Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a tenté de mobiliser en Catalogne contre l’indépendance en appelant dimanche à Barcelone la « majorité silencieuse » à se faire entendre lors des élections régionales, au lendemain d’un rassemblement massif des indépendantistes.
En visite en Catalogne pour la première fois depuis qu’il a placé la région sous tutelle, Mariano Rajoy, bête noire des indépendantistes, est venu soutenir le candidat de son Parti populaire (PP, conservateur) Xavier Garcia Albiol aux élections régionales prévues le 21 décembre.
M. Rajoy a lui-même convoqué ce scrutin après avoir destitué le gouvernement séparatiste de Carles Puigdemont et dissous le Parlement régional pour « rétablir l’ordre constitutionnel », après le vote d’une déclaration d’indépendance le 27 octobre par le Parlement de Catalogne.
Le dirigeant conservateur a également appelé « toutes les entreprises qui travaillent ou ont travaillé en Catalogne à ne pas s’en aller », alors que près de 2.400 entreprises ont quitté la région, gagnées par l’incertitude sur son avenir.
Et dans une Catalogne économiquement stratégique pour l’Espagne où se succèdent manifestations, défilés et grèves, le tourisme dont dépendent bien des emplois a baissé d’au moins 15% depuis le référendum du 1er octobre.
« Nous voulons retrouver la Catalogne de tous, démocratique et libre », a déclaré Mariano Rajoy, appelant aussi les Espagnols à continuer d’acheter des produits catalans.
« Nous pourrons y arriver si la majorité silencieuse transforme sa voix en vote », a-t-il lancé aux Catalans partisans du maintien en Espagne dans cette région profondément divisée, à parts presque égales, sur l’indépendance.
Le candidat du PP, dont la campagne est placée sous le signe d’un cœur mêlant les drapeaux espagnol et catalan et du slogan « ensemble », a aussi interpellé les habitants de cette région.
« Que préférez-vous? Des entreprises, des emplois, un futur, ce que représente le Parti populaire, ou la révolution, les blocages de routes, les grèves (…), ce que représente l’indépendantisme? », a interrogé Xavier Garcia Albiol, un ancien joueur de basket.
La secrétaire générale du PP, la ministre de la Défense Maria Dolores de Cospedal, a elle aussi vanté les mérites d’une région qui « faisait l’orgueil économique et social de l’Espagne ».
Mais pour le PP, la campagne s’annonce ardue: lors des dernières régionales en Catalogne, il n’avait obtenu que 8,5% des voix, largement concurrencé par la jeune formation libérale Ciudadanos, deuxième force politique de la région, anti-indépendantiste et qui lui reproche sa corruption.
Mariano Rajoy s’exprimait au lendemain d’une gigantesque manifestation à Barcelone réclamant la libération d’une dizaine de dirigeants séparatistes, le noyau dur du mouvement, incarcérés dans des enquêtes pour « rébellion » et « sédition ».
Selon la police municipale, 750.000 personnes y ont participé, démontrant que les mouvements indépendantistes ont encore une grande capacité de mobilisation.
À Bruxelles, plusieurs centaines de manifestants indépendantistes catalans ont interpellé dimanche l’Union européenne, l’exhortant à « défendre la démocratie » en Catalogne.
Un rassemblement auquel n’a pas assisté le président catalan destitué Carles Puigdemont, qui se trouve avec quatre autres ex-ministres de son gouvernement dans la capitale belge, dans l’attente d’une décision sur un mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne à leur encontre.
Beaucoup de Catalans, même non indépendantistes, reprochent à Mariano Rajoy d’avoir mené un combat contre le statut de très large autonomie de la région, qui avait débouché sur son annulation partielle par la Cour constitutionnelle en 2010, vécue comme une humiliation.
M. Rajoy, qui a accédé au pouvoir en 2011, a toujours refusé les demandes de la Catalogne d’une meilleure répartition des rentrées fiscales de la nation, puis de la tenue d’un référendum d’autodétermination que les séparatistes ont fini par organiser malgré son interdiction par la justice.
Selon un sondage publié dimanche par le quotidien El Pais, 69% des Catalans désapprouvent la façon dont il gère la crise en Catalogne, bien que le même pourcentage soutienne sa décision de convoquer des élections régionales.
Les indépendantistes assurent avoir gagné le référendum du 1er octobre avec 90% des voix et 43% de participation. Mais leur rêve de sécession n’a duré que quelques heures après la proclamation de l’indépendance, jusqu’à la mise sous tutelle de la région.
De moins en moins de Catalans semblent croire à l’indépendance de la région « dans un futur plus ou moins proche »: ils ne sont plus que 28%, contre 51 en octobre.
Les sondages prédisent un score très serré entre les partisans de l’indépendance, qui avaient obtenu 47,8% des voix en 2015, et ceux d’une Catalogne espagnole.
R.B avec AFP
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