ÉTATS-UNIS

« Business as usual » pour les criminels de guerre du Soudan du Sud

septembre 19, 2016 13:00, Last Updated: septembre 21, 2016 9:18
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WASHINGTON – Malgré un cessez-le-feu théorique entre les factions armées de la plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud, la violence extrême et les crimes de guerre continuent de créer famine pour la plupart – et richesse pour quelques-uns. Un nouveau rapport du Sentry – un groupe d’enquête créé par l’acteur George Clooney et l’activiste John Prendergast, explique comment aussi bien le nouveau président Salva Kiir que l’ancien vice-président Riek Machar profitent, avec leurs généraux, de la guerre civile pour s’enrichir.

Le 12 septembre à Washington, les acteurs George Clooney et Don Cheadle, rejoints par John Prendergast et par les enquêteurs de Sentry, ont rendu public un rapport de 65 pages qui explique comment Kiir et Muchar ont accumulé une fortune « en amplifiant et exploitant une guerre civile brutale, tandis que leur pays souffre de la famine et des horreurs d’un conflit armé, y compris les viols de masse, l’incendie de villages et l’utilisation d’enfants-soldats ».

Depuis 2015, plus de 2,3 millions de Soudanais du Sud ont été déplacés par les combats, d’après l’agence REACH. Le Haut-Commissariat pour les droits de l’homme des Nations unies estime que 5,1 millions de personnes, sur une population de 12 millions, ont besoin d’assistance humanitaire pour faire face à la famine.

« Nous allons vous donner les preuves du comportement criminel systématique du président du Soudan, de son opposant l’ancien vice-président et de leurs généraux. Le fait principal est qu’ils volent de l’argent afin de financer les milices qui s’attaquent et s’entretuent massivement », a déclaré George Clooney en introduction à la conférence de presse.

Le résultat de deux années d’enquête

Les enquêteurs du Sentry ont passé près de deux ans à rassembler des preuves sur l’accumulation de richesses par les leaders des deux camps. « Nos chercheurs ont analysé des milliers de pages de documents officiels, de comptes d’entreprises, ils ont tracé sur Internet les activités des personnes concernées, et utilisé de l’imagerie satellite pour analyser leurs mouvements et leurs investissements », détaille Clooney, ajoutant que plus de 100 employés gouvernementaux soudanais du Sud ont donné des pistes pour l’enquête.

Sentry a ainsi découvert que le général Malong, chef d’État-major de l’armée soudanaise du Sud, dont le salaire annuel est d’environ 45 000 euros, est propriétaire de deux villas de luxe en Ouganda et d’une autre à Nairobi, au Kenya – cette dernière valant à elle-seule 2 millions d’euros. Pour deux autres généraux, « des entreprises étrangères ont fait des paiements directs sur leurs comptes en banque », avec à chaque fois des sommes de plusieurs millions d’euros.

De la même manière, la famille proche du président Kiir est actionnaire d’entreprises « du secteur pétrolier, minier, bancaire, ainsi que dans les télécommunications et le matériel militaire ». Du côté de l’opposition, la famille Muchar bénéficie « d’un style de vie extrêmement confortable en dehors du pays », que ne permet pas le salaire annuel de 54 000 euros que percevait le vice-président soudanais du Sud quand il était en poste, en 2013 et 2014. Ses liens étroits avec des marchands d’armes sont soulignés par le rapport. Point ironique, les deux grands ennemis, le président Kiir et l’ancien-vice-président Machar sont presque voisins dans leurs villas de luxe à Nairobi, au Kenya.

Cet enrichissement grâce à la guerre ne donne aucune envie de travailler à la paix, insiste George Clooney : « Les dirigeants sont censés avoir trouvé un accord de paix, mais ils ne l’ont pas mis en œuvre… ils sont d’accord pour l’aide humanitaire internationale, mais leurs troupes attaquent, dépouillent et violent même le personnel humanitaire ».

D’après le rapport, près de deux tiers du budget national passe en dépenses militaires. Pour Remember Miamingi, militant des droits de l’homme au Soudan du Sud, « la guerre est pour beaucoup une façon de détourner l’argent public et d’accumuler une richesse personnelle. La première étape pour arrêter la guerre est donc de dénoncer ces cliques de criminels qui profitent des assassinats et de la destruction du pays ».

Clooney, Prendergast et Cheadle recommandent donc d’utiliser les mêmes outils de contrainte financière qui ont fait leurs preuves contre le crime organisé : des sanctions dirigées contre tous les relais financiers de la guerre civile – banquiers, marchands d’armes, avocats. Il faudrait assécher le réseau « l’empêchant d’accéder au système bancaire international, d’y déplacer des fonds, d’acheter de l’immobilier ». Selon Prendergast, une rencontre avec le président Obama était planifiée la semaine dernière pour avancer sur ce sujet.

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