Le Bélarus est accusé d’avoir détourné à dessein un avion de ligne de Ryanair le 23 mai, prétextant une menace de bombe pour arrêter un jeune opposant et sa compagne qui se trouvaient à bord.
Voici ce que l’on sait sur le déroulement de cet incident, qui a déclenché un tollé occidental contre le régime du président Alexandre Loukachenko.
Le vol FR4978 de Ryanair décolle d’Athènes dimanche à 07H28 GMT en direction de Vilnius en Lituanie. A 09H30 GMT, le Boeing 737-800 entre dans l’espace aérien bélarusse puis est contacté par des contrôleurs aériens du pays.
Une bombe à bord
« Nous avons des informations des services spéciaux disant qu’une bombe est à bord et qu’elle peut être activée au-dessus de Vilnius », indique un opérateur au pilote, selon la transcription de l’échange publié mardi par Minsk.
Le contrôleur précise que la menace a été reçue « par email ». Minsk affirmera par la suite que le message se proclamait de l’organisation palestinienne Hamas et réclamait que l’Union européenne cesse de soutenir Israël.
Un chasseur MiG-29 dépêché pour accompagner l’avion
Selon la transcription, la tour de contrôle souhaite avec insistance un atterrissage au Bélarus. Lorsque le commandant de bord demande de qui provient la « recommandation », Minsk répond : « Ce sont nos recommandations ».
Entretemps, un chasseur MiG-29 a été dépêché pour l’accompagner, sur ordre du président Alexandre Loukachenko.
Lundi, le chef de l’armée de l’air bélarusse Igor Goloub avait pourtant affirmé que la décision d’atterrir à Minsk, plutôt qu’en Ukraine ou en Pologne, avait « été prise par le commandant de l’équipage sans ingérence extérieure ».
A 10H15, le vol FR4978 atterrit à l’aéroport de Minsk après avoir dévié de sa trajectoire peu avant d’entrer en Lituanie.
Fouille des passagers
L’appareil, ses passagers et les bagages sont ensuite fouillés par les services de sécurité et des chiens renifleurs. Aucune bombe n’est trouvée, et l’aéroport annonce que les passagers peuvent repartir.
A 14H48 GMT, le vol redécolle et arrive une quarantaine de minutes plus tard à Vilnius.
A l’arrivée cinq passagers manquent, parmi lesquels Roman Protassevitch, l’ex-rédacteur en chef du média d’opposition Nexta exilé en Lituanie, et sa compagne russe, Sofia Sapega.
Selon l’opposition et le président de la compagnie Ryanair, des agents du KGB, les services secrets bélarusses, devaient se trouver à bord du vol, certains pointant l’absence suspecte de trois autres passagers à Vilnius. Alexandre Loukachenko a qualifié mercredi cela de « fake ».
Individus suspects
Avant son départ d’Athènes, Roman Protassevitch avait dit avoir remarqué des individus suspects l’observant, selon la chaîne Telegram « Belarus Golovnogo Mozga » qu’il dirige.
L’opposant, d’après des passagers interviewés par l’AFP, a très vite compris le danger. « Il avait très peur. On aurait dit que si le hublot avait été ouvert, il aurait sauté », a raconté Edvinas Dimsa.
Les autorités bélarusses, M. Loukachenko en tête, affirment avoir agi en toute légalité face à une menace terroriste crédible.
La version du Bélarus est un mensonge
L’arrestation du dissident, recherché par Minsk pour son rôle dans le vaste mouvement de contestation de 2020, est un hasard, affirmait même dimanche soir la télévision d’Etat.
Selon elle, M. Protassevitch n’a pas été arrêté immédiatement, les forces de l’ordre n’ayant pas réalisé qui il était.
Ce n’est qu’après la publication sur Telegram de messages s’interrogeant sur son sort et d’une photo « que la police s’est intéressée » à lui.
Pour l’opposition et l’Occident, la version du Bélarus est un mensonge et un subterfuge pour arrêter un ennemi du pouvoir. La chancelière allemande Angela Merkel a qualifié les explications « d’absolument pas crédibles ».
« Violation de la Convention de Chicago »
L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), un organisme dépendant des Nations unies, a convoqué une réunion d’urgence pour jeudi matin, estimant que l’atterrissage forcé « pourrait être une violation de la Convention de Chicago » qui régit le transport aérien.
De son côté, Minsk, assurant être transparent, a dit inviter à une date inconnue des représentants de l’Association internationale du transport aérien (IATA), de l’OACI, des autorités américaines et de l’Union européenne.
De nombreux pays et organisations internationales ont réclamé une enquête internationale indépendante.