ENTRETIENS EPOCH TIMES

Edoardo Secchi : « Les intérêts contradictoires des nations européennes minent la prise de décision, l’action et la réaction à de graves problèmes »

janvier 6, 2025 17:52, Last Updated: janvier 6, 2025 21:52
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ENTRETIEN – Le Président fondateur d’Italy-France Group et fondateur du club Italie-France, Edoardo Secchi, répond aux questions d’Epoch Times sur le budget récemment adopté par le Sénat italien et le retour officiel de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier, son impact sur les relations entre l’Italie et les États-Unis. Il livre également son regard sur les relations entre Bruxelles et Washington.

Epoch Times : Le 28 décembre, le Sénat italien a adopté en dernière lecture un budget 2025 avec des mesures chiffrées à 30 milliards d’euros, dont des baisses d’impôts pour les classes moyennes et populaires. Pourriez-vous revenir en détails sur ce budget adopté ?

Edoardo Secchi : Ce budget, de la part de Giorgia Meloni, est assez ambitieux. On a souvent reproché à la présidente du Conseil des ministres de ne pas prendre en compte les classes moyennes et populaires appauvries par la crise sanitaire, l’inflation, etc. Les mesures présentes dans ce budget répondent précisément à leurs attentes.

Il répond aussi aux besoins des entreprises en leur promettant des baisses d’impôts sur les sociétés, qui passent de 24 % à 20 % à condition qu’elles investissent dans la transition technologique ou les biens instrumentaux.

Par ailleurs, avec la loi de finances 2025, après avoir augmenté de 50 % l’allocation unique pour la première année de vie d’un nouveau-né, nous introduisons une prime de mille euros pour ceux qui sont nés en 2025. Une dot globale qui, pour les familles ayant des revenus plus bas, atteint 5540 euros la première année et s’élève à 7000 euros à partir du troisième enfant.

Ce n’est pas une somme énorme, mais compte tenu de la situation économique du pays, c’est quand même un geste louable de la part du gouvernement.

Ce budget montre également que la volonté du gouvernement est claire : réduire la dette et le déficit tout en essayant de maintenir la consommation. En Italie, les problèmes sont l’inverse de ce que nous pouvons connaître en France. La botte exporte, mais on y consomme peu !

Tout l’enjeu de ce budget est donc d’essayer de relancer un peu la consommation.

Ce budget pourrait-il, selon vous, servir d’exemple à la France ?

Il pourrait en effet servir d’exemple, mais attention, la spécificité française nous impose d’être vigilants !

La France n’est pas du tout dans la même situation que l’Italie. Rome enregistre de meilleures performances économiques depuis deux ans, avec une balance commerciale positive, ce qui n’est pas le cas de Paris. L’État italien a également engrangé beaucoup d’argent en 2024 grâce à une vaste lutte contre l’évasion fiscale, et a redistribué un peu cet argent à la population.

Puis, en France, on est habitué à recevoir beaucoup d’argent public contrairement à l’Italie. Nous l’avons vu à l’occasion de la crise sanitaire et du fameux « quoi qu’il en coûte ». L’État italien n’avait pas été aussi généreux à l’époque.

La note financière de l’Italie reste basse : BBB selon Fitch, malgré une perspective passée de « stable » à « positive ». Il y a donc encore un long chemin à parcourir pour Rome.

Il faut prendre du recul avec les agences de notation. Elles peuvent nous éclairer sur certains paramètres, mais n’incarnent pas la vérité absolue sur la santé économique et financière d’un pays. Contrairement à certains « visionnaires d’un défaut économique qui n’aura pas lieu » de l’Italie comme de la France, je pense qu’en réalité, les fonds d’investissement se nourrissent de la spéculation financière. Cela arrange donc tout le monde de baisser la note d’un pays parce que cela permet par la suite d’augmenter les taux d’intérêt.

À chaque fois, les marchés brandissent toujours la même menace de la note financière pour faire peur et jeter du discrédit sur des pays endettés comme la France et l’Italie et ainsi, dire que ces États ne sont pas fiables et justifier l’augmentation des taux d’intérêt. Rome souffre justement de cette perception…

Pour autant, l’Italie, d’ailleurs comme Israël, malgré une note financière « BBB », restent des pays fiables et ont des ressources économiques importantes. L’épargne des Italiens représente quand même 10.000 milliards d’euros. Et je rappelle que Giorgia Meloni est en train de réduire la dette.

Méfions-nous de ces agences de notation américaines qui jugent de manière arbitraire ce qui est solvable et ce qui ne l’est pas. Au passage, les Américains ne sont pas plus solvables que les Français ou les Italiens.

Dans une dizaine de jours, Donald Trump succédera officiellement à Joe Biden. Son retour va-t-il faire de l’Italie l’interlocuteur et le partenaire européen privilégié des États-Unis ? Lui et Giorgia Meloni sont très proches sur le plan idéologique.

Il est, à mon avis, trop tôt pour le dire. L’Italie a depuis 1861 un rapport privilégié avec les États-Unis. La forte immigration italienne a aussi fortement influencé la société américaine. Beaucoup d’hommes politiques, hommes d’affaires et personnalités publiques américaines sont d’origine italienne.

Les États-Unis représentent le deuxième marché mondial après le marché européen pour les Italiens. En 2023, les exportations italiennes vers les États-Unis ont atteint 67,3 milliards d’euros et la balance commerciale positive de l’Italie s’élevait à 42 milliards d’euros.

Cependant, Donald Trump est connu pour être imprévisible. On ne sait pas comment il va réagir. C’est la raison pour laquelle les sociétés italiennes sont attentives à l’évolution de la présidence Trump. Elles sont d’autant plus perplexes que le Mexique, dont l’Italie est le deuxième partenaire, risque d’être fortement sanctionné, et elles craignent d’être sanctionnées à leur tour.

Quoi qu’il en soit, le président américain élu va utiliser la même stratégie que lors de son premier mandat : il va menacer pour arriver en position de force au moment des négociations.

La présidente du Conseil des ministres italien a aussi envoyé des signaux positifs au milliardaire et futur ministre de Donald Trump, Elon Musk. Dans une interview publiée le vendredi 3 janvier dans Corriere della Sera, elle le décrit comme un « homme brillant ». Quelle est votre analyse ?

En réalité, les relations entre Giorgia Meloni et Elon Musk ne datent pas d’hier. Elles remontent à plusieurs années. D’autre part, ce qu’elle dit sur monsieur Musk est juste. Je regrette simplement la manière dont il est traité par la gauche aujourd’hui. Quand il soutenait les Démocrates, il était vu comme un génie. Maintenant qu’il est pro-Trump, c’est un monstre et un danger pour la démocratie.

Je pense qu’il pourrait être un bon partenaire pour l’Italie et il pourrait y développer ses investissements, que ce soit pour Tesla ou Starlink, son réseau de satellites.

Les bonne relations entre Giorgia Meloni et le fondateur de Space X ne risquent-elles pas de mécontenter Bruxelles ?

Avant les élections, tous les dirigeants européens étaient rangés derrière Joe Biden. Maintenant que Trump est de retour, ils font tous la course pour aller lui serrer la main à Washington ! Ce qui prouve que l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, n’est rien d’autre qu’une extension géopolitique des affaires américaines. Elle n’est pas du tout indépendante car elle n’a pas de vision politique sur l’avenir.

Pour bien comprendre le non-fonctionnement de l’Europe, il suffirait de s’intéresser au cas italien : chaque région décide pour elle-même, l’État central est perçu comme un fardeau. Les intérêts contradictoires des nations européennes minent la prise de décision, l’action, la réaction à de graves problèmes qui risquent de nous submerger.

Peut-être que l’arrivée de Trump pourrait être réellement bénéfique pour l’Europe. S’il confirme vouloir délaisser l’Europe, cela pourrait offrir une belle opportunité à l’Europe de prendre ses responsabilités et de décider si elle veut devenir la troisième plus grande zone d’influence mondiale ou finir écrasée par la Chine et les États-Unis.

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