Le 17 mai, Vladimir Poutine a conclu sa visite d’État de deux jours en Chine. Bien que la Chine et la Russie aient affirmé vouloir renforcer leur « partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère », aucun nouvel accord décisif n’a été conclu. En même temps, les experts indiquent que la Chine semble avoir quelques réserves quant à l’approfondissement des liens militaires et économiques avec la Russie.
Poutine est arrivé à Pékin le 16 mai. Il s’agissait de sa deuxième visite en Chine en sept mois et de son premier voyage à l’étranger depuis sa réélection en tant que président de la Russie. Pékin lui a déroulé le tapis rouge à l’aéroport, ce qui a été accompagné de la rare apparition d’une femme, la conseillère d’État Shen Yiqin, pour l’accueillir.
Plusieurs journaux chinois ont décrit le rôle de Mme Shen dans l’accueil de Poutine comme un arrangement spécial, témoignant de la haute estime de la Chine à son égard qui reflète les relations chaleureuses entre les deux pays.
Toutefois Chen Pokong, auteur et analyste politique sino-américain, s’est étonné du rôle accordé à Shen Yiqin étant donné que son travail n’avait aucun lien ni avec la diplomatie ni avec les échanges commerciaux. Il a suggéré que cet arrangement était une manœuvre délibérée de Pékin visant à détourner l’attention des pays occidentaux et signaler la bonne volonté de l’État-parti chinois à leur égard.
Poutine a besoin du soutien de Pékin
En février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Au cours des deux dernières années, l’État-parti chinois est devenu un allié important de la Russie, ce qui a attiré l’attention des États-Unis et de l’Union européenne. Face aux sanctions sévères des pays occidentaux, l’économie russe s’est découplée de l’Occident, ce qui rend Poutine très dépendant du soutien diplomatique et économique de Pékin.
Selon les données de l’Administration générale des douanes de Chine, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint le chiffre record de 240,1 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 26,3 % en glissement annuel, dépassant ainsi les objectifs précédents des dirigeants de ces pays.
Les ressources minérales, notamment le pétrole, le charbon et les produits pétroliers, représentaient 73 % des exportations russes vers la Chine, soit près de 40 % du commerce bilatéral. Les exportations chinoises vers la Russie se composent, elles, principalement de produits électromécaniques, d’appareils électroménagers et de voitures, qui représentaient près de 40 % des exportations chinoises totales vers la Russie. En 2023, la Chine a importé 107 millions de tonnes de pétrole de Russie, ce qui fait de la Russie le premier fournisseur de pétrole de ce pays.
La Russie vend également du gaz naturel à la Chine à bas prix. En février 2024, le géant russe de l’énergie Gazprom a annoncé qu’il avait dépassé le Turkménistan pour devenir le premier fournisseur de gaz naturel de la Chine.
Avant sa visite, Vladimir Poutine a déclaré à l’agence de presse Xinhua, porte-parole du Parti communiste chinois (PCC), qu’au cours des cinq dernières années, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie avaient doublé et que la Chine avait été le premier partenaire commercial de la Russie pendant treize années consécutives. Il a également souligné que leur coopération future devrait se concentrer sur les secteurs industriels et de hautes technologies, l’espace, l’énergie nucléaire, l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables et d’autres domaines innovants. Il a décrit la Chine comme un « bon voisin et un ami fiable ».
Les intérêts contradictoires de la Chine
Malgré les éloges de Poutine sur leur amitié bilatérale, le chef du PCC Xi Jinping pourrait avoir quelques réserves. Visiblement dans le but de calmer en Occident les esprits préoccupés par le renforcement de « l’alliance stratégique » sino-russe, la déclaration commune, publiée le 16 mai, ne mentionne plus le « partenariat hors limites » entre les deux pays dans le cadre duquel il n’y a « aucun domaine de coopération prohibé ». Ce partenariat a été annoncé lors de la rencontre ente les deux hommes à Pékin en février 2022, à la veille de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes. Depuis lors, la Chine a manifesté, d’une façon ou d’une autre, son soutien à l’invasion russe.
Lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre avec Poutine, Xi Jinping a déclaré que les deux parties respecteraient les principes de « non-alignement, de non-confrontation et de non-ciblage d’une tierce partie ». Il a insisté sur la nécessité de trouver des intérêts communs, de tirer parti des avantages mutuels, d’approfondir l’intégration et de parvenir à des réalisations mutuelles.
Tang Jingyuan, commentateur des affaires chinoises basé aux États-Unis, a déclaré à Epoch Times que le contenu général de la déclaration conjointe confirme la coopération dans tous les domaines entre les deux pays. Toutefois, en réalité, il s’agit principalement d’un soutien et d’une aide du régime chinois à la Russie.
« Après plus de deux ans de guerre russo-ukrainienne, le trésor russe est épuisé et la Russie dépend désormais entièrement du PCC pour son soutien », a-t-il expliqué. « Dans ce contexte, les relations Chine-Russie ont changé et les positions de Poutine et de Xi se sont inversées. »
Du Wen, expert en droit chinois basé en Belgique, pense que la visite de Poutine visait à persuader Xi Jinping de continuer à lui fournir une aide militaire et économique. Il a indiqué à Epoch Times que l’équipe de Poutine avait tenté d’apaiser les inquiétudes de Xi concernant les sanctions occidentales et de le convaincre de ne pas craindre ces sanctions tout en continuant à soutenir la Russie.
« Cependant, il semble que le PCC n’ait pas totalement écouté les suggestions de Poutine et qu’il y ait des différences d’intérêts importantes entre la Chine et la Russie », a-t-il estimé. Selon lui, les déclarations de Xi Jinping montrent clairement que l’État-parti chinois soutient fermement la Russie, mais que la Chine ne sacrifiera pas sa position dans la chaîne industrielle mondiale. Par conséquent, la coopération sino-russe n’inclut pas le soutien direct de la Russie dans la sphère militaire, ce qui est inacceptable pour l’Occident. En outre, leur coopération n’est pas « hors limites » et doit s’aligner sur les intérêts de Pékin.
Avertissements de l’Europe et de l’Amérique à la Chine
Avant la visite de Poutine, Xi Jinping a entrepris sa propre visite en Europe. Le 6 mai, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rencontré Xi Jinping à Paris, à l’invitation du président français Emmanuel Macron. Elle a déclaré qu’elle et Emmanuel Macron espéraient que Pékin ne fournirait pas d’armes létales à la Russie, réitérant que cette question était cruciale pour les relations entre l’Union européenne (UE) et la Chine. Auparavant, les États-Unis et l’UE avaient critiqué la Chine pour avoir fourni des matériaux à double usage et des composants d’armes à la Russie.
Le 26 avril, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a indiqué, lors de sa visite à Pékin, que la Chine « contribue à alimenter la plus grande menace » pour la sécurité européenne depuis la guerre froide. Il a souligné que si la Chine souhaite maintenir des relations amicales avec l’Europe et d’autres pays, elle ne peut pas en même temps soutenir la plus grande menace pour la sécurité en Europe.
Du Wen a estimé que l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les menaces qu’elle fait peser sur la sécurité européenne représentent des lignes rouges pour les États-Unis et l’Europe. En même temps, il a ajouté que les achats massifs de pétrole russe et le soutien de la Chine à la Russie devraient également avoir des limites.
« Une fois que l’Occident aura réagi fermement, le PCC devra faire marche arrière », a-t-il affirmé.
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