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Alliance LR-RN : « L’alliance entre LR et le RN serait bénéfique pour les deux partis parce qu’ils se complètent mutuellement », selon le journaliste Gabriel Robin

juin 12, 2024 19:06, Last Updated: juin 13, 2024 22:03
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ENTRETIEN – Dissolution de l’Assemblée nationale, alliance LR-RN et création du « Front populaire », le journaliste Gabriel Robin décrypte pour Epoch Times l’actualité politique.

Epoch Times – Emmanuel Macron a annoncé dimanche la dissolution de l’Assemblée nationale. Comment avez-vous réagi à cette décision ?

Gabriel Robin – C’est intéressant parce que deux heures avant, j’avais pris le pari qu’Emmanuel Macron allait le faire. Je crois qu’il l’a fait, non pas pour des raisons objectives, politiques ou par machiavélisme, mais pour des raisons qui tiennent à son caractère et à sa psychologie. Je pense qu’il se dit que « si les Français veulent le RN, alors je vais les mettre au défi d’aller au bout de leurs fantasmes ». Vous savez que les fantasmes, que ce soit à titre individuel ou pour les foules, de leur imagination et de l’idée qu’on s’en fait à leur réalisation, il y a un parfois un pas qui n’est pas franchi.

À mon avis, il voulait également punir le gouvernement et les députés de la majorité présidentielle en les mettant face à leurs responsabilités, sans forcément les prendre lui-même puisqu’il n’a pas démissionné mais a dissout l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas du tout la même démarche. Il estime qu’il n’a pas grand-chose à se reprocher, que le rejet est circonstanciel et qu’il peut gagner les élections législatives s’il reprend la main pendant les trois semaines à venir. C’est un pari qui me semble extrêmement risqué au regard des derniers résultats et des enquêtes d’opinion.

Vous dîtes qu’Emmanuel Macron aurait cherché à punir son gouvernement et les députés de la majorité. Les punir de quoi ?

Je pense qu’il considère qu’ils n’ont pas bien effectué leur travail et qu’ils n’ont pas su parler aux Français et se faire les avocats de sa personne.

D’ailleurs, on voit très bien les difficultés que rencontre Emmanuel Macron au sein de sa propre majorité avec ses propres alliés. Avec François Bayrou et Édouard Philippe, les relations n’ont pas toujours été simples. Je note que le président du parti Horizons n’a pas assisté à la conférence de presse d’Emmanuel Macron alors qu’il y était convié.

Et si le chef de l’État se retrouve aujourd’hui dans cette situation, c’est en partie parce que la tête de liste du bloc macroniste, Valérie Hayer, bien que brave, n’a malheureusement pas été à la hauteur. Pourquoi a-t-elle été choisie comme tête de liste ? Tout simplement parce que personne ne voulait assumer la responsabilité d’une défaite, notamment les ministres.

Maintenant, il les met au défi avec cette nouvelle campagne d’élections législatives.

Pourquoi le chef de l’État a-t-il pris le risque de provoquer une cohabitation ?

Je pense qu’il parie plutôt sur le blocage. Il sait pertinemment que si le RN obtient une majorité relative, il y aura une situation de blocage. Ensuite, il va nommer un gouvernement technique de coalition, composé de gens qui ne s’entendent pas et qui ne pourront pas travailler ensemble jusqu’en 2027.

À la suite d’échanges avec Jordan Bardella, Éric Ciotti a annoncé la constitution d’une alliance entre Les Républicains et le Rassemblement national en vue des élections législatives anticipées à venir. La plupart des ténors du parti de droite ont rejeté cette alliance. Éric Ciotti a-t-il eu raison de se rapprocher du RN ?

Dans son cadre personnel et en prenant en compte la situation dans laquelle se trouvent les Républicains,  je pense qu’il n’y avait pas d’autres choix.

En 2022, le parti avait la possibilité de gouverner avec Emmanuel Macron et ceux qui avaient rejeté cette option, critiquent aujourd’hui le ralliement d’Éric Ciotti au RN et se retrouvent désormais le « bec dans l’eau ». J’ajoute qu’au niveau national, LR n’a plus les moyens de peser. Son électorat, extrêmement âgé, a progressivement disparu. Chez les 18-24 ans, les scores du parti sont catastrophiques. Il séduit seulement 2% des jeunes.

En outre, LR conserve toujours une assise très forte au Sénat avec 133 sénateurs. À l’Assemblée, le parti formait jusqu’à dimanche un groupe de 61 députés, ce qui n’est pas négligeable. Les Républicains sont également à la tête de nombreuses régions et de communes.

L’alliance entre LR et le RN serait donc bénéfique pour les deux partis parce qu’ils se complètent mutuellement.

Pensez-vous qu’il sera suivi dans sa démarche par les électeurs LR ?

C’est une question très complexe qui remonte à la nature même des élections législatives et à leur mode de scrutin. Il s’agit d’une élection nationale avec un scrutin local, à l’échelle d’une circonscription. Je pense que dans le Sud-est, les électeurs vont le suivre. Les électeurs LR et ceux du RN sont alignés sur beaucoup de thèmes. D’ailleurs, une enquête d’opinion montre que 50 % des électeurs LR sont favorables à un rapprochement avec le Rassemblement national et 47 % avec Emmanuel Macron.

En plus, il va y avoir une plateforme programmatique pour Matignon, un accord plus large basé sur des propositions, un programme qui va aplanir les éventuelles dissensions entre les deux mouvements.

Cependant, pour le moment, il y a quand même une grande incertitude qui plane sur l’avenir des Républicains. Surtout avec l’imbroglio qu’il y a actuellement au siège du parti. Les sénateurs ont aussi rejeté l’accord. La situation est donc loin d’être réglée. Eric Ciotti peut toutefois compter sur le soutien de deux députés européens nouvellement élus, Céline Imart et Laurent Castillo, ainsi que celui du président des Jeunes Républicains, Guilhem Carayon.

De l’autre côté de l’échiquier politique, le PS, LFI, Les Écologistes, le PCF et le NPA se rassemblent pour former le « Front Populaire ». Comment analysez-vous cette nouvelle alliance à gauche ? Emmanuel Macron l’a qualifié d’« indécente » lors de sa conférence de presse.

Il y a effectivement dans cette alliance le NPA, qui je le rappelle, est un parti d’obédience trotsko-lambertiste d’ultra-gauche et qui a failli être dissous l’an dernier, et qui est lui-même l’héritier de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) et de l’Organisation Communiste Internationale (OCI), qui avait été elle-même dissoute en 1981. C’est un peu comme si le Parti de la France rejoignait l’union des droites.

Je constate également que les partis de gauche et d’extrême-gauche, malgré des divergences idéologiques profondes, notamment en termes de politique étrangère, ont su garder une capacité organisationnelle très forte. Ils arrivent toujours à se réunir face à ce qu’ils estiment être le plus grand danger, c’est-à-dire l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Et dans ces cas-là, le peuple de gauche a une discipline électorale, notamment renforcée par les syndicats. La plupart des syndicats ont d’ailleurs annoncé leur soutien à ce « Front Populaire ».

Cette nouvelle alliance de gauche peut être un obstacle pour Emmanuel Macron parce qu’aux termes de l’accord, les Insoumis ont obtenu 230 circonscriptions et dans beaucoup de circonscriptions, il y a aura des duels Rassemblement national-Front Populaire. Et il y a de grandes chances que l’électorat centriste vote pour le candidat RN ou RN-LR en fonction de l’avancement de l’alliance entre la droite et le Rassemblement national, pour faire barrage à LFI.

Ce cas de figure s’est déjà présenté en 2022, notamment dans la circonscription de Jean-Michel Blanquer. Au second tour, son électorat s’était reporté sur le candidat du RN contre La France insoumise.

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