Il s’agenouille à côté du lit de l’Empereur, le front appuyé sur ses paumes, tandis que le murmure des prières pour les mourants emplit le silence de la pièce. Tandis que ses lèvres s’agitent pour implorer son grand-oncle, ses pensées dérivent vers la possibilité écrasante de ce qui pourrait bientôt arriver.
Tandis que l’état de santé de l’empereur François-Joseph Ier s’aggrave, le poids d’une immense responsabilité s’abat comme une ombre sur les épaules de l’héritier de 29 ans. Le jeune et sérieux archiduc se débat avec la réalité qu’il sera bientôt l’Empereur de l’Empire austro-hongrois.
Lorsqu’il se relève à côté du lit de mort du monarque, il se lève pour affronter un monde accablé de malheurs et de défis apparemment insurmontables. Son propre pays était déchiré par des tensions nationalistes et ethniques, tandis que le monde entier était engagé dans la guerre la plus sanglante et la plus destructrice que l’humanité n’ait jamais connue, la Première Guerre mondiale ou, comme on l’appelait à l’époque, simplement « la Grande Guerre ».
La chaîne de commandement
Charles von Habsbourg (1877-1922) n’était pas destiné à devenir monarque. En grandissant, il est resté à plusieurs niveaux du trône, mais une série de tragédies l’ont rapidement rapproché de celui-ci. Tout d’abord, le prince héritier Rudolf (fils de l’empereur régnant François-Joseph) se suicide en 1889, faisant ainsi de son cousin, l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier. François-Ferdinand avait contracté un mariage morganatique, ce qui signifie que ses enfants ne pouvaient pas hériter du trône. À la mort du futur empereur François-Ferdinand, c’est son neveu, Charles, qui deviendra donc souverain.
Mais Charles croit encore qu’il a plusieurs années devant lui avant d’être appelé à diriger l’empire, car François-Ferdinand est encore un homme relativement jeune. C’est alors qu’est arrivée la balle de l’arme du Serbe, dont le feu embrase le monde et change à jamais la vie de Charles et de millions d’autres personnes. François-Ferdinand avait été assassiné, la Première Guerre mondiale avait éclaté et la santé de François-Joseph déclinait. Charles est soudain sur le point d’assumer les couronnes d’Autriche et de Hongrie, avec leurs traditions, leurs attentes et leurs responsabilités ancestrales.
Le plus grand souhait de l’Empereur
François-Joseph meurt en 1916 et Charles devient Charles Ier, empereur d’Autriche et roi de Hongrie. Ce n’était pas une année facile pour devenir chef d’État. En plus du trône, Charles hérite d’une guerre dont il a fait l’expérience personnelle, en première ligne. Dès le début de son règne, Charles, presque seul parmi les dirigeants européens de l’époque, souhaite la paix.
Comme l’indique le site officiel de la canonisation de Charles, « en tant qu’empereur, il considérait la paix comme son devoir royal absolu. C’est pourquoi, dans son manifeste d’ascension (au trône), il a fait de la paix son objectif principal. Seul, il a repris la proposition de paix du pape Benoît XV, en incorporant ses principes dans une série d’accords de paix proposés (que les historiens ont jugés tout à fait réalistes et ayant un grand potentiel) ». Charles a également fait des ouvertures en faveur de la paix aux Alliés par l’intermédiaire de son beau-frère, le prince Sixte de Bourbon-Parme.
Malheureusement, ces tentatives échouent en raison de la politique de « paix par la victoire » des alliés allemands de Charles et des factions hostiles à la paix au sein de l’Entente (la coalition militaire internationale de pays dirigée par la France, le Royaume-Uni, la Russie, les États-Unis, l’Italie et le Japon). Comme le décrit Charles Coulombe dans sa biographie de l’empereur en 2020, Sixte, l’agent de liaison de Charles avait attendu pendant un certain temps à Westminster, une réponse des Britanniques qui ne vint pas. Finalement, il doit retourner à son régiment.
Comme le relate le livre A Heart for Europe de Joanna et James Bogle, Sixte se souviendra plus tard que « le jeune empereur était innocent des fautes de son prédécesseur et n’avait accédé au trône qu’avec un seul désir, celui de mettre fin au massacre universel. Il ne pouvait pas sacrifier inutilement son peuple à l’obstination d’un allié [l’Allemagne] dont l’orgueil était la cause de sa destruction prochaine ». Si les tentatives de paix de Charles avaient été couronnées de succès, écrit Sixte, « la vie de milliers, voire de millions d’hommes aurait été sauvée ».
Le désir de Charles pour le bien de ses sujets s’étendait au-delà des efforts de paix. Charles Coulombe nous apprend que le jeune monarque avait créé un ministère du bien-être social dans ses domaines pour lutter contre la faim et la maladie, ainsi que pour la protection de l’enfance et de la jeunesse, les droits de la famille et l’assurance sociale. Ce ministère est le premier du genre en Europe. Charles envisageait également de transformer une partie de l’empire en un État fédéré afin de donner à son peuple plus d’indépendance et de contribuer à résoudre les problèmes nationalistes dans l’empire multinational, mais il s’est heurté à une trop forte opposition de la part de son cabinet, selon M. Coulombe.
L’empereur et roi était un mari et un père dévoué. Il est resté profondément amoureux de son épouse, la vive et loyale Zita de Bourbon-Parma, et ils ont eu huit enfants. Il discutait avec elle des affaires d’État importantes, comptant sur ses conseils et son soutien lorsqu’il travaillait pour son peuple. Après la mort de Charles, Zita a porté du noir jusqu’à la fin de sa vie.
Le jeune empereur avait un caractère séduisant, selon Charles Coloumbe : « Il était à la fois logique et pratique, avec un sens développé du bien et du mal. (…) Il n’était pas un ‘intellectuel’, mais, comme l’a rappelé son impératrice, il arrivait à ses conclusions par l’instinct et le bon sens. (…) Les goûts de Charles étaient assez simples ; il préférait la musique folklorique aux symphonies et aux opéras, et les livres d’histoire et de voyage aux romans. (…) Charles était un chasseur et un cavalier passionné. Il était particulièrement attentif aux opinions des autres, essayant de les comprendre même s’il n’était pas d’accord. »
En 1918, après l’armistice, le parlement autrichien demande l’abdication de Charles. Il refuse, renonçant à participer aux affaires de l’État sans abdiquer formellement. Les Alliés l’ont tout d’abord exilé en Suisse, puis sur l’île de Madère après ses deux tentatives de récupérer le trône. Sur l’île, le couple royal et ses enfants vivaient dans la pauvreté et dans de mauvaises conditions. Charles contracte une pneumonie et meurt le 1er avril 1922, à l’âge de 34 ans. Les dernières paroles qu’il a adressées à Zita étaient : « Je t’aime tellement. »
Les évaluations de Charles et de ses réalisations varient. Certains le qualifient de faible et d’inefficace. D’autres le qualifient de méchant. D’autres le considèrent comme un héros qui a tenté de sauver son pays des horreurs de la guerre. Dans l’Église catholique, il est considéré comme « bienheureux ».
Une chose est sûre : sa mort a marqué la fin de la dynastie séculaire des Habsbourg, et peut-être davantage. Les anciennes monarchies d’Europe étaient autrefois associées à la tradition, aux coutumes et à la culture européenne traditionnelle. La vieille Europe était liée aux monarchies. La mort du jeune empereur a marqué la fin de cette Europe.
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