Quasiment inconnues du grand public il y a encore quelques années, la chlorelle, la klamath et la spiruline jouissent désormais d’une notoriété grandissante.
Leur usage s’est démocratisé et on les retrouve facilement sur les étals de commerçants spécialisés dans l’alimentation biologique ou naturelle. Elles font également l’objet de nombreuses études scientifiques, destinées autant à en mesurer les propriétés nutritionnelles que les vertus médicinales.
Certains grands chefs ont d’ailleurs décidé de les incorporer à leurs menus. C’est par exemple le cas de Pierre Gagnaire – trois étoiles au Michelin – qui travaille la chlorelle et la spiruline dans les cuisines de son restaurant parisien, mais aussi de Jérôme Roy, chef du restaurant étoilé Le Cloître dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou encore de Michel Izard, célèbre artisan boulanger breton.
Quelles sont les particularités de ces micro-organismes et quels sont leurs bénéfices pour la santé ?
Des organismes primitifs à l’origine de la vie
Apparus sur Terre il y a environ trois milliards d’années, ces organismes microscopiques capables de réaliser la photosynthèse ont largement participé à la formation de conditions favorables à l’existence des formes de vie actuelles, en contribuant à enrichir l’atmosphère terrestre en oxygène.
Ayant très peu évolué depuis leur apparition, ces organismes ancestraux ont ensuite su constamment s’adapter aux modifications qui ont transformé la planète jusqu’à aujourd’hui. Ils continuent de se développer naturellement au sein de lacs d’eau douce caractérisés par des eaux chaudes et alcalines, riches en éléments nutritifs.
La chlorelle, la klamath et la spiruline sont souvent dénommées microalgues ou algues bleu-vert de façon générique. En réalité, seule la chlorelle peut vraiment être considérée comme une algue microscopique. Il s’agit en effet d’un organisme eucaryote, c’est-à-dire pourvu d’un noyau qui contient l’ensemble de son matériel génétique.
La spiruline et la klamath sont en revanche des organismes procaryotes : dépourvus de noyau, leur matériel génétique est conservé directement au sein du cytoplasme. Ni algue, ni végétal, elles appartiennent à la famille des cyanobactéries.
Des aliments consommés depuis des siècles
Redécouverts par les occidentaux au XXe siècle, ces micro-organismes faisaient déjà partie du régime alimentaire de certains peuples depuis plusieurs centaines d’années. Au XVIe siècle, le conquistador espagnol Hernán Cortès rapporte dans ses mémoires avoir observé les Aztèques récolter la spiruline sur le lac Texcoco au Mexique. Ils la faisaient ensuite sécher au soleil avant de la consommer sous forme de gâteaux appelés tecuitlatl.
La récolte de spiruline sauvage constitue aussi une tradition ancestrale en Afrique, en particulier parmi la tribu des Kanembous, établie au nord du lac Tchad, qui la déguste sous forme de galettes depuis la nuit des temps.
Des sources de micronutriments remarquables
La richesse exceptionnelle en micronutriments de ces trois organismes permet de les qualifier de superaliments : vitamines, minéraux, acides aminés, enzymes, acides gras et pigments naturels s’y trouvent en grande quantité.
Leur teneur en protéines végétales digestes et facilement assimilables est également remarquable : les protéines représentent en effet plus de la moitié de leur poids sec, ce qui en fait des aliments de choix pour celles et ceux qui adoptent une diète végétarienne.
Outre leur richesse en protéines végétales, chlorelle, klamath et spiruline contiennent chacune l’ensemble des huit acides aminés essentiels (c’est-à-dire, ceux que le corps humain n’est pas en mesure de synthétiser) et constituent une excellente source de fer biodisponible.
Alcalinisantes, elles aident à désacidifier l’organisme et limitent ainsi le développement de pathologies inflammatoires.
Il existe plusieurs souches de chlorelle et de spiruline. Néanmoins, les plus consommées sont les variétés chlorella vulgaris et chlorella pyrénoïdosa pour la chlorelle, et arthrospira platensis pour la spiruline.
Elles sont généralement proposées sous forme de poudre brute, de comprimés ou de gélules, voire de paillettes pour la spiruline que l’on peut même parfois trouver fraîche, plusieurs fermes artisanales ayant élu domicile dans l’Hexagone.
En poudre, elles s’intègrent facilement à diverses préparations sucrées ou salées, comme une vinaigrette ou un smoothie, mais elles peuvent aussi être dégustées telles quelles, diluées dans un verre d’eau ou de jus de fruit. En paillettes, on pourra par exemple les saupoudrer sur une salade.
Quelques grammes par jour suffisent pour profiter de leurs bienfaits et enrichir son alimentation. Il est préférable de ne pas les faire chauffer pour bénéficier de l’intégralité de leurs précieux nutriments.
La chlorelle, un allié détox
Nourrissante, riche en minéraux – notamment en fer – et en vitamines (groupes B, C et E), cette microalgue détient également le taux de chlorophylle le plus élevé du monde végétal, d’où son surnom de « magicien vert ».
Pigment naturel essentiel à la photosynthèse, la chlorophylle joue un rôle majeur dans l’oxygénation de l’organisme en favorisant le transport de l’oxygène à travers les cellules sanguines et en purifiant le sang. Elle améliore également la réponse immunitaire et soutient les processus de cicatrisation en stimulant la régénération des cellules endommagées.
Par ailleurs, la chlorelle participe aussi au bon fonctionnement du microbiote par sa capacité à assainir et à rééquilibrer la flore intestinale en soutenant le développement de bactéries probiotiques comme les lactobacilles. Riche en fibres, elle purifie les intestins et régule le transit en douceur en limitant constipation et ballonnements.
Elle contribue également à diminuer l’acidité stomacale et exerce un rôle protecteur sur le foie. Au même titre que la spiruline ou la klamath, la chlorelle est naturellement alcaline et concourt à restaurer l’équilibre acido-basique de l’organisme.
Enfin, la composition de la membrane cellulaire de la chlorelle – riche en hémicellulose – lui permet de fixer les métaux lourds et les dioxines qui circulent dans l’organisme avant de les évacuer par les voies naturelles. Elle constitue ainsi un précieux allié dans le cadre de processus d’épuration et de détoxication.
La souche chlorella pyrénoïdosa semblerait d’ailleurs mieux adaptée aux protocoles de détoxication, du fait de sa teneur en sporopollénine, une substance qui participe à la fixation des polluants et qu’on ne retrouve pas chez la variété chlorella vulgaris.
La spiruline, un concentré d’énergie
Particulièrement riche en sels minéraux et en vitamines (groupes B, E et K), la spiruline contient quatre fois moins de chlorophylle que la chlorelle mais présente une teneur en protéines plus importante.
Sa consommation limite ainsi l’apparition de carences alimentaires, permet de renforcer les mécanismes de résistance de l’organisme et favorise le développement de la masse musculaire. De plus, elle stimule le tonus, augmente l’endurance et contribue à diminuer la fatigue physique.
La spiruline contient également plusieurs antioxydants capables de lutter contre les radicaux libres et de protéger l’organisme contre le vieillissement cellulaire et le stress oxydatif.
On retrouve ainsi une forte concentration de caroténoïdes (provitamine A, luthéine, zéaxanthine) qui exercent notamment un rôle photoprotecteur, permettent de préserver la santé des yeux et de prévenir les maladies liées à la dégénérescence maculaire.
La spiruline concentre aussi un taux significatif de phycocyanine, un pigment bleu aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Sa consommation permettrait de renforcer les défenses naturelles, de stimuler le système immunitaire et de revitaliser l’ensemble de l’organisme.
Grâce à l’énergie qu’elle apporte, la spiruline soutient l’activité et améliore les performances physiques, ce qui peut représenter un atout indéniable pour les personnes convalescentes ou dénutries, les sportifs, ou simplement celles et ceux qui font face à des périodes de surmenage et de fatigue occasionnelles.
Admiratives de son potentiel nutritif exceptionnel, la NASA et l’ESA (Agence Spatiale Européenne) envisageraient même de l’inclure aux menus de leurs astronautes !
La klamath, l’or cérébral
À l’inverse de la chlorelle et de la spiruline – aujourd’hui largement cultivées en dehors de leurs milieux d’origine, à travers des systèmes clos (bassins) ou à ciel ouvert (tubes de verre installés sous serre par exemple) – la klamath détient la particularité d’être uniquement disponible à l’état naturel, ce qui la rend à la fois plus rare et onéreuse.
De surcroît, elle ne se développe que dans un seul endroit au monde : le lac Klamath supérieur, situé à plus de 1 200 mètres d’altitude dans une région volcanique de l’Oregon, au nord-ouest des États-Unis.
Au cœur d’un vaste parc national à l’écosystème préservé, les eaux du lac Klamath, alimentées par les sources des chaînes de montagnes avoisinantes, sont d’une grande pureté et bénéficient à la fois d’un biotope exceptionnel, de caractéristiques géologiques uniques et d’un taux d’ensoleillement optimal.
La richesse nutritionnelle du lac s’explique notamment par les dépôts volcaniques qui s’y accumulent depuis des milliers d’années et un phénomène naturel d’eutrophisation.
Avant d’être découverte par les premiers colons européens au début du XIXe siècle, cette vaste étendue lacustre abritait plusieurs communautés amérindiennes dont la tribu des Klamaths, qui vivait aux abords du lac.
Comparée à la chlorelle ou à la spiruline, la klamath – appelée aussi Aphanizomenon Flos-Aquae (AFA) – dispose d’une concentration en micronutriments et en principes actifs supérieure et plus variée. Elle représenterait même aujourd’hui la forme de vie connue la plus riche en nutriments hautement assimilables, rassemblant un vaste éventail d’acides aminés, de vitamines, d’acides gras et de pigments naturels, ainsi que de très nombreux minéraux et oligoéléments bénéfiques pour la santé.
Comme la spiruline, elle comporte des caroténoïdes, mais aussi de la phycocyanine qui lui confère de remarquables propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, ainsi qu’une action revitalisante sur le système immunitaire.
À l’instar de la chlorelle, elle contient aussi une certaine proportion de chlorophylle, pigment essentiel en ce qui concerne l’oxygénation et la purification de l’organisme.
Toutefois, la klamath est la seule qui exerce une action neuroprotectrice et qui contienne de la phényléthylamine (PEA) – appelée familièrement « molécule de la joie » – que l’on retrouve en faible proportion dans certains aliments comme le chocolat, le fromage ou le vin.
Cet acide aminé joue un rôle de neurotransmetteur et permet de réguler l’activité des neurones dopaminergiques liés à la sensation de plaisir, mais aussi à la gestion des mouvements, à la mémoire et à l’attention.
La consommation régulière de klamath permettrait de renforcer la vigilance et la capacité de concentration, de stimuler la mémoire et d’améliorer la clarté mentale.
La phényléthylamine affecte également l’activité des neurones sérotoninergiques, qui agissent sur le système nerveux central et influencent la modulation de l’humeur et des émotions, du sommeil et des comportements alimentaires.
Partenaire cérébral de haute volée, la klamath participerait ainsi à l’équilibre mental et émotionnel en soulageant le stress et l’anxiété, tout en réduisant la fatigue nerveuse et les troubles liés à la dépression.
Gorgée de nutriments remarquables, ce micro-organisme constitue un trésor naturel aux vertus exceptionnelles, capable de jouer un rôle déterminant aussi bien sur l’équilibre cérébral et émotionnel, que sur la régénération cellulaire et l’immunité.
Des enjeux sociaux, sanitaires et environnementaux à l’échelle mondiale
Plusieurs micro-organismes aquatiques suscitent aujourd’hui le vif intérêt de nombreux chercheurs à travers le globe. Ils étudient leurs propriétés nutritionnelles et thérapeutiques, mais s’y intéressent aussi dans le cadre du développement de nouvelles sources d’énergies renouvelables autour de la biomasse.
Les caractéristiques singulières de la chlorelle et de la spiruline, associées à la faculté de les cultiver en dehors de leur milieu naturel, les placent ainsi au centre de toutes les attentions.
A contrario, l’utilisation de la klamath à grande échelle est pour l’instant limitée du fait de l’incapacité à reproduire les conditions nécessaires à son développement en dehors de son biotope d’origine.
En plus de leurs avantages considérables sur le plan nutritionnel, les cultures de chlorelle et de spiruline offrent aussi un rendement très compétitif. Elles mobilisent en effet des surfaces plus réduites que celles indispensables à l’élevage ou à l’agriculture et consomment moins de ressources naturelles.
Alors que l’eau potable devient une ressource de plus en plus rare et que la superficie des terres fertiles ne cesse de diminuer, le développement de fermes spécialisées dans la culture de chlorelle et de spiruline pourrait par conséquent représenter un enjeu fondamental dans les années à venir.
De telles structures seraient par exemple aptes à réduire l’impact des phénomènes de déforestation engendrés par l’expansion permanente des surfaces agricoles destinées à l’élevage des troupeaux. Ces pratiques, répandues en Amérique du Sud et en Asie, ont des conséquences catastrophiques sur la biodiversité et s’accompagnent parfois d’expropriations et de l’exode des populations indigènes.
La lutte contre la malnutrition – un enfant de moins de cinq ans sur quatre souffre encore de malnutrition aujourd’hui selon l’Unicef – constitue également un enjeu majeur auquel la richesse nutritionnelle de ces micro-organismes pourrait répondre de manière satisfaisante.
Plusieurs institutions internationales comme l’ONU, l’OMS, l’Unesco ou la FAO ont déjà souligné le rôle essentiel de la spiruline dans le cadre de campagnes contre la malnutrition. L’OMS l’a d’ailleurs désignée comme le « meilleur aliment pour l’humanité au XXIe siècle », tandis que l’Unesco en parle comme « l’aliment idéal et le plus complet de demain ».
Très appréciée au Japon, la chlorelle y est quant à elle considérée comme un aliment d’intérêt national depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Représentant une source fiable de protéines et de nutriments, elle y est consommée quotidiennement par plusieurs millions de personnes désireuses de se maintenir en bonne santé.
Enfin, la spiruline et la chlorelle font aussi partie des différentes souches de microalgues étudiées actuellement dans le cadre de recherches sur les biocarburants de troisième génération.
En comparaison des premières générations, à base de ressources végétales, ces micro-organismes présentent l’avantage de ne pas concurrencer l’espace des terres cultivables réservées à l’alimentation humaine. Ils laissent également espérer des rendements supérieurs et permettraient, à travers leur activité photosynthétique, de recycler une partie du gaz carbonique engendré par l’activité industrielle de l’homme.
Le champ des perspectives offert par ces formes de vie ancestrales s’avère donc à la fois immense, passionnant et particulièrement prometteur. Il y a fort à parier que l’on entendra encore longtemps parler d’elles.
Les points de vue et commentaires exprimés dans cet article ont pour seul objectif de fournir des informations à ses lecteurs et n’entendent en aucun cas se substituer aux conseils d’un médecin. En aucune manière les informations exposées dans cet article ne constituent une quelconque recommandation de traitement, une prescription ou un diagnostic, ni ne doivent être considérées comme tels.
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