ENTRETIEN – Dans un entretien accordé à Epoch Times, le président de l’Observatoire du journalisme (OJIM) Claude Chollet livre son regard sur le paysage médiatique français. Il revient également sur la suppression de C8 de la TNT et la défiance des Français vis-à-vis des médias.
Epoch Times : Claude Chollet, vous êtes président de l’Observatoire du journalisme (anciennement Observatoire des journalistes et de l’information médiatique, Ojim). Comment analyseriez-vous le paysage médiatique français en 2025 ? Est-il davantage pluraliste qu’auparavant ?
Claude Chollet : Si nous faisons une comparaison entre 2015 et 2025, l’irruption de Vincent Bolloré a changé un peu le paysage. Avec le grand succès de CNews, devenue la première chaîne d’information continue, le retour en forme d’Europe 1, l’arrivée d’une nouvelle équipe au JDD, un peu d’oxygène est parvenu dans l’atmosphère souvent confinée des médias français.
Mais ce mouvement ne représente encore qu’une faible fraction de l’information, qui demeure dominée par un certain progressisme libéral libertaire, majoritaire dans les rédactions.
En même temps, qu’en est-il de l’état de la liberté d’expression dans les rédactions ? Il y a deux semaines, Philippe Carli, le président du groupe de presse Ebra a dû démissionner parce qu’il avait « liké » des publications de personnalités « d’extrême droite ».
Il existe une vraie police de la pensée dans un grand nombre de rédactions. Et depuis longtemps.
Un exemple ancien, celui de Fabrice Le Quintrec qui a été placardisé pendant dix ans (10 ans !) à Radio France pour avoir cité une fois (une seule fois) le quotidien catholique Présent – disparu depuis – dans une revue de presse.
Plus récemment, Jean-François Achilli a été licencié par France Info car soupçonné simplement de participer à une autobiographie de Jordan Bardella. C’est souvent un autre journaliste qui va vous dénoncer pour se mettre à l’abri lui-même et indiquer ainsi qu’il est conforme aux valeurs dominantes de sa rédaction.
Dans un grand nombre de rédactions, la règle du jeu, c’est l’omerta, n’abordons pas les sujets délicats et mettons un cordon sanitaire autour de toute personnalité peu ou prou à la droite de l’extrême centre.
Une « Alliance pour les faits » a été inaugurée lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, le 10 février, à l’initiative de médias publics français, européens et internationaux. L’Observatoire du journalisme a réagi au lancement de ce réseau, dénonçant de « nouveaux ‘ fact-checkers’ mais cette fois au niveau international ». Y a-t-il un risque de censure ?
Ce réseau est soutenu par le Comité News de l’Union européenne de radio-télévision (UER), institution créée en 1950 et qui fut notamment présidée par Delphine Ernotte, qui a lancé à France Télévisions une croisade anti « mâles blancs ».
On peut légitimement s’interroger sur l’utilité et la pertinence de la création de ce nouvel organe de contrôle, à l’heure où les révélations liées aux financements généreusement octroyés par l’agence américaine USAID devraient plutôt pousser les médias institutionnels à balayer devant leur porte avant de s’ériger en gardiens de la « vérité » et de « l’indépendance », se permettant de distribuer les bons et les mauvais points aux journalistes et lanceurs d’alerte véritablement libres.
C’est le retour du filtre des fact-checkers, au sujet desquels Mark Zuckerberg a souligné qu’ils faisaient plus de mal que de bien. Une censure qui ne veut pas dire son nom.
La chaîne C8 ne devrait plus être disponible sur la TNT d’ici le 28 février, à la suite d’une décision de l’Arcom prise l’été dernier. Quel regard portez-vous sur la suppression de C8 ?
Il s’agit d’une décision clairement politique. L’Arcom, qui a succédé au CSA, s’est donné une mission, étouffer autant que possible les médias du groupe Bolloré. Pas moins de 52 sanctions ont été infligées par le couple CSA/Arcom contre les chaînes de Vivendi.
Il n’était pas possible de supprimer la fréquence de CNews, c’était trop gros, alors on donne la fréquence de C8 plus petit pour l’attribuer à un ami, le tchèque Daniel Kretinsky (financier de Libération) ou à Ouest-France, tous deux proches de l’extrême centre.
L’Arcom doit-elle être, selon vous, reformée ?
Je crains qu’une institution aussi mal fagotée et partiale ne soit pas réformable. Il faut la supprimer et la remplacer par un autre organisme de contrôle – car un contrôle démocratique est nécessaire – qui sera neutre politiquement et techniquement.
Les Français expriment de la défiance vis-à-vis des médias. Selon le baromètre La Croix/Verian/La Poste, 62 % des Français considèrent qu’il faut « se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité ». Comment interprétez-vous le peu de confiance qu’ont les Français dans les médias ?
Rien de nouveau sous le soleil. Cela fait près de 40 ans que La Croix publie une enquête sur la confiance des Français envers les médias avec des résultats toujours un peu plus négatifs. Comment interpréter cette défiance ?
Les Français ressentent confusément qu’une bonne partie de l’information est biaisée et s’en méfient de manière instinctive. Il faudrait remonter jusqu’à la formation dans les écoles de journalisme, quasi toutes formatées selon le même prisme idéologique.
L’Observatoire du journalisme (OJIM) vient de publier une brochure, Formatage continu, aux éditions de la Nouvelle Librairie, sur les 14 écoles de journalisme – 12 sont classées à gauche ou à l’extrême gauche. À ce titre, la reprise de l’ESJ – École Supérieure de Journalisme – par un groupe d’investisseurs, si elle n’est pas parfaite, est un signe d’ouverture à un peu plus de pluralisme.
Espérons que cette petite dose de pluralisme permettra de rétablir un peu la confiance des Français dans leur information.
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