Après avoir essayé en vain pendant quatre jours de commander de la nourriture en ligne, un homme d’environ 30 ans du district de Yangpu à Shanghai a contacté la police. Il voulait savoir s’il serait nourri en sortant de sa résidence et en se faisant arrêter après avoir enfreint les règles de quarantaine.
La nourriture qu’il avait commandée et réglée par l’intermédiaire du comité de quartier six jours auparavant n’était jamais arrivée, et la faim lui donnait des crampes d’estomac.
« Le comité de quartier m’a dit d’endurer, j’ai enduré quatre jours. Tout ce qui est comestible a disparu, sauf l’eau », a-t-il déclaré à la police lors de son appel, qu’il a enregistré et mis en ligne. « Tous les soirs, lorsque je regarde les informations à 19 heures, on nous explique que tout va bien, que tout est tranquille et que la sécurité règne. Personnellement, je ne me sens pas du tout en sécurité. »
La réponse de la police a anéanti tous ses espoirs de trouver de quoi se nourrir. Même s’il était arrêté, on le renverrait directement chez lui, lui a expliqué l’officier, signalant que le poste de police ne pouvait pas l’accueillir.
La tentative désespérée de cet homme pour échapper à la faim constitue un exemple typique de la souffrance vécue par de nombreux habitants de Shanghai dans le cadre du confinement imposé par le régime. Selon le gouvernement, le confinement est la clé pour contenir l’épidémie d’Omicron. Les habitants de certains quartiers sont enfermés chez eux depuis plus d’un mois.
Les autorités municipales n’ont commencé à assouplir les mesures de confinement que le 11 avril, sous la pression croissante. Mais la politique de fermeté paralyse l’économie de la ville et fait des ravages. Dans la métropole qui abrite 26 millions d’habitants, la faim, la frustration et le désespoir s’installent.
Les habitants affamés ont pris l’habitude de frapper des casseroles et des poêles depuis leurs balcons en criant pour réclamer de la nourriture.
Dans les centres de quarantaine, des vidéos inquiétantes montrent des personnes enfermées dans des installations à moitié terminées et dans des conditions sanitaires déplorables. Sur une vidéo, on voit un des confinés expliquer comment par dizaines les gens doivent partager des toilettes bouchées.
Malgré ces mesures restrictives, l’épidémie est loin d’être maîtrisée. Le nombre de cas de virus dans la ville a dépassé 20 000 pendant six jours consécutifs, du 6 au 12 avril, ce chiffre représente plus de cinq fois le nombre de cas signalés fin mars, lorsque le confinement est entré en vigueur. À noter que tout est d’autant plus absurde que ce chiffre n’est pas fiable, ni pour les habitants, ni pour les initiés et la situation est sans aucun doute nettement sous-évaluée.
Alors que Pékin s’empresse de défendre sa stratégie de tolérance zéro à l’égard du Covid-19, les comptes-rendus publiés sur Internet et les entretiens menés par Epoch Times révèlent qu’il s’agit avant tout pour le régime de tester les limites de la population chinoise.
Personne n’est épargné
La question de la nourriture est une des principales questions qui taraudent l’esprit des habitants. Les rayons vides des épiceries, le peu de provisions fournies par les autorités et les livraisons qui n’arrivent jamais tiennent les résidents en haleine, malgré les assurances répétées de la municipalité selon lesquelles les réserves sont abondantes.
« Messieurs les fonctionnaires, s’il vous plaît, mettez vos scripts de côtés et montrez-nous maintenant comment vous commandez des légumes avec vos téléphones », exhorte un internaute sur Weibo (le Twitter chinois) en réponse à une récente conférence de presse à Shanghai.
L’utilisateur n’est pas été le seul à se sentir lésé. De nombreux habitants de Shanghai restent debout jusqu’à minuit ou se lèvent avant l’aube pour remplir leur panier de provisions en ligne. Les prix sont exorbitants. Finalement, leurs commandes sont annulées au moment où ils appuient pour valider leurs achats. Pour ceux qui, malgré tout, parviennent miraculeusement à régler leur commande, la date de livraison est repoussée encore et encore, parfois jusqu’à plusieurs semaines.
Les habitants les fortunés de Shanghai ne sont pas épargnés. La milliardaire Cathy Xu Xin, surnommée la reine du capital-risque chinois, a des intérêts dans plusieurs applications d’achat de produits alimentaires, désormais essentielles pour les résidents chinois confinés. Mme Xu Xin a récemment demandé à ses voisins de l’ajouter à un groupe d’achat en ligne de lait et de pain pour approvisionner un grand ménage.
Dans un groupe de discussion de Tomson Riviera, un complexe résidentiel haut de gamme de 220 personnes dont les appartements sont évalués à des dizaines de millions de dollars, un internaute explique aux autres qu’il faut tenter sa chance plusieurs fois par jour pour réussir à passer sa commande. Il peut y avoir des « surprises », affirme-t-il, si on passe tout son temps sur les applications.
Un autre membre du même groupe de discussion, raconte comment il en est réduit à se battre quotidiennement en ligne pour quelques aliments : « Je n’ai plus aucune dignité. »
Au milieu de leurs luttes pour obtenir de la nourriture, des images font surface sur la Toile montrant des camions remplis de denrées alimentaires récoltées via des dons allant directement à la décharge, ce qui attise d’autant la colère des habitants.
Les camionneurs ne sont pas en mesure de livrer les denrées. Dans les vidéos circulant sur les médias sociaux, on voit les chauffeurs routiers exaspérés, ayant parcouru des centaines de kilomètres, en train d’interpeller les autorités par téléphone, bloqués au niveau des barrages qui essaiment les rues de la ville, avec tous ces aliments sur les bras.
« Oubliez les prix, je suis en train de donner ma vie pour soutenir Shanghai, mais maintenant je n’ai plus d’eau ni de nourriture », explique dans une vidéo devenue virale un des camionneurs de la ville portuaire de Qingdao, sur un parking où il attend inutilement depuis plus d’une journée.
Décès et quarantaine
Résoudre la faim est loin d’être le seul problème auquel sont confrontés les habitants de Shanghai. De nombreux enfants ont été séparés de leurs parents pour avoir présenté des résultats différents au test Covid. Les aînés se débattent dans des établissements médicaux infestés par le Covid et un nombre inconnu d’anciens y meurent après avoir contracté le virus ou par manque de soins.
M. Chen, le fils d’une dame de 86 ans logée dans le centre de soins pour personnes âgées de Xuhui, explique pour Epoch Times que la moitié des 200 individus enfermés dans le centre sont malades, y compris la quasi-totalité du personnel soignant.
Sa mère a eu 39° de fièvre pendant quatre jours, mais n’a pas pu obtenir de soins dans l’établissement. Après avoir harcelé les lignes d’assistance publique, M. Chen a finalement été rappelé le 12 avril par le 120, la ligne d’assistance médicale d’urgence l’a prié de « prendre son mal en patience ».
À noter que la ville n’a signalé aucun décès lié au Covid-19 depuis deux ans.
Les personnes dont le test Covid est positif sont envoyées, ainsi que leurs contacts proches, dans des centres de quarantaine centralisés, quelles que soient les conditions sanitaires de ces installations.
Début avril, des dizaines de camionnettes ont transporté des habitants à Wenjiadang, un hôpital de fortune à moitié inachevé, situé dans le district de Pudong, à l’est de Shanghai. On leur a prié de mettre des combinaisons blanches EPI et d’attendre pendant des heures devant le portail de l’entrée. Derrière la barrière, étaient empilés des dizaines de sacs poubelles.
Une femme, qui a tout filmé et mis la vidéo en ligne, a déclaré qu’il s’agissait de repas emballés dans du plastique, déposés en vrac sur le sol couvert de poussière pour que les confinés puissent se servir. L’ensemble du centre n’a qu’une seule cabine WC, avec une chasse d’eau cassée, a-t-elle signalé L’installation est pourtant conçue pour accueillir un millier de personnes. Son message et toute mention de l’établissement ont depuis été retirés de Weibo.
Une autre femme, octogénaire, a décrit une situation similaire après avoir été envoyée dans un centre de quarantaine à Pudong. Il n’y avait pas d’oreiller, pas de couverture, pas de draps sur les lits et pas d’eau, a-t-elle expliqué à son fils, qui a relaté la situation dans un post Weibo ayant cumulé 107 000 likes. Plus de 90 personnes devaient se partager quelques cabines WC jonchées de détritus et de cartons sur un sol humide, maculé de taches d’excréments, comme le montrent les photos partagées en ligne par son fils.
« C’est tellement difficile d’accéder aux toilettes, mais en tant que personne âgée, j’ai besoin d’y aller bien plus souvent que les jeunes », s’est lamentée la vieille dame, précisant qu’elle n’arrivait à dormir que trois à quatre heures par jour depuis son arrivée.
Des tragédies évitables
L’attention médicale reste un terrible problème pour les personnes fragiles et malades.
M. Guo, un homme de 65 ans confiné dans son appartement du deuxième étage à Shanghai, a récemment sauté de son balcon dans une tentative désespérée pour obtenir de l’aide médicale pour sa mère de 90 ans, qui souffre d’une maladie pulmonaire inflammatoire, d’hypertension artérielle et de problèmes cardiaques. Les autorités avaient bouclé l’immeuble avec un verrou métallique pendant plusieurs jours. L’ambulance n’est pas venue, et les appels à toutes les lignes d’assistance publique sont restés sans réponse, a-t-il dit.
« Ce gouvernement a complètement déraillé », a-t-il déclaré à Epoch Times. « De haut en bas … tout le monde se renvoie la balle. »
Interrogé par Epoch Times sur la situation critique de M. Guo, une employée du comité de quartier local a fait savoir que tous les agents de quartier réguliers sont bloqués en quarantaine. Le poste est actuellement occupé par un groupe de volontaires, dont elle fait partie.
Cependant, les autorités ont réagi rapidement après que M. Guo a signalé sa situation en ligne – mais pas pour offrir une assistance. Ils ont appelé le neveu de M. Guo pour lui demander de supprimer son message.
« Personne n’était là l’instant d’avant et soudain ils sont revenus à la vie », a-t-il lancé sur un ton amer.
Larry Hsien Ping Lang, un économiste chinois renommé, a récemment perdu sa mère. Les confinements à Shanghai ont retardé les délais et sa mère n’a pu recevoir à temps son traitement médical. Cette dame de 98 ans, souffrant d’une insuffisance rénale, a été maintenue à l’extérieur de la salle d’urgence de l’hôpital pendant quatre heures en attendant un résultat négatif au test Covid-19. Elle est morte pendant cette attente.
« Cette tragédie aurait pu être évitée », a écrit M. Lang. Pourtant, au début du mois d’avril, dans un post, M. Lang présentait la réponse de Shanghai au virus comme une démonstration de « la puissance de la Chine ».
Plus récemment il a signalé : « Elle avait juste besoin d’une injection [pour son rein] pour aller bien. »
M. Lang n’a été autorisé à quitter son quartier pour se rendre à l’hôpital qu’après de longues négociations avec les autorités, alors que sa mère était déjà morte.
La colère monte
Au moins 15 millions d’habitants sont toujours enfermés chez eux.
Pour évacuer leur colère, les habitants de certains quartiers tapent sur leurs ustensiles de cuisine et hurlent à tue-tête depuis les balcons des immeubles.
Des vidéos partagées avec Epoch Times montrent également des habitants criant à l’unisson « donnez-nous des provisions ». À un moment donné, on les voit prendre violemment à partie un agent de la pandémie vêtu de blanc.
Lors de leurs récentes visites dans des quartiers résidentiels, les hauts fonctionnaires, tel que le maire de Shanghai ou certains délégués du régime ont été accueillis par la haine et la colère.
La vice-Première ministre Sun Chunlan a été accueillie par des habitants criant par la fenêtre qu’ils « mouraient de faim » et exigeant qu’on leur envoie de la nourriture.
Li Qiang, le secrétaire du Parti communiste chinois de Shanghai, s’est vu bloqué par un groupe de femme affamées.
« Vous commettez un crime envers le pays », a déclaré une femme promenant un chien sur une vidéo circulant en ligne. « Vous devriez avoir honte de défier les ancêtres, le ciel et la terre. »
Une femme d’un complexe résidentiel bouclé depuis un mois, a déclaré qu’on lui avait remis du riz et des oranges pourries juste avant et après la visite de M. Li. Le riz l’a alimentée pendant cinq jours, mais elle n’avait rien pour l’accompagner.
« Je ne savais pas que Li Qiang allait venir », a-t-elle déclaré à Epoch Times. « Sinon, je serais certainement descendue pour avoir une bonne discussion avec lui. »
« Les fonctionnaires ne répondent qu’à leurs supérieurs et jamais aux gens du commun. »
L’enthousiasme des fonctionnaires locaux chargés de lutter en premier ligne contre la pandémie a également disparu.
Dans une lettre datée du 9 avril, le comité de quartier de Hancheng, à Pudong, a déclaré que son personnel était à bout après 24 jours de confinement dans le bureau.
« Nous avons fait de notre mieux pour coopérer avec les différentes politiques gouvernementales. Tout le monde et tous les services veulent que nous soyons compréhensifs et que nous coopérions, mais personne ne se soucie vraiment de ce que nous ressentons », ont-ils écrit dans une lettre publiée en ligne. « Nous sommes aussi des humains, pas des machines insensibles. Il y a aussi un moment où nous ne pouvons plus le supporter. »
Un agent du comité de quartier de Renwen, situé à proximité, a confirmé la démission de toute son équipe.
« La pression est trop forte », a-t-il déclaré à Epoch Times.
Un autre responsable d’un bureau voisin a annoncé : « Nous tiendrons le coup aussi longtemps que nous en seront capables. »
« Mais nous ne savons pas si nous n’allons pas craquer à un moment », a-t-il ajouté.
Wu Yingchuan, devenu le secrétaire du comité de village de Changli Garden en novembre, a également publié une lettre de démission sur les médias sociaux. Lui et son équipe, a-t-il affirmé, ont fait de leur mieux pour aider les résidents, mais ils ont été piégés entre les politiques gouvernementales et les besoins de 4 000 résidents.
Depuis plus de deux semaines, ils n’ont pas pris de douche. Les travailleurs de M. Wu tombent malades à cause de l’épuisement physique et du virus. Les nombres d’appels demandant de l’aide chaque jour les ont anéantis psychologiquement. Ils n’avaient ni la main d’œuvre ni la capacité d’offrir véritablement de l’aide.
« Les ordres venant d’en haut sont définitifs. Mais ceux qui donnent ces ordres irrévocables n’ont jamais mis les pieds sur un site de tests massifs », a-t-il ajouté. « Ils n’ont probablement aucune idée (…) du nombre de travailleurs de première ligne et de volontaires qui à cause de leurs ordres ont été infectés ou ont perdu le sommeil. »
Malgré cette lettre, il semble que M. Wu soit toujours en poste, c’est en tout cas ce qu’affirme un responsable du comité qui a confirmé la véracité de la lettre lorsqu’il a été contacté par Epoch Times.
« Chaque mot et chaque phrase de cette lettre sont vrais », a déclaré l’officier.
Luo Ya et Hong Ning ont contribué à cet article.
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