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ANALYSE : Le Canada est en passe d’enregistrer un nombre record de demandes d’asile cette année

août 30, 2024 21:56, Last Updated: septembre 3, 2024 19:42
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La fermeture du lieu de passage informel qu’était le chemin Roxham l’année dernière a endigué le flux de demandeurs d’asile au Québec en provenance de l’État de New York. Toutefois, au Canada, le nombre total de demandeurs d’asile ne cesse d’augmenter, atteignant un sommet pour les arrivées par voie aérienne. Cette augmentation s’enracine dans de nombreuses causes, ne pouvant être expliquée par la multiplication des conflits dans le monde, à elle seule, ont expliqué certains spécialistes de l’immigration à Epoch Times.

L’augmentation du nombre d’approbations de visas de voyage est probablement l’une des principales causes de cette augmentation.

Le gouvernement canadien a récemment accéléré le traitement des demandes de visa afin d’éliminer l’arriéré dû à la pandémie, a expliqué à Epoch Times Stéphanie Valois, avocate montréalaise spécialiste de l’immigration. Après être arrivées avec un visa de voyage, de nombreuses personnes demandent l’asile.

Ces dernières années, on a moins réclamé aux demandeurs de visas de voyage de prouver qu’ils allaient rentrer chez eux, a déclaré dans un courriel Michael Barutciski, avocat et professeur de relations internationales à l’Université York. Il est probable que cela contribue également à l’augmentation du nombre d’arrivées par avion.

De janvier à juin de cette année, le Canada a traité un peu plus de 92.000 demandes d’asile. Il s’agit d’un nombre beaucoup plus important que les quelque 57.000 demandeurs d’asile reçus au cours de la même période l’année dernière – dans un contexte où l’année 2023 était déjà une année record.

En revanche, de 2011 à 2016, le nombre de demandeurs d’asile reçus chaque année par le Canada a oscillé entre 10.000 et 25.000. Ces nombres ont commencé à augmenter par la suite, le nombre de demandeurs d’asile accueillis par le Canada par habitant étant maintenant comparable à celui de l’Allemagne, le plus grand pays d’accueil de l’Union européenne, selon une analyse des données de l’UE réalisée par M. Barutciski pour l’Institut Macdonald-Laurier publiée en juillet.

Près de 28.000 demandeurs d’asile sont arrivés par voie aérienne au cours du premier semestre de cette année, contre environ 8000 par voie terrestre. Il s’agit d’un renversement d’une tendance de longue date selon laquelle les arrivées par voie terrestre étaient beaucoup plus fréquentes, même avant que le chemin Roxham ne devienne un point de passage très fréquenté.

De la voie terrestre à aérienne

Le chemin Roxham est un passage frontalier non officiel entre New York et le Québec, réputé pour être utilisé par les personnes voulant venir au Canada sans passer par les voies légales, qui a été utilisé par plus de 100.000 migrants depuis 2017. Sa fréquentation a diminué après que le Canada et les États-Unis ont comblé une lacune dans leur accord bilatéral sur les tiers pays sûrs en mars 2023.

L’accord stipule que toute personne demandant l’asile doit déposer sa demande dans le premier des deux pays où elle entre. Or, cette exigence ne s’appliquait qu’aux postes-frontières officiels. Désormais, elle s’applique tout au long de la frontière : les demandeurs d’asile seront renvoyés aux États-Unis pour y déposer leur demande.

La plupart des demandeurs d’asile en 2023 étaient originaires du Mexique, soit environ 25.000 sur tous les demandeurs cette année-là, selon la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) du Canada.

En février 2024, le gouvernement fédéral a de nouveau renforcé les restrictions imposées aux migrants en provenance du Mexique en exigeant que les Mexicains soient munis d’un visa de voyage.

« Cette mesure fait suite à l’augmentation du nombre de demandes d’asile déposées par des citoyens mexicains qui sont refusées, retirées ou abandonnées », a déclaré le gouvernement fédéral à l’époque. « Il s’agit d’une mesure importante pour préserver la mobilité de centaines de milliers de citoyens mexicains, tout en garantissant la bonne gestion de nos systèmes d’immigration et d’asile. »

En juin, le Premier ministre Justin Trudeau a déclaré, après avoir rencontré le Premier ministre du Québec, que son gouvernement allait « améliorer le système de visas » en général, mais il n’a pas donné plus de détails et ce point n’a pas fait l’objet d’une discussion importante.

Epoch Times a demandé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada une mise à jour ou des plans spécifiques, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.

« Lorsque les gens font une demande de visa, il est presque impossible de savoir quelles sont leurs intentions lorsqu’ils arrivent au Canada », a déclaré Mme Valois, avocate spécialiste des questions d’immigration. Il se peut qu’ils aient l’intention de demander l’asile, ou que la situation change dans leur pays d’origine – si une guerre éclate, par exemple – et qu’ils décident de déposer une demande d’asile, a-t-elle expliqué.

Il en va de même pour les étudiants étrangers qui déposent une demande d’asile, a-t-elle ajouté. Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a fait part de son inquiétude concernant les demandes d’asile déposées par des étudiants étrangers.

Le nombre d’étudiants étrangers demandant l’asile au Seneca College est passé d’environ 300 en 2022 à près de 700 en 2023. Les demandes émanant d’étudiants du Conestoga College sont passées de 106 à 450 au cours de la même période.

Ces augmentations sont « alarmantes » et « totalement inacceptables », a déclaré M. Miller en février.

La méthode d’entrée au Canada pour demander l’asile a changé, tout comme les pays d’origine les plus courants et les destinations au Canada.

Pays d’origine et destinations

Le plus grand nombre de demandeurs d’asile depuis le début de l’année est arrivé d’Inde. Les données de la CISR sur le pays d’origine ne sont disponibles que pour les mois de janvier à mars. Elles font état d’environ 6000 demandeurs d’asile originaires de l’Inde, et viennent ensuite les demandeurs du Mexique (environ 5800), du Nigeria (5061) et du Bangladesh (3016).

Étant donné que les données ne portent que sur trois mois, il est difficile de dire comment le total annuel se comparera à celui de 2023. Toutefois, si le nombre de demandeurs mexicains demeure stable, le Canada pourrait enregistrer des chiffres similaires à ceux de l’année dernière.

En revanche, le nombre de Haïtiens et de Colombiens – qui figuraient parmi les plus élevés en 2022 et 2023 – semble être en baisse. Il s’agit également de groupes qui seraient passés en grand nombre par le chemin Roxham.

Les nouveaux demandeurs d’asile sont originaires de pays différents des principaux pays d’origine de demandes d’asile dans le monde, a déclaré M. Barutciski, en se référant aux données analysées du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Le pic enregistré au Canada ne suit pas les tendances mondiales, a-t-il ajouté. Cela pourrait suggérer que les demandeurs d’asile perçoivent les politiques d’asile canadiennes comme particulièrement indulgentes. En d’autres termes, le Canada attire des demandeurs d’asile qui pensent ne pas pouvoir obtenir l’asile ailleurs.

Les demandeurs d’asile sont des personnes qui arrivent dans le pays sans avoir obtenu au préalable le statut de réfugié. Par exemple, bien que le Canada ait accueilli de nombreux réfugiés ukrainiens, l’Ukraine n’est pas l’un des principaux pays d’origine des demandeurs d’asile.

Depuis le début de l’année, la majorité des demandeurs d’asile sont arrivés en Ontario, alors que pendant des années, le Québec était la province la plus touchée.

Presque chaque année depuis 2016, le Québec a reçu plus de demandeurs que l’Ontario, avec comme seules exceptions les années 2020 et 2021. Toutefois, au cours de ces années, les nombres de demandeurs d’asile en Ontario n’ont été que légèrement supérieurs (soit d’environ 700 personnes en 2020 et d’environ 1600 en 2021).

Au cours du premier semestre de cette année, l’Ontario a reçu environ 48.000 demandeurs et le Québec 33.000. La Colombie-Britannique et l’Alberta ont été les deux autres provinces d’accueil les plus importantes, avec respectivement environ 5200 et 4500 personnes.

La question de la répartition des demandeurs et des fonds fédéraux destinés à les aider à s’installer est un sujet brûlant.

Le Québec a reçu une promesse de 750 millions de dollars (500 millions d’euros) de fonds fédéraux en juin, et le Premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, s’est montré le plus loquace quant à la volonté des autres provinces de recevoir également de l’aide. Le ministre Miller a répondu en juin que la Colombie-Britannique devait accueillir plus de demandeurs d’asile si elle voulait plus d’argent.

Le Manitoba et Terre-Neuve-et-Labrador ont déclaré qu’ils étaient prêts à accueillir certains des demandeurs d’asile du Québec. Le Québec a demandé la mise en place d’un système fédéral de quotas qui permettrait de déplacer les demandeurs d’asile vers d’autres provinces.

En mai, le Bureau parlementaire du budget (BPB) a procédé à une estimation des coûts fédéraux associés à chaque demandeur d’asile provenant d’un pays exempté de visa.

Le coût moyen pour chaque demandeur d’asile est de 16.500 dollars (11.021 euros) en 2024, selon le BPB.

Les demandeurs d’asile ont droit à un permis de travail, dont le délai d’obtention est d’environ six à huit semaines, selon le gouvernement du Québec.

Le traitement des demandes elles-mêmes peut prendre des années. Selon la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, le temps d’attente prévu est de deux ans pour une demande d’asile et d’un an pour un appel. L’arriéré de dossiers a augmenté au fil des ans pour atteindre plus de 186.000 au 31 mars de cette année. À titre de comparaison, l’arriéré était d’environ 10.000 cas en 2015.

La proportion de demandes approuvées est en hausse. Les données disponibles pour 2024, de janvier à mars, montrent que 82 % des demandes ont été approuvées, soit environ 11.000 demandes sur les quelque 13.500 qui ont finalement été évaluées, sans compter les demandes qui n’ont pas été évaluées parce qu’elles ont été abandonnées ou retirées par le demandeur.

De même, pour l’année civile 2023, environ 79 % des demandes ont été approuvées. Il s’agit d’une forte augmentation par rapport aux 69 % de 2022 et aux 71 % de 2021. Si l’on remonte à 2013, le chiffre était de 60 %, il est passé à 64 % en 2014 et a continué à grimper.

Avec La Presse Canadienne

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