SCIENCES

Ecouter la lumière… voir le son…

octobre 15, 2017 19:08, Last Updated: octobre 15, 2017 19:08
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Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Y a-t-il un point commun entre le lifi et le photophone d’Alexander Graham Bell ? Entre le microphone laser et la transmission sous marine à l’aide de fibres optiques ? C’est la lumière issue de sources variées qui « transporte » des informations, les plus simples étant des sons ! Sur notre stand de la fête de la science, nous allons ainsi remonter le cours de l’histoire grâce à des expériences interactives qui retracent ces technologies.

Les humains étant dotés de la parole et d’un moyen très sophistiqué de la détecter, l’oreille, communiquent principalement à l’aide de sons. Des pleurs des bébés aux mélodies des divas, notre oreille est capable de détecter des ondes sonores dont la fréquence est comprise entre quelques hertz et une vingtaine de kilohertz.

Mais ces ondes sonores ne peuvent se propager très loin. Les enfants ont vite compris que, dans la cour de récréation, leurs cris ne pouvaient pas être entendus à plus de 100 mètres. La lumière, elle, nous parvient du fin fond de l’univers : elle peut parcourir des millions de millions de kilomètres. D’où l’idée d’utiliser la lumière pour « transporter » le son.

Mais quelles sont les sources lumineuses que l’on peut manipuler facilement ? Le soleil et la lune illuminent nos jours et nos nuits mais il est difficile sans miroirs ni lentilles de se les approprier ! La première source de lumière que les humains ont maîtrisée a été le feu. Depuis l’antiquité, l’approche de bateaux ennemis ou d’armées hostiles a été signalée grâce à des feux statiques ou à des cerfs volants lumineux ; les Amérindiens, eux, utilisaient des signaux de fumée pour communiquer. Ensuite, la lumière du soleil a été utilisée et « les lois de la réflexion » ont permis aux Grecs anciens grâce au miroitement de leurs boucliers lors des batailles d’envoyer des messages à leurs troupes.

Bell et son photophone

Mais il faut attendre la fin du XIXe siècle avec le photophone d’Alexander Graham Bell (visible dans les réserves des Arts et Métiers à Saint-Denis) pour qu’une transmission de la parole par la lumière devienne effectivement réalisable.

Mr Tainter à gauche, Mr Bell à droite. (The New Idea Self-Instructor edited by Ferdinand Ellsworth Cary, A. M. (Monarch Book Company, Chicago & Philadelphia, 1904)

La voix d’une première personne (M. Tainter) fait vibrer un miroir qui réfléchit la lumière du soleil. Quelque 200 mètres plus loin, une seconde personne (M. Bell) peut entendre la voix dont le son est restitué via un cornet acoustique. Ce premier système de réception purement passif est peu sensible. Néanmoins cette découverte a fait l’admiration de toute la communauté scientifique mondiale puisqu’on peut lire dans le journal La Nature d’octobre 1880 : « M. Bell et son collaborateur M. Tainter sont arrivés à transmettre la parole à distance par l’intermédiaire d’un rayon lumineux ; les ingénieux inventeurs ont construit ainsi un véritable téléphone optique, et dans leurs premières expériences, ils ont transmis la parole à une distance de 213m. Ce résultat nous paraît présenter, au point de vue scientifique, une importance si considérable, que nous avons cru devoir en informer dès aujourd’hui nos lecteurs ».

Cette expérience ovationnée par les scientifiques du monde entier, améliorée grâce à une détection photoélectrique utilisant un cristal de sélénium, opérationnelle en terrain découvert mais trop sensible aux intempéries, fut peu utilisée et rapidement oubliée. Il a fallu attendre plus de 80 ans pour que le principe de cette expérience soit repris à des fins plus ou moins avouables ! Le microphone-laser utilisé pendant la guerre froide pour l’espionnage a permis d’écouter les sons émis dans une pièce fermée et éloignée, pourvu qu’on ait une fenêtre en ligne de mire. Notre stand à la Fête de la Science de l’UPMC présente en « grandeur presque réelle » cette expérience comme le montre l’image ci-dessous :

(Auteures, CC BY)

Une boîte en plexiglas représentant la pièce à « espionner » contient une radio, « conversation à écouter », qui joue de la musique que l’on ne peut pas entendre à l’extérieur de la boîte. Un faisceau laser se réfléchit sur la paroi de la boîte qui vibre au rythme de la musique. Les variations dans la direction du faisceau réfléchi sont détectées par une photodiode à quadrants dont le signal électrique est retranscrit en onde sonore via un système d’amplification et un casque qui restitue bien la musique jouée.

Ce dispositif est beaucoup plus sensible que la version d’Alexander Graham Bell mais toujours soumis aux intempéries et aux obstacles inhérents à la propagation à l’air libre ce qui en limite la portée à quelques centaines de mètres. Mais, depuis la maîtrise de sources lumineuses puissantes (lasers), la découverte et la fabrication fibres optiques qui permettent de guider les faisceaux lasers sur des milliers de km sans trop de pertes et le développement des codages de plus en plus sophistiqués, il n’y a plus de limitations à « transporter le son » très loin !

Coder la lumière

La possibilité de coder la transmission par la couleur, la polarisation et/ou par l’intensité de la lumière se propageant dans la fibre, a permis le développement des communications sous-marines, l’enfouissement des signaux de télévision sous nos trottoirs et bien d’autres progrès technologiques… Remarquons que quelque soit la propriété de la lumière utilisée, couleur, polarisation et/ou intensité, le codage se fera toujours en code binaire, c’est-à-dire, grâce à des successions de 0 et 1, comme dans les ordinateurs.

Pour illustrer la transmission d’informations sur de longues distances via la lumière, nous présentons une expérience de « multiplexage » analogique). Deux informations (deux chansons différentes) se propagent sans brouillage dans la même fibre optique grâce au codage du son par les variations d’intensités lumineuses d’un laser rouge et d’un laser bleu qui constituent deux canaux de transmission. En sortie de fibre, un système optique dispersif (prisme, réseau de diffraction) permet de séparer les deux faisceaux de couleurs différentes et de récupérer chaque canal d’information sur une photodiode reliée à un casque audio. Les visiteurs du stand peuvent vérifier qu’en occultant l’un des deux lasers la transmission sur l’autre voie se fait sans altération !

(Auteures, CC BY)

Nous finissons notre présentation en nous projetant dans les télécommunications de demain grâce un démonstrateur de lifi (light fidelity). Il s’agit d’une technologie de communication sans fil, dans laquelle l’information est portée par la lumière émise par des diodes électroluminescentes (LED) servant à l’éclairage à l’intérieur ou à l’extérieur des bâtiments. Les informations (musique, films, fichiers…) transmises par l’Internet sont acheminées au modem LIFI alimentant le luminaire LED. Le modem lifi, ayant transformé les informations en code binaire, la lumière LED va automatiquement s’éteindre et se rallumer plus d’un million de fois par seconde. L’œil humain ne peut voir ces clignotements, mais ordinateur, tablette ou smartphone ayant détecté cette lumière et dotés d’une clef lifi peuvent décoder les informations binaires et restituer, en leur forme originale, musiques, films, fichiers, données, notifications…

Le système d’éclairage d’un bâtiment de bureaux peut alors aujourd’hui connecter les utilisateurs à Internet. Guider des aveugles dans le métro, transmettre des informations médicales dans un hôpital ou mesurer les temps de parcours dans les allées d’un supermarché, telles sont les principales applications de la technique lifi sur laquelle travaille la société française Oledcomm fondée en 2012 par le professeur Suat Topsu, co-inventeur de la technologie lifi.

(Auteures, CC BY)

Notre stand dispose d’un appareil de démonstration de cette société. Chacune des LEDs dont l’intensité est modulée à des fréquences différentes éclaire la caméra d’une tablette qui reconnaît le code de chacune d’elles et montre les informations correspondantes.

 

Danièle Fournier, Professeur émérite INSP( Institut des Nanosciences de Paris), Université Pierre et Marie Curie (UPMC) – Sorbonne Universités; Camille Lagoin, Doctorante INSP ( Institut des Nanosciences de Paris), Université Pierre et Marie Curie (UPMC) – Sorbonne Universités; Catherine Schwob, Professeur INSP ( Institut des Nanosciences de Paris), Université Pierre et Marie Curie (UPMC) – Sorbonne Universités et Pauline Rovillain, Maitre de conférences INSP ( Institut des Nanosciences de Paris), Université Pierre et Marie Curie (UPMC) – Sorbonne Universités

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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