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Dans une prison française, une boulangerie pour « trouver un sens » et « préparer l’après »

janvier 17, 2025 7:45, Last Updated: janvier 17, 2025 14:00
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Des effluves de pains, de la farine qui vole et des baguettes qui sortent du four : située en plein cœur du centre de détention de Châteaudun en Eure-et-Loir (au sud-ouest de Paris), cette boulangerie ressemble à toutes les autres. Mais en charge du fournil, des détenus néo-boulangers, préparent leur réinsertion.

« Chaque jour, entre 7h30 et 11h30, ils sont moins d’une dizaine de détenus parés de blanc à se relayer aux différents postes de la boulangerie », située à l’écart des cellules et près des ateliers, explique le chef de cet établissement, Ruddy Francius.

D’abord au pétrissage, au façonnage, puis à la division et à la cuisson, ils produisent ainsi 700 baguettes, à destination des 548 détenus et du restaurant des personnels pénitentiaires. « Ça change du pain surgelé des autres prisons… », soupire l’un d’eux, l’air rieur.

L’entrée de la prison du Centre de détention de Châteaudun. (JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images)

Récompense de plusieurs mois d’apprentissage, ces apprentis boulangers valident ce matin-là un certificat de qualification professionnelle en boulangerie, censé faciliter leur réinsertion une fois leur peine purgée.

Reconnu par la fédération française des entreprises de boulangerie, dont le secteur en tension cherchait à pourvoir 3550 postes en 2024, ce diplôme a été décroché par 71 détenus en France, 18 d’entre eux ayant intégré le marché du travail après leur incarcération.

« Tellement important de se sentir utile »

Morgan (les prénoms des détenus ont été modifiés), lunettes sur le visage et cheveux longs cachés sous la charlotte, devrait être un des tout prochains diplômés. Entré en détention à 13 ans, il a enchaîné les prisons avant d’atterrir à Châteaudun. « Sans la boulangerie, j’avais du mal à trouver ma place. J’ai appris de A à Z ce métier, dans lequel j’ai trouvé un sens. C’est tellement important de se sentir utile », confie-t-il, les mains recouvertes de farine.

Des détenus préparent des baguettes au Centre de détention de Châteaudun, le 8 janvier 2025. (JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images)

Avant sa sortie de détention, prévue pour les toutes prochaines semaines, il affirme avoir trouvé « une forme de discipline » et appris à avoir « confiance en lui ». « Quand les collègues voient notre travail, ça fait du bien d’avoir des compliments. Ça n’a pas toujours été le cas », enchaîne-t-il. Avec ses camarades incarcérés, il est encadré par un boulanger professionnel, censé leur apprendre les gestes, les règles d’hygiène et leur accompagnement.

Le développement de telles structures découle d’une réforme du travail carcéral pour permettre aux détenus de se projeter dans une vie professionnelle.

Après avoir lui-même pétri pendant 25 ans, Jérôme Galerne chapeaute à présent ces élèves pas comme les autres, qu’il mène à la baguette jusqu’à la qualification. « Ici, on ne juge pas, on apprend à de nouveau respecter le travail et les horaires. On met tout en œuvre pour que ces gars aient une seconde chance », explique-t-il, alors que 52% des personnes entrées en détention en 2020 ne disposaient d’aucun diplôme. Celui que l’on appelle ici « LK », la trentaine et la barbe touffue, adhère au discours.

« Pour l’instant, on est enfermés, mais grâce à la boulangerie, on prépare l’après et, en sortant, on n’aura plus d’excuses », raconte ce fils de boulanger au sourire espiègle, pas peu fier de ces galettes de frangipane préparées pour l’épiphanie.

Un détenu (à dr.) répond aux questions d’Erik Melice (à g.) et d’Enzo Fassone (au c.) lors de son examen de CQP, au Centre de détention de Chateaudun, le 8 janvier 2025. (JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images)

« Exutoire »

Au travail, il a renoué avec son « rêve » de « monter une boulangerie qui ferait travailler des anciens détenus. En sortant, j’ai envie d’aider comme on m’a aidé ». « Les gens ont une certaine image de la prison, mais il y en a beaucoup qui ont envie de s’en sortir », conclut-il. Face à lui, Romain acquiesce. « En sortant, je veux même continuer de me former avec un CAP ».

Selon Laurent Jegot, premier surveillant en charge de l’activité travail et formation et clés à la ceinture, cette boulangerie est un « exutoire pour les détenus ». « Quand une place se libère, 300 candidatures arrivent sur mon bureau », poursuit-il, précisant que les détenus restent en moyenne huit mois dans cette boulangerie, inaugurée en juillet 2022.

Pour Omar, « travailler ici, permet de moins penser ». « Il n’y a pas de triche : si tu fais mal ton travail, le résultat du four n’est pas bon ». Lui-même boulanger pendant 17 ans, il aimerait aussi ouvrir sa propre boutique. « Peut-être qu’en gérant mon commerce, ça m’évitera de refaire des conneries… »

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