Un casque de réalité virtuelle vissé sur la tête, un soldat « avance » dans un tunnel étroit et humide, creusé dans la roche par le Hezbollah. En Israël, l’armée utilise désormais cette technologie pour former ses recrues à combattre aux frontières.
Dans une petite salle d’entraînement dotée d’ordinateurs, T., 20 ans, combattant de l’unité d’élite du génie militaire israélien Yahalom progresse prudemment dans l’étroit passage. Sa tête oscille de haut en bas et de droite à gauche. Ses mains frôlent des murs invisibles.
« On voit tout, même les gouttes d’eau qui tombent », raconte à l’AFP le soldat, qui ne peut dévoiler son identité. Face à lui un écran sur lequel s’affiche le tunnel dans ses moindres détails permet aux instructeurs de le guider.
« J’ai vraiment l’impression d’y être, je ressens l’humidité, la sensation d’étouffement », dit-il, en décrivant la reconstitution d’un tunnel creusé par le Hezbollah depuis le Liban jusqu’en Israël.
Six tunnels découverts au cours de l’opération « Bouclier du Nord »
L’armée a lancé en décembre l’opération « Bouclier du nord », destinée à cibler des tunnels du Hezbollah. Ces derniers jours, les tensions entre le mouvement chiite libanais et l’Etat hébreu se sont accrues: le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a accusé Israël d’avoir mené une attaque de drones sur son fief à Beyrouth, qualifiée de « premier acte d’agression » depuis la guerre qui les a opposés en 2006.
Les six tunnels découverts au cours de l’opération « Bouclier du Nord » devaient servir au Hezbollah à passer du Liban à Israël afin d’enlever ou d’assassiner des soldats ou civils israéliens, selon l’armée israélienne.
Les tunnels s’étendaient sur des dizaines de mètres et l’un avait même été creusé à 55 mètres de profondeur, selon l’armée qui a aussi détruit des souterrains creusés depuis Gaza, enclave palestinienne sous contrôle du Hamas, et qui débouchaient en Israël ou en Egypte.
Destinés à la contrebande ou à vocation militaire, les passages clandestins percés depuis Gaza ont permis aux Palestiniens de contourner les blocus imposés par ses voisins israélien et égyptien.
Le virtuel forme les soldats au monde souterrain
Ces tunnels aux mains des groupes armés palestiniens constituaient une arme redoutée par Israël et leur destruction a été l’un des objectifs annoncés de la guerre menée par l’Etat hébreu dans l’enclave en 2014. Jusqu’à récemment l’apanage des créateurs de jeux vidéo, le virtuel a investi ces dernières années la recherche médicale, aérospatiale et aussi militaire, où il est de plus en plus employé à des fins de formation.
Pour le commandant H., qui dirige le centre d’entraînement de l’unité Yahalom au sein d’une base militaire dans le centre d’Israël, « la technologie est une composante essentielle du combat », ce qui justifie de lourds investissements.
Les tunnels du Hezbollah libanais découverts par l’armée israéliennes ont été scannés pour apparaître à l’identique lors des formations, selon l’armée. « Le soldat voit à quoi ressemble un tunnel en vrai », assure le commandant.
« Dans la mesure où il ne nous est pas toujours possible de nous rendre sur le terrain », le virtuel permet aux soldats de se familiariser avec un monde souterrain hostile sans quitter leur base, dit-il.
Ils sont une dizaine à suivre cette formation actuellement et la salle d’entraînement en a vu passer une centaine d’autres depuis sa création il y a trois ans.
Apprendre à simuler des gestes ou à désamorcer des bombes
Si la réalité virtuelle permet de reproduire une expérience multi-sensorielle, la technologie utilisée par l’armée israélienne permet surtout d’ajouter des éléments aux tunnels dans lesquels les recrues évoluent.
Les soldats peuvent ainsi être confrontés à des obstacles et des pièges (trous, câbles, engins explosifs) et peuvent apprendre à simuler des gestes ou à désamorcer des bombes.
« Il y a des éléments auxquels on peut faire face dans un tunnel et qui sont difficiles à reproduire », comme l’humidité, confie le commandant, mais cela reste une « première » bonne entrée en matière.
« Ce n’est pas très agréable de se retrouver à des dizaines de mètres sous terre, coupé du monde », ironise T., et « tout ce qui peut aider à se préparer est important », ajoute le soldat qui affirme se sentir « davantage prêt à rentrer dans un tunnel » et ainsi à passer du virtuel au réel.
Non loin de la salle de réalité virtuelle, c’est un tout autre décor qui attend les recrues: celui d’une vraie réplique d’un tunnel du Hamas palestinien dans laquelle ils peuvent s’entraîner au combat, et qui vient compléter le programme virtuel. Cagoules sur le visage et mitraillettes à la main, trois soldats s’engouffrent dans la galerie de pierre sinueuse et obscure.
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