Emmanuel Macron va se rendre « dès ce soir » en Nouvelle-Calédonie, secouée par une flambée de violences, pour y installer « une mission », a annoncé mardi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot. Ce déplacement doit être « une manière de sortir par le haut de [la] situation de crise », selon Arthur Delaporte (PS).
« Il a été annoncé par le président de la République, en Conseil des ministres, qu’il se rendra sur place (en Nouvelle-Calédonie). Il partira sur place dès ce soir pour y installer une mission », a affirmé Mme Thevenot à l’issue du Conseil des ministres.
Le président part « dans un esprit de responsabilité », a ajouté la porte-parole, sans détailler la « mission » évoquée ni préciser combien de temps le chef de l’État resterait sur l’archipel.
Elle a redit que « le retour à l’ordre était le préalable à tout dialogue », alors qu’une réforme électorale contestée par les indépendantistes doit être validée « avant la fin juin » par le Congrès réunissant sénateurs et députés, calendrier fixé par le chef de l’État lui-même. Mais « l’exécutif poursuit la construction de la solution politique pour le territoire », a-t-elle aussi souligné.
La stratégie d’ultimatum
La méthode utilisée par le chef de l’État est la même que celle employée lors des retraites ou de la loi immigration, souligne le Monde : fixer un agenda avec une date butoir pour les négociations, et reprendre la main en cas d’échec. Les expert de la Nouvelle-Calédonie dénoncent une stratégie de passage en force alors qu’il faudrait « donner du temps au temps ». Ainsi, l’ultimatum de fin juin pour que les deux camps arrivent à un accord faute de quoi le Congrès sera convoqué, est une erreur. « En Nouvelle-Calédonie, on ne discute pas sous la pression, et (c’est) ce qui s’est passé la semaine dernière », souligne Arthur Delaporte (PS), indiquant la « responsabilité éminente » du président de la République dans l’échec du processus, selon Franceinfo.
Les trente années de paix civiles sont le fruit d’un long processus d’apaisement depuis le drame de la prise d’otage de la grotte d’Ouvéa, du 22 avril au 5 mai 1988 qui avait débouché sur les accords de Matignon en 1988, puis sur ceux de Nouméa en 1998. « Le chef de l’État a commis beaucoup d’erreurs sur le dossier calédonien », note La Dépêche. Tout d’abord, sortir le dossier du giron de Matignon pour le transmettre à Sébastien Lecornu, puis Gérald Darmanin, a été ressenti comme une marque de mépris. Ensuite, Sonia Backès, controversée présidente loyaliste de l’assemblée de la Province Sud est entrée au gouvernement en Juillet 2020, laissant penser que le gouvernement favorisait les anti-indépendantistes. Enfin, le quotidien pointe également « le maintien coûte que coûte de la date du 3e référendum en 2021, puis l’absence de discussion et le déroulement méthodique du calendrier du texte de révision du corps électoral – porté par le député loyaliste Nicolas Metzdorf et adopté par l’Assemblée nationale avant-hier – et, enfin, l’ultimatum lancé par Emmanuel Macron aux deux camps pour qu’ils se mettent d’accord sur un statut du territoire, faute de quoi il convoquera le Congrès, ont précipité un vrai blocage. »
La prorogation de l’état d’urgence « n’a pas été abordée »
La prorogation de l’état d’urgence, décrété mercredi dernier, « n’a pas été abordée » lors de ce Conseil des ministres, a indiqué la porte-parole du gouvernement. « Si la situation doit être encore améliorée, elle est en voie de se normaliser », a-t-elle justifié. L’état d’urgence ne peut être prolongé au-delà de douze jours sans soumettre un texte au Parlement. Une éventuelle prorogation nécessiterait une saisine de l’Assemblée nationale et du Sénat avant le 27 mai.
Le Premier ministre Gabriel Attal aura « aussi l’occasion d’y aller (dans l’archipel), pas immédiatement mais dans les semaines à venir », a précisé Mme Thevenot, alors que le dossier calédonien n’est plus piloté directement par Matignon depuis 2020 et que trois anciens Premiers ministres plaident pour qu’il soit de nouveau géré par le chef du gouvernement.
Après une semaine d’émeutes en réaction à une réforme du corps électoral qui ont fait six morts dont deux gendarmes, Emmanuel Macron avait constaté lors d’un Conseil de défense lundi « de nets progrès dans le rétablissement de l’ordre » en Nouvelle-Calédonie.
L’exécutif avait à cette occasion décidé de mobiliser « pour un temps » des personnels militaires pour « protéger les bâtiments publics » et soulager ainsi les forces de sécurité intérieure, selon l’Élysée.
L’aéroport international de Nouméa reste toutefois fermé aux vols commerciaux jusqu’à samedi 9h00 (0h00 à Paris), a indiqué mardi le gestionnaire de la plateforme.
« Une opportunité pour le dialogue »
Le député calédonien non indépendantiste Philippe Dunoyer (Renaissance), qui plaide aussi pour un report du Congrès, dit « espérer que cette initiative permette d’entreprendre de renouer les fils du dialogue » mais « on ne peut pas tout faire en un mois et le Congrès ne peut pas se tenir avant le 27 juin ». « Ce n’est pas une manière de dire aux indépendantistes ‘vous avez gagné’, c’est au contraire une opportunité pour le dialogue qu’il faut saisir », a-t-il estimé auprès de l’AFP.
« Maintenant, il faut rassurer, apaiser et réparer le dialogue vers un accord global. Suspendre la réforme et nommer rapidement une mission de dialogue », a réagi sur X le député PS Arthur Delaporte, fustigeant le « temps perdu ». M. Delaporte estime que le déplacement du président doit être « une manière de sortir par le haut de [la] situation de crise ». « J’attends une décision politique forte, au-delà du geste symbolique de ce voyage présidentiel, qui vise à montrer qu’au plus haut niveau de l’État, on s’est ressaisi du dossier, et que désormais, il y aura un acteur dont la parole sera aussi celle de respecter les engagements de l’État et d’incarner ce tiers impartial dont on a tant besoin », conclut Arthur Delaporte sur Franceinfo.
Son collègue LFI Thomas Portes a qualifié au contraire cette visite d’« irresponsable ». « La colère ne va faire qu’augmenter avec ce déplacement monarchique. »
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