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La Chine perd la bataille contre les pilleurs de tombes

août 17, 2016 14:23, Last Updated: septembre 25, 2016 21:42
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« Pour devenir riche du jour au lendemain, pillez des tombes » est un dicton en usage en Chine. De nombreux chinois sans expérience préalable en archéologie l’ont pris à cœur au cours de ces dernières années.

En mai 2015, le Ministère de la Sécurité publique de la République populaire de Chine a annoncé avoir arrêté 175 personnes dans six provinces suspectées d’avoir pillé des tombes. Il s’agit de la plus grosse opération de ce genre en plusieurs décennies. Le réseau des criminels suspectés est accusé du vol et du trafic de plus de 1000 reliques funéraires, d’une valeur de près de 80 millions d’euros.

Le chef de l’organisme de protection de l’héritage culturel chinois, Li Xiaoji, a déclaré quatre mois plus tard, à un important journal du Parti, que le rôle de préserver les trésors culturels chinois était « dur » et « déprimant », en raison de l’augmentation des pilleurs de tombes organisés, équipés de matériel high-tech et du manque extrême de ressources de l’agence.

Le pillage de tombes est déjà une industrie en plein essor en Chine.

– Xie Zhensheng, Président d’honneur de la Société des reliques culturelles chinoises

Alors que de plus en plus de chinois apprennent l’existence de richesses pouvant être déterrées du passé, une abondance de procédés sur comment piller des tombes est à leur disposition. En passant par des groupes d’entraide sur Internet, ils rejoignent ensuite une industrie de haute technologie illicite, construite sur le cambriolage de caveaux funéraires.

Mais tandis que les officiels en charge de la préservation culturelle semblent mener une bataille ardue pour sauver les antiquités nationales et préserver des tombeaux de valeur, la guerre du Parti communiste contre les pilleurs de tombes souffre fatalement d’être infiltrée par les cadres mêmes, désireux de pouvoir s’enrichir avec ce commerce lucratif.

Une industrie en plein essor

Les chinois pensaient traditionnellement qu’il était de mauvaise augure d’interférer avec les affaires de l’au-delà – sans parler de saccager les tombeaux de leurs ancêtres. Bien que le pillage de tombes existait, les actes du passé font pâle figure en les comparant à l’échelle des opérations actuelles, explique Xie Zhensheng, le Président d’honneur de la Société des reliques culturelles chinoises, une organisation semi-officielle du Parti.

« Le pillage de tombes est déjà une industrie en plein essor en Chine », a déclaré Xie au portail d’informations Sina Weibo en décembre 2015.

Un pendentif en jade, datant de la civilisation de Hongshan (environ 4700 à 2900 av. J.C.). Il a été récupéré lors de l’arrestation de 175 pilleurs de tombes, en mai 2015. (Xinhua News Agency)

En effet, il y avait déjà en 2010 plus de 100 000 pilleurs de tombes, amateurs et professionnels, dans les seuls provinces du Hebei, Henan, Hunan, Shanxi, Shaanxi et Gansu, selon le journal provincial Chu Tian Jin Bao, citant une source infiltrée. Les paysans et les laboureurs occasionnels représentent le plus gros des pilleurs de tombes amateurs, selon le magazine Fanyuan, une publication gérée par l’État.

Il est facile de rejoindre le mouvement du pillage de tombes. « Xiao Hao », un infiltré, a rapporté à Chu Tian Jin Bao que les intéressés voulant se faire la main pouvait prendre des cours dans le Henan (un important site archéologique et localisation de l’ancienne capitale Luoyang) pour près de 200 yuan (environ 25 €) par jour. Des méthodes d’observation de terrain sont d’abord enseignées, avant de progresser à l’utilisation de sondes et de pelles et pour finir, d’explosifs. Après 10 jours, les adeptes ont la chance d’assister un instructeur dans un vrai pillage de tombe.

La technologie de pillage de tombes comprend un équipement de démolition à effet dirigé, des lunettes à vision nocturne, des scies électriques, des bonbonnes d’oxygène, des masques à gaz, des talkie-walkie, des détecteurs de métaux et des pelles spécialisées.

Une recherche pour « pillage de tombes » (« daomu ») sur Baidu, le plus grand portail d’informations internet chinois, révèle un nombre incalculable de sites et forums en ligne donnant des instructions sur comment entrer dans l’industrie, comment aller en reconnaissance dans une tombe épargnée, où trouver des outils et de l’équipement et comment se connecter à de possibles partenaires de crime.

En fonction de la localisation et de la période historique, les pilleurs de tombes peuvent tomber sur des objets précieux comme des pièces de dragons en jade du Néolithique, des récipients en bronze de la dynastie Shang, des plaques d’or inscrites de la période des Royaumes Combattants, ainsi que des statues de Bouddha en pierre des dynasties Tang et Song.

Lorsque des pilleurs de tombes mettent à jour des artefacts ou des reliques, la première étape est de l’envoyer tout de suite à l’étranger, explique Li Maizhu, directeur en chef de l’Association de la collection de reliques de Anyang, au site internet d’informations financières géré par l’État First Finance. « Si une antiquité envoyé à l’étranger n’obtient pas un meilleur prix qu’en Chine, elle est ré-expediée à l’aide de différents canaux. »

Un tripode en bronze datant de la période des Printemps et Automnes (771 à 476 av. J.C. ). Il a été récupéré d’un pillage de tombe dans la province du Hubei en novembre 2012. (Netease)

Il est pourtant possible à l’antiquaire averti de discerner des biens volés.

Tony Dai, un priseur d’antiquités basé à New York, a dit à Epoch Times que la plupart des objets faits d’or, d’argent et de bronze, aussi bien que la poterie des dynasties précédentes comme celle des Han ou des Tang, ont probablement été pris dans des tombes, étant donné les coutumes funéraires de ces périodes.

Il est encore plus facile de dire si une pièce de jade a été récupérée dans un caveau : « Le jade a une couleur blanchâtre et comme la gemme absorbera la poussière, celles qui ont été enterrées ont une couleur terreuse et une texture notablement différente », explique Dai.

Combattre la technologie par la technologie

Une des plus anciennes villes chinoises, Xi’an dans le Nord-Est de la province du Shaanxi, a une histoire remontant au XXIe siècle av. J.C. . L’ancienne capitale de quatre dynasties, Xi’an, ou Chang’an avant la dynastie Ming (1368-1644) est le lieu de certains des tombeaux les plus connus, incluant le mausolée de Qin Shihuang, le premier empereur Qin, avec ses fameux guerriers en terre cuite.

La richesse des artefacts culturels reposant sous le sol à Xi’an en fait un aimant pour les pilleurs de tombes : entre 2012 et 2014, la police a capturé un total de 1 246 suspects de crimes culturels dans le Shaanxi, et retrouvé 4 488 reliques culturelles, incluant 22 pièces de première classe et 128 de seconde classe, selon l’Administration d’État chinoise de l’héritage culturel.

Un policier montre le détecteur de métal utilisé par trois pilleurs de tombes après leur arrestation en 2007. (Sohu)

L’organisme officiel de protection du patrimoine a rapporté que les pilleurs de tombes étaient équipés avec la toute dernière technologie de cambriolage – des équipements de démolition à effet dirigé, des lunettes à vision nocturne, des scies électriques et des foreuses, des bonbonnes d’oxygène, des masques à gaz, des talkie-walkie, des détecteurs de métaux et des pelles Luoyang – une lame à demi ouverte, montée sur une sorte de tube par une longue perche – elles sont utilisées pour sonder la terre.

Pour déterrer et détecter ces cambrioleurs high-tech, les autorités du Shaanxi ont dépensé d’importantes sommes pour la surveillance. En septembre 2011, le Département culturel provincial du Shaanxi a acheté pour 100 millions de yuan (environ 15 millions d’euros) d’équipement pour surveiller les anciens tombeaux du pays, selon le média d’État China Daily. Un an plus tard, le Bureau du tourisme du comté de Liquan dans la province du Shaanxi a annoncé qu’il consacrerait 76,6 millions de yuans (10 millions d’euros) pour du matériel de sécurité – des systèmes d’alarmes à détection d’intrusion, des systèmes de surveillance audio et vidéo, des systèmes de patrouille électronique, des générateurs de secours et un centre de contrôle de police – afin de protéger le mausolée Zhao, la sépulture de Taizong, le second empereur de la dynastie Tang.

Une collection de pelles Luoyang. (China Radio International)

 

Le Bureau de sécurité publique à Xi’an développe à la fois de la main d’œuvre et des nouvelles technologies afin d’éviter les pillages de tombes : en juin 2015, la police a tenu un rassemblement pour présenter les drones sans pilote qui seront utilisés pour prévenir les pillages de tombes et pour annoncer que 10 millions de yuan (environ 1,5 million d’euro) seront utilisés pour embaucher 5 600 « défenseurs de l’héritage ».

Qui surveillent les gardiens ?

Le régime chinois aurait pu être plus efficace pour prévenir le vol de ses reliques culturelles – si seulement ses propres cadres n’étaient pas corrompus.

Les médias de Chine continentale rapporte souvent des affaires de collaborations entre les pilleurs et les officiels. En 2003, 13 pilleurs de tombes du comté de Xia dans la province du Shanxi ont été jugés pour avoir conduit leurs activités illégales durant une longue période de temps, en étant « protégés » par trois policiers du bureau locale de Sécurité Publique, selon le média d’État Xinhua. L’année suivant, Bao Weidong, directeur en chef du bureau de la Sécurité Publique de la bannière d’Ejin, en Mongolie Intérieure, a été pris en train de piller un ancien temple.

Des policiers chinois exposent 8 000 reliques culturelles volées dans la province de Liaoning, le 19 janvier 2005. (STR/AFP/Getty Images)

Certains archéologues d’État mènent une double vie : humbles protecteurs et conservateurs du patrimoine de l’ancienne culture chinoise le jour, voleurs de tombes sans scrupule la nuit, selon un rapport de septembre 2010 de Chinese Social Sciences Today. De plus, certains administrateurs locaux ont été connus pour avoir embauché des pilleurs de tombes pour travailler sur les sites archéologiques, une situation causée par le manque d’archéologues professionnels dans le pays.

De hauts fonctionnaires et même des officiers de police ont des connections avec le « réseau d’intérêt » du pillage de tombes, selon Fanyuan Magazine.

« Des trafiquants d’antiquités sont de mèche avec les pilleurs de tombe et envoient leurs trésors déterrés aux hauts fonctionnaires, qui collectionnent eux-mêmes les antiquités. Des hommes d’affaires achètent ensuite ces trésors aux fonctionnaires. Certains officiels de la Justice remplacent même les antiquités valant des dizaines de millions par des fausses durant leurs investigations criminelles sur les affaires de pillage de tombes », continue l’article.

Tony Dai, le priseur d’antiquités de New York, a raconté à Epoch Times une anecdote de ces réseaux d’intérêts entremêlés.

Un ami de Dai en Chine, également un antiquaire, a un jour rencontré un groupe d’hommes impliqué dans le pillage de tombes, qui se sont rencontrés par l’intermédiaire de la police en charge des opérations contre le pillage de tombes. Il s’est révélé que les plus proches partenaires commerciaux des voleurs étaient la police.

« Les pilleurs de tombes apportaient directement tous leurs biens volés à la police pour les faire vendre par les policiers et éviter ainsi une inspection. »

Version originale : China Fights Losing Battle Against Tomb Raiders

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