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Après les émeutes, comment les professeurs pensent aborder cette rentrée avec leurs élèves?

août 31, 2023 10:33, Last Updated: août 31, 2023 10:39
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Deux mois après les émeutes du début de l’été, certains professeurs s’apprêtent en cette rentrée à devoir répondre à la « méfiance vis-à-vis des institutions » de certains élèves, et s’interrogent sur la meilleure manière d’aborder le sujet.

Après la mort du jeune Nahel, tué par des tirs policiers fin juin, des émeutes ont éclaté, dont les participants étaient pour certains mineurs. « Peut-être des troisièmes que j’aurai à la rentrée », observe Christophe Vilain, qui enseigne dans un collège REP de Montargis (Loiret), à deux pas du centre-ville où l’incendie d’une pharmacie a entraîné la destruction complète de trois immeubles. 250 établissements scolaires ont été dégradés dans le pays durant les émeutes, dont cinq ne rouvriront pas le 4 septembre, a récemment annoncé le ministre de l’Éducation Gabriel Attal.

À Montargis, un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté selon l’Insee, « avec une école qui ne joue plus son rôle d’ascenseur social », relève Christophe*, professeur de technologie. Il a déjà prévu d’expliquer à ses élèves que répercuter la « violence permanente » dans laquelle ils vivent « ne sert à rien » : « quand ils brûlent une pharmacie ou une école, ce n’est pas bon pour leur avenir, même si leur avenir est sombre ».

« Je n’enseigne pas à des émeutiers »

S’il va aborder le sujet des émeutes avec ses élèves, la majorité des enseignants interrogés par l’AFP ne prendront pas cette initiative. « Je n’enseigne pas à des émeutiers », déclare Édouard*, qui exerce dans un collège REP à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, une ville et un département particulièrement concernés par les dégradations. Ce professeur d’histoire-géographie dit être au courant « que des élèves traînaient près des lieux pendant les émeutes ». Mais il « considère que ce qui se passe à l’extérieur ne rentre pas dans (sa) salle », bien que sa « porte reste ouverte » en cas de questions.

Martine*, enseignante de philosophie dans un lycée d’Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) rejette, elle, toute « défaillance du côté des parents ou de l’éducation » dans l’éclosion de ces « révoltes ». Pour elle, si les garçons à qui elle enseigne font preuve d’une réelle « méfiance vis-à-vis des institutions », c’est à force d’être fréquemment contrôlés par la police, également responsable de la mort de Nahel.

Ce qui s’est passé durant les émeutes « peut accroître la fracture, car nous les profs, on représente l’institutionnel », reconnaît de son côté Giuseppe*, qui enseigne dans un lycée des Hauts-de-Seine, dans une ville épargnée par les émeutes.

Un débat qui peut vite dériver vers le jugement

Mais ce professeur d’histoire-géographie juge compliqué d’entamer la discussion, qu’il estime pourtant nécessaire : « À chaque fois que j’ai essayé d’aborder ce genre de débat par le passé, comme lors des émeutes de 2005, c’était difficile : la discussion dérive vite dans le jugement péremptoire, certains élèves affirment que ceux qui ont pris part sont ‘‘des casseurs’’, d’autres qu’‘‘ils ont raison’’. »

L’enseignant déplore que ses élèves ne bénéficient que « d’une heure tous les quinze jours » consacrée à l’enseignement moral et civique. Évoquant les réformes de l’école, son nouveau « cœur de la bataille », Emmanuel Macron a annoncé dans une récente interview au Point qu’un « grand texte fondamental sur nos valeurs » serait lu puis débattu en classe chaque semaine.

Une méthode verticale désapprouvée à l’unisson par les syndicats d’enseignants. Dès l’école, « l’éducation à la citoyenneté doit davantage se faire en respectant les droits et les devoirs de chacun, en discutant via des conseils d’élèves, et en continuant de travailler sur la démocratie, les valeurs de la république, la façon dont les élus nous représentent », préconise Guislaine David, la co-secrétaire générale du SNUipp-FSU, interrogée sur ce sujet par l’AFP.

« Dans les territoires les plus concernés par les émeutes, la première étape va être d’échanger sur le sujet entre collègues le jour de la pré-rentrée, pour évaluer si on en parle et comment », recommande Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, le premier syndicat du second degré.

La dirigeante syndicale pense également que l’école ne résoudra pas tout : « On peut continuer à enseigner des principes civiques, faire en sorte que les élèves s’émancipent et sortent de leur milieu social d’origine, mais ce n’est pas l’école toute seule qui va rompre le cycle infernal des inégalités et des discriminations. »

(Les professeurs dont le prénom est suivi d’une astérisque ont refusé de décliner leur nom de famille.)

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