs. Par exemple, selon China Digital Times, en novembre 2011 la Chine a fait don de 23 autocars à la Macédoine, peu de temps après un accident d’un bus dans le Gansu qui a tué 20 personnes, dont 18 enfants. Le bus n’avait que neuf sièges, mais transportait 64 personnes. Les internautes en colère ont critiqué les autorités pour l’envoi des bus répondant aux normes de sécurité en Macédoine, tout en négligeant le problème de la mauvaise qualité des bus en Chine.
12. Entourer et observer (围观 -wéiguān)
Les caractères chinois sur l’écran signifient «Weibo». (Capture d’écran via duozhi.com)
Mot de code pour : observation publique intense.
Explication : Ces termes sont largement utilisés pour indiquer une foule qui se rassemble autour d’un événement ou d’une personne en ligne ou dans le monde réel et qui l’observe de près. En cas d’une large observation publique, les autorités ne sont pas en mesure de tromper les gens, aussi préfèrent-elles éviter ce genre de rassemblement.
13. Invité à boire du thé (喝茶 -hê CHA)
Mot de code pour : un interrogatoire de la police
Explication : Les Chinois utilisent couramment l’euphémisme d’être invité à boire du thé pour signifier être interrogé par la police. La police chinoise utilise largement les incitations coercitives, comme offrir un « thé » pour inciter les gens à commencer à parler. Toutefois, si cela ne marche pas, elle se tourne aux menaces ou à la violence.
14. Expert des briques(砖 家 -zhuānjiā)
Mot de code pour : les soi-disant experts qui minimisent les risques de sécurité ou justifient des conditions économiques honteuses sous les ordres des fonctionnaires d’Etat ou des hommes d’affaires corrompus.
Les caractères chinois signifient « experts en briques» (Capture d’écran via xuduba.com)
Explication: Le premier caractère (专) du terme « expert » combiné avec le caractère signifiant le « roc » (石) créent le terme chinois brique (砖 -zhuān), prononcé de la même façon que le premier caractère du terme « expert ». Ce jeu de mots signifie principalement les experts qui sont comme des rocs se prêtant aux exigences des autorités et mentant aux gens.
15. Réincarnation (转世 -zhuǎnshì)
Mot de code pour : Création d’un nouveau compte de médias sociaux après la suppression du compte précédent par la compagnie des médias sociaux.
Explication : Ce terme est utilisé au sens figuré pour signifier la « renaissance » d’internautes sur les sites de médias sociaux après la suppression des comptes précédents suite aux publications de messages impliquant des « questions sensibles ». Le caricaturiste politique Kuang Biao s’est « réincarné » des dizaines de fois sur Weibo et chaque fois il ajoute le numéro de sa « réincarnation » à ses nouveaux noms d’utilisateur. Le 10 mai 2015, son nom d’utilisateur était « Dessins au stylo d’oncle Biao 47 ».
16. « Frisbee » Hu (飞盘胡-Fēipán Hú)
Mot de code pour : Hu Xijin, rédacteur en chef du journal d’État Global Times
Explication : Ce surnom est utilisé pour ridiculiser Hu Xijin, qui essaie de présenter toujours positivement les crimes et les méfaits du régime. Par exemple, lors du scandale impliquant Bo Xilai, l’ancien dirigeant du Parti à Chongqing a été condamné à la réclusion à perpétuité pour corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir, Hu Xijin a alors publié un éditorial intitulé « Le cas de Bo Xilai prouve la flexibilité de la législation en vigueur ». Les internautes en colère l’ont critiqué pour rependre des mensonges optimistes en oubliant comment la soi-disant « flexibilité de la législation » chinoise permettait à Bo Xilai de prospérer et poursuivre ses activités corrompues pendant des décennies.
17. Donner aux gens un peu de ruban (给 人民 一个 胶带 -gěi Renmin yí ge Jiaodai)
Mot de code pour : Essayer d’empêcher les gens de parler.
Explication : Suite à l’accident de Wenzhou en juillet 2011, lorsque deux trains à grande vitesse se sont percutés tuant au moins 40 et blessant environ 200 personnes, le Premier ministre Wen Jiabao a demandé une ouverture d’enquête pour « donner une explication aux gens ». Cependant, juste au contraire, les autorités ont brusquement limité les reportages sur cet accident et ont enterré (littéralement) à la hâte les voitures de train écrasées dans ce qui semblait être une dissimulation de preuves. Puisque le « ruban » en chinois est un homophone de «l’explication», les internautes indignés ont utilisé l’expression « donner aux gens un peu de ruban» pour décrire la tentative des autorités de cacher leurs méfaits et d’empêcher les gens de parler de la tragédie.
18. Porcelaine sensible (敏感 瓷 -mǐngǎn Ci)
Mot de code pour : mots censurés.
Explication : Comme « mot » (词 -CI) et « porcelaine » (瓷 -CI) se prononcent de la même manière en chinois, les internautes chinois se réfèrent à tous mots ou expressions « sensibles », des noms des principaux dissidents aux mouvements religieux, comme à de « la porcelaine sensible ».
19. Empereur régnant (当今 皇上 -dāngjīn huángshang)
Mot de code pour : l’actuel Président.
Explication : Le terme péjoratif indiquant le dirigeant de l’Etat qui a été sacré à son poste plutôt qu’élu par le peuple et qui possède un pouvoir presque absolu. Le 21 août 2014, ce terme a été bloqué sur le moteur de recherche de Weibo.
20. Votre pays (你 国 -nǐ guó)
Explication : Les Chinois disent souvent « mon pays » pour se référer à la Chine. Le terme « votre pays » séparent le Parti communiste chinois du pays. Dans la rhétorique officielle, ces deux termes sont souvent utilisés comme synonymes afin d’assimiler la loyauté au Parti communiste à la loyauté à la Chine. Comme les Chinois deviennent de plus en plus conscients des tactiques tyranniques du PCC, ils ont commencé à séparer ces deux termes dans leurs esprits et dans leurs messages sur l’Internet.
Lire l’article original ici.
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