Les inquiétudes demeurent sur les conséquences sanitaires et écologiques de cet accident industriel, ainsi que sur la dangerosité du site.
Déclenché vers 2h40 jeudi, le feu était « maîtrisé » vers 11h, éteint vendredi, mais 120 pompiers restaient sur place pour surveiller les points chauds, selon les pompiers. « Nous maintenons les effectifs sur les lieux afin de poursuivre le refroidissement de l’ensemble des fûts sur site », a souligné Chris Chislard, porte-parole des pompiers de Seine-Maritime, sur France Bleu Seine-Maritime/Eure.
De potentielles émanations toxiques dans l’air
Le sinistre a en effet provoqué la formation d’un panache épais de fumée noire de 22 km de long et six de large, qui se déplace au gré du vent, suscitant de vives inquiétudes au sein de la population.
La préfecture précise que ce nuage a pris la direction du nord du pays « et plus particulièrement les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme ». Elle indique aussi que « les vents et les pluies provoquent une dispersion de ces nuages qui pourront rester invisibles ».
Vendredi, des passants ainsi que la police portaient des masques dans les rues de Rouen face à une odeur persistante pouvant provoquer des nausées. Les locaux de France 3 à Rouen ont même été évacués, certains salariés ayant été victimes de vomissements.
« Lubrizol est le plus important accident industriel en France depuis AZF (à Toulouse en 2001, ndlr). La gestion du drame que vit notre métropole de Rouen est scandaleuse et humiliante », a twitté David Cormand, secrétaire national d’Europe Écologie Les Verts (EELV).
EELV a dénoncé dans un communiqué « des retombées de suie à plus de 30 km (de l’usine), dans les jardins chargés d’hydrocarbure ! »
« Des produits toxiques très dangereux »
Annie Thébaud Mony, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, craint, elle, la toxicité à long terme du panache de fumée qui a mesuré jusqu’à 22 km de long. « L’inquiétude est absolument légitime. Ce nuage qui est passé au dessus de Rouen est chargé en poussière hautement toxique au minimum cancérogène », a déclaré cette scientifique spécialisée dans les cancers professionnels.
« Le préfet ne ment pas quand il dit qu’il n’y a pas de toxicité aigüe du nuage, mais il ne peut écarter la toxicité à long terme », ajoute Mme Thébaud-Mony, soulignant que le risque cancérogène existe même pour une exposition de courte durée.
Quant aux suies, ce sont « des produits toxiques très dangereux », selon la chercheuse.
Une vingtaine de galettes d’hydrocarbures ont en outre fait leur apparition vendredi sur la Seine, mais, elles étaient en cours de traitement selon l’État.
« Je comprends cette inquiétude car c’était extrêmement impressionnant. La préfecture était dans l’axe du panache », a déclaré vendredi matin le préfet de Normandie Pierre-André Durand sur France Bleu Normandie Seine-maritime/Eure, répétant que cette fumée ne présentait « pas de toxicité aiguë ».
Au total 51 personnes ont consulté les établissements de santé rouennais jeudi et vendredi matin à cause de l’incendie, dont cinq, des adultes qui avaient déjà des pathologie respiratoires auparavant, ont été hospitalisés, a indiqué vendredi midi le Samu.
Des suies auxquelles il ne faut pas toucher sans protection
À Rouen, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées devant la préfecture de la Seine-Maritime pour réclamer « la vérité » sur l’incendie, selon le journal Paris Normandie.
En revanche « la ville est clairement polluée » par les suies auxquelles il ne faut pas toucher sans protection, a reconnu Mme Buzyn. Cette suie est une combinaison d’additifs d’huile de moteur et d’hydrocarbures, c’est-à-dire des matières qui ont brûlé sur le site Lubrizol, une usine classée Seveso seuil haut et qui emploie habituellement 400 personnes.
Il n’y a « pas de polluants anormaux dans les prélèvements effectués », a assuré la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, à ses côtés.
Le directeur de l’usine s’interroge
« Je suis très étonné de voir un incendie qui se déclare en pleine nuit, dans un endroit où il n’y a personne. Je m’interroge », a déclaré le président directeur général de Lubrizol France, Frédéric Henry à l’issue de la visite des deux ministres. C’est la première fois que le directeur de l’usine s’exprime depuis la catastrophe.
Les établissements scolaires de Rouen rouvriront lundi matin après nettoyage, avait assuré un peu plutôt à Rouen le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer.
« Nous attendons des indemnisations pour les agriculteurs » à qui l’État a demandé de ne pas nourrir les animaux avec des produits souillés, s’est inquiétée de son côté la Coordination rurale dans un communiqué.
Surveiller les réseaux de l’usine « complètement saturés »
L’association écologiste Robin des bois voit dans les suies un « problème diffus mais majeur ». Elle redoute « des eaux polluées » des nettoyages qui pourraient aboutir dans la Seine, selon son porte-parole Jacky Bonnemains.
Pour lui, il faut également surveiller les réseaux de l’usine« complètement saturés » car « il y a risque de migrations des hydrocarbures et des autres déchets toxiques dans les nappes phréatiques ».
Son association réclame que « des usines comme Lubrizol soient beaucoup plus surveillées ». Une demande partagée par la CGT. Le syndicat Solidaires des inspecteurs de l’environnement affirme que l’État n’a pas tenu ses promesses de créations de postes.
Le parquet a annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête pour destructions involontaires dans cette usine, propriété du groupe de chimie américain Lubrizol Corporation, lui-même appartenant à Berkshire Hathaway, holding du milliardaire et célèbre investisseur américain Warren Buffett.
En janvier 2013, déjà, une fuite de mercaptan sur le site de Lubrizol, à l’ouest de Rouen, avait provoqué un nuage nauséabond qui s’était répandu jusqu’en Ile-de-France et en Angleterre.
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