Oubliez le fioul, le gaz ou l’électricité : Bernwiller, petite commune de l’est de la France, se chauffe au… miscanthus, une graminée rhizomateuse originaire d’Asie, dont la culture se développe dans le pays en raison de ses propriétés écologiques.
La première parcelle de cette plante ressemblant à du roseau a été plantée dans cette commune d’Alsace en 1993 : « on était vraiment les premiers en France », se souvient Mathieu Ditner, l’ancien maire d’Amertzwiller (depuis fusionnée avec Bernwiller) et agriculteur retraité. « Maintenant il y en a un peu partout ».
Au départ, la commune utilise le miscanthus pour ses propriétés assainissantes : il abaisse le niveau de nitrates de l’eau. Puis, il y a une dizaine d’années, vient l’idée de la récolter et de l’utiliser en biocombustible dans la chaudière communale, à la place de plaquettes de bois.
Tarif bien inférieur à celui de l’électricité, du gaz et du fioul
Vingt-sept hectares de miscanthus sont cultivés par une douzaine d’agriculteurs, qui la vendent 110 euros la tonne. La récolte annuelle permet de chauffer les bâtiments publics et environ 70 logements.
« À la base, c’était destiné à chauffer des bâtiments de la commune, comme les écoles et les églises, mais on a proposé à certains habitants de se raccorder et ils ne le regrettent pas ! », explique le maire actuel, Patrick Baud : « à un tarif de 0,077 centime le kilowatt, c’est bien inférieur à d’autres produits, électricité, fioul ou gaz, surtout en ce moment », avec la hausse des prix liée notamment à la guerre en Ukraine. Propriétaire d’une maison raccordée à ce système de chauffage, Damien Monnier avoue avoir été au départ « un peu inquiet ». Mais aujourd’hui, il se félicite de cette « bonne affaire ».
Débouchés nombreux
Le miscanthus a d’autres atouts : « contrairement au bois où il faut attendre 50 ans pour que ça repousse, là tous les ans il y a une récolte », explique Patrick Baud, tandis que dans le champ derrière lui les longues tiges dorées sont fauchées dans un nuage de poussière. « Ça pousse tout seul, sans engrais ni produits phytosanitaires. C’est une plante pérenne », souligne-t-il. Et les débouchés sont nombreux : chauffage, paillage horticole, litière animale, biomatériaux…
À Bernwiller, le maire compte l’utiliser comme isolant dans la rénovation d’un bâtiment. Dans la cour de l’école, des copeaux de miscanthus autour de l’aire de jeux amortissent les chutes des enfants.
Dépollution et décontamination des sols
Sonia Henry, maître de conférences Laboratoire Sols et Environnement à l’université de Lorraine/INRAe, travaille depuis plusieurs années sur cette plante qui dépollue le sol des hydrocarbures. « Le miscanthus a la capacité de s’adapter à beaucoup d’environnements, notamment des sols de friches industrielles qui sont contaminés », explique-t-elle. « Après, il ne faut pas non plus que ça devienne la plante miracle et qu’on retrouve de cette espèce-là partout, sinon on va retomber sur de la monoculture, ce qu’on essaye actuellement de réduire ».
Selon France Miscanthus, association créée en 2009 pour structurer la filière, environ 11.000 hectares sont cultivés en France métropolitaine, une surface qui a doublé depuis 2017. « Beaucoup de gens viennent voir ce qu’on a fait », assure le maire de Bernwiller.
« Une plante qui a de l’avenir »
Le jour de la récolte, une vingtaine d’étudiants de Metz (est) qui travaillent sur la durabilité et la diversification des entreprises agricoles effectuent une visite. « C’est une plante qui a de l’avenir sur les thématiques industrielles, le bioplastique », souligne leur encadrant, Guillaume Dubaux, enseignant en agronomie.
« Cela fait partie des alternatives comme le chanvre, des plantes qui sont moins consommatrices en engrais, en produits phytosanitaires et qui présentent des débouchés intéressants », explique de son côté le secrétaire général du syndicat agricole FNSEA, Hervé Lapie.
Agriculteur dans la Marne (nord-est), il va lui-même en planter pour la première fois cette année, un « gros investissement » au départ (12.000 euros pour environ 3,5 hectares) avec une première récolte attendue d’ici deux à trois ans, qu’il destine au paillage ou au biocombustible.
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