Malgré le danger évident d’espionnage de la part des sociétés de télécommunications chinoises telles que Huawei, les pays du tiers-monde s’empressent de signer avec elles des contrats pour les services gouvernementaux en ligne et d’infrastructure cloud. La plupart des 70 contrats repérés dans la nouvelle analyse du Center for Strategic and International Studies (CSIS) proviennent de pays d’Asie, d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine.
À partir de 2006, ces contrats ont été signés dans 41 pays, dont la plupart sont considérés comme « partiellement libres » ou « non libres » par Freedom House. Le compte-rendu de la nouvelle analyse du CSIS a été publié dans le Financial Times.
Les accords internationaux avec Huawei sont signés malgré les avertissements du gouvernement américain par rapport à l’espionnage électronique de ce géant chinois de télécommunications et l’existence de nombreuses preuves d’opérations d’influence de Huawei dans le monde entier. En 2019, Huawei a dépensé près de 3 millions de dollars pour lobbying seulement aux États-Unis et elle a noué des liens étroits avec d’anciens politiciens de haut rang, tant aux États-Unis qu’au Canada. Cette année-là, par exemple, la société chinoise a embauché un ancien responsable de la politique de cybersécurité du Conseil de sécurité nationale d’Obama pour faire du lobbying à Washington.
En 2018, la société chinoise de télécommunications ZTE a engagé Joe Lieberman, candidat à la vice-présidence démocrate aux élections présidentielles américaines de 2000. Selon Politico, ZTE a également « engagé pour les services de lobbying » deux anciens membres du Congrès américain, tandis que « Bryan Lanza, l’ex-directeur adjoint de la communication de la campagne présidentielle de Trump, a aussi travaillé pour ZTE ».
Selon des documents non publiés qui m’ont été montrés par un universitaire canadien, Huawei est proche de tout un groupe de Canadiens influents. Trois anciens premiers ministres canadiens et trois anciens ministres des Affaires étrangères sont liés aux finances et intérêts chinois, révèlent les recherches de cet universitaire qui ne divulgue pas les noms pour l’instant par crainte d’être impliqué dans des poursuites. Il est vrai qu’on a besoin d’une meilleure législation pour protéger les journalistes et les universitaires si on veut exposer l’influence corruptrice de la Chine dans nos démocraties.
Notre législation fait défaut en partie à cause du fait que nos législateurs sont eux-mêmes impliqués dans cette corruption. Il n’est donc pas étonnant que la Chine traite comme ses laquais nos politiciens démocratiquement élus. C’est ce qu’a fait d’eux leur quête de dons pour leurs campagnes et d’emplois comme consultants à l’expiration de leur mandat. L’ancien Premier ministre britannique David Cameron est le dernier à ce jour à subir une humiliation publique pour ses diverses affaires de lobbying, notamment une tentative échouée de promouvoir un fonds d’investissement chinois d’un milliard de dollars.
Selon l’analyse du CSIS qui, apparemment, sous-estime la situation réelle (CSIS a ses propres donateurs liés à la Chine), « après que Huawei se procure une ‘niche’ en tant que fournisseur de gouvernements et d’entreprises d’État, elle renforce sa présence pour obtenir une position stratégique qui pourrait fournir aux autorités chinoises des renseignements importants et même la possibilité d’exercer des mesures coercitives ». En d’autres termes, si Huawei possède des informations qu’un Premier ministre a reçu des pots-de-vin pour un contrat pétrolier ou a trompé sa femme, cette société peut les utiliser pour obliger le Premier ministre à se plier aux exigences de la Chine.
La même situation est observée parmi les membres des groupes d’experts occidentaux. Ces groupes d’experts devraient s’engager publiquement à ne pas accepter d’argent provenant de sources liées à Pékin, y compris des sociétés occidentales dont les profits dépendent de la Chine.
L’influence de Huawei s’étend également aux universités les plus prestigieuses du monde. Par exemple, à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) qui, depuis 2013, a conclu avec la société chinoise des accords d’une valeur d’environ 11 millions de dollars qui comprennent des dons et les subventions de recherche.
Bien que la plupart des universités prestigieuses aient arrêté leurs nombreux projets financés par Huawei en 2018, l’université d’Oxford n’a interdit les dons et subventions de recherche de Huawei qu’au début de 2019. À l’époque, les contrats avec cette société chinoise ne représentaient que 692 000 livres sterling, mais on ne sait pas combien de fonds ont été versés par d’autres sources. En septembre 2019, le milliardaire Stephen Schwarzman, lié à la Chine, a fait un don de 150 millions à l’université d’Oxford.
Le centre de données construit par Huawei en Papouasie–Nouvelle-Guinée a été très vulnérable au piratage informatique. À la suite d’un contrat de communication conclu en 2012 avec Huawei pour le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, les responsables de cette organisation internationale ont accusé la Chine de pirater pendant la nuit ses systèmes informatiques et de télécharger des données confidentielles – ceci pendant cinq ans. Bien sûr, Huawei nie être en possession des données de ses clients. Mais c’est un mensonge évident, à moins que cette société ne veuille dire que « voler » n’est pas vraiment « posséder ».
Les États-Unis affirment que Huawei utilise des portes détournées dans ses équipements pour permettre au régime chinois d’espionner les données qui transitent par les équipements de cette société. L’Amérique sanctionne à juste titre Huawei en limitant ses achats de semi-conducteurs et d’autres technologies critiques. Cependant, Huawei produit toujours plus d’équipements de télécommunications pour le marché mondial que toute autre entreprise. Et tout ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’influence chinoise.
Soyons en même temps honnêtes : la Chine n’est pas la seule à espionner. De nombreux pays le font aussi. Les États-Unis auraient surveillé 35 « leaders internationaux », y compris la chancelière allemande Angela Merkel. Ajoutez à cela que 70 millions d’enregistrements de données téléphoniques de citoyens français ont été effectués par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) en une période de 30 jours. C’était en 2013. Le président Obama s’est excusé et a dit qu’il allait l’arrêter. Oui, c’est vrai.
Toutefois, lorsqu’un gouvernement promet d’arrêter d’espionner, il continue de le faire. C’est ce que font les gouvernements.
Quant à la Chine, elle ne reconnaît même pas son espionnage et ne s’excuse pas. Cependant, elle espionne certainement toute personne d’importance qu’elle peut espionner. Et les sociétés comme Huawei qui sont basées en Chine ne peuvent pas contrevenir aux ordres qu’elles reçoivent du gouvernement chinois. C’est la loi en Chine communiste.
Selon Christopher Wray, alors qu’il était directeur du FBI sous l’administration Trump, « il est de notoriété publique qu’en vertu de la loi chinoise sur la cybersécurité, les sociétés chinoises comme Huawei sont, en fait, tenues de fournir un accès sur demande, avec peu ou pas de moyens pour le contester. C’est pourquoi cela crée les implications pour la sécurité nationale qui nous préoccupent ».
Sachant que les pays espionnent leurs alliés et que cet espionnage est un outil puissant de leur politique, on ne peut pas s’attendre à ce que des pays en compétition géopolitique comme les États-Unis et la Chine cessent d’espionner. L’approche la plus réaliste est de présumer que tout pays qui peut espionner espionnera, et de s’assurer (au mieux de nos capacités) que les pires pays en ce qui concerne le maintien des valeurs morales, comme la Chine, n’obtiennent pas l’accès électronique à tous nos secrets.
Choisissez le moindre de deux, de trois ou de 193 maux (le nombre de pays membres de l’ONU). Au lieu d’acheter l’équipement de Huawei bon marché et utilisé pour mettre en danger les démocraties du monde entier, achetez plutôt l’équipement de Nokia de Finlande ou d’Ericsson de Suède. Ces pays ont tendance à soutenir la liberté, la démocratie et les droits de l’homme plus que beaucoup d’autres. Au moins, leur espionnage pourrait être utilisé pour de bonnes causes. Si vous pensez que l’Amérique est le seul pays suffisamment puissant militairement et économiquement pour tenir tête à la Chine, alors contribuez au renforcement de ce pays démocratique en achetant aussi du matériel auprès des entreprises américaines. J’ai étudié les deux grandes puissances de l’intérieur et je fais plus confiance à l’Amérique qu’à la Chine. Je pense que vous pourrez être d’accord avec moi.
Dr Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (à paraître en 2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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