L’Assemblée nationale vient de voter le soutien de la France à l’Ukraine après l’accord de sécurité signé entre Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, le 16 février. À 3 mois des élections européennes, la guerre en Ukraine est devenue depuis quinze jours le sujet principal du gouvernement, sur lequel il a été demandé à chaque formation politique de se positionner.
Le choix du calendrier interroge ainsi que le clivage du gouvernement entre d’un côté, ceux qui soutiennent l’Ukraine et de l’autre, ceux qui soutiennent, de fait, la Russie. En ligne de mire, le parti de Marine Le Pen, cible principale du gouvernement et que Gabriel Attal a comparé le 28 février dans l’hémicycle à des troupes de Vladimir Poutine en France.
Si cette instrumentalisation politique est déjà bien connue, elle risque au mieux de se retourner contre son auteur et au pire de cliver encore davantage une société française déjà polarisée.
Le contexte du vote symbolique de soutien à l’Ukraine
L’Assemblée nationale a voté ce mardi l’accord de sécurité, déjà signé entre Paris et Kiev, à 372 voix contre 99. La majorité des LR, du PS, des écologistes et de Liot ont voté pour, le RN s’est abstenu et LFI et le PCF s’y sont opposés.
L’épisode politique avait commencé le 26 février quand Emmanuel Macron évoquait la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine. Le 5 mars, le président appelait à Prague les alliés de l’Ukraine à « ne pas être lâches » et à « être à la hauteur de l’Histoire », recevant dans la foulée les chefs de partis pour « clarifier leurs positions » vis-à-vis du conflit russo-ukrainien.
Cependant, l’ambiguïté stratégique du président a été loin de convaincre. « Le président de la République dit clairement aux Français, aux forces politiques, que la position de la France a changé. Il n’y a plus de ligne rouge, il n’y a plus de limite », déclarait Fabien Roussel, secrétaire général du Parti communiste à la sortie de cette rencontre, alors que Jordan Bardella commentait que « la campagne électorale dans laquelle nous sommes aujourd’hui engagés n’autorise pas tout ».
Lors de son discours devant l’Assemblée le 12 mars, le Premier ministre Gabriel Attal n’a pas fait autre chose que de défendre la ligne « va-t-en-guerre » du président. Si l’on en croit ses propos, l’objectif est de polariser le débat public autour de la guerre en Ukraine et de désigner les soutiens de Poutine en France : «Voter contre, c’est donner à Vladimir Poutine tous les arguments et un signal qu’il attend (…) S’abstenir, c’est fuir ses responsabilités devant l’Histoire» a-t-il dit en visant LFI, le PCF et le RN.
Que contient l’accord d’aide à l’Ukraine ?
L’accord bilatéral de sécurité signé le 16 février par Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky inclut un soutien financier, un renforcement pour une durée de dix ans de l’aide militaire dans les domaines notamment de l’artillerie et de la défense aérienne, l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et son adhésion à l’Union européenne – des lignes rouges pour la Russie dans l’accord de Minsk II de 201, des conditions qu’on s’accuse de part et d’autre d’avoir violées.
Trois milliards d’euros d’aide financière seront prévus en 2024 qui s’ajouteront aux 3,8 milliards déjà dépensés depuis deux ans, dans un contexte où l’inflation continue de peser sur le portefeuille des Français, que la dette publique dépasse les 3.000 milliards d’euros et que certains services publics sont au bord de la faillite.
Avec cette aide financière, « la France réaffirme son intention de soutenir pleinement l’objectif d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne » peut-on lire sur le site du gouvernement, adhésion dont on sait déjà l’impact sur l’agriculture française, malgré les annonces faites, il y a quelques semaines, auprès des agriculteurs.
Une instrumentalisation de la guerre en question
Derrière les « torses bombés », expression utilisée par le Premier ministre pour s’opposer à ceux qui se mettent « à plat ventre », certains voient des tentatives de diversion de l’opinion publique, alors que le RN est en tête des intentions de vote aux élections européennes.
Dans un récent article du Monde, on apprenait la volonté d’Emmanuel Macron de reprendre le fil narratif de l’actualité en imposant le thème de la guerre en Ukraine. Alors que l’opinion publique veut majoritairement la paix, le pari du président est de convaincre que tous ceux qui s’opposent à la guerre en Ukraine, à l’envoi d’armes ou qui veulent des négociations de paix, sont de facto pro-Poutine et donc des ennemis de la France. Bien sûr, aucun Français ne veut se laisser dire qu’il serait un ennemi de la France – mais cette fois-ci la ficelle est un peu grosse.
L’ironie est que cette politique est très connue dans les pays socialistes et utilisée par les régimes soviétiques et maoïstes au XXe siècle : « L’ennemi, du point de vue du régime, se situe certes à l’extérieur du pays ; plus encore, plus essentiellement, il est représenté par l’ennemi intérieur, incarné par des parties du corps social » peut-on lire sur Cairn. En résumé, il s’agit de pointer un ennemi extérieur pour cristalliser l’attention du public et l’orienter vers un ennemi intérieur, cause de tous les maux. Dans les pays communistes, cela peut passer par une propagande et une terreur intellectuelle reproduites par les médias, l’emprisonnement des opposants et la criminalisation de la liberté d’expression. En France, bien entendu, nous n’en sommes pas encore là.
Selon le politologue Luc Gras, il faut quand même faire attention à ne pas tomber dans l’instrumentalisation: « Vous avez aimé Marine Le Pen 2017 pour faire passer Macron, vous avez aimé Marine Le Pen 2022 pour faire passer Macron, vous aimerez Poutine pour gagner les européennes » commentait-il sur CNews.
Depuis 15 jours, le gouvernement insiste pour désigner un danger extérieur représenté par la Russie. Emmanuel Macron, à la peine dans les sondages, aurait-il voulu tendre un piège aux partis d’opposition, qu’il ne s’en serait pas pris autrement. Son Premier ministre n’a d’ailleurs pas manqué de pointer le RN, leur imposant de se positionner autour de deux options: soit vous soutenez l’Ukraine, soit vous êtes pro-Poutine. Le RN a choisi de s’abstenir de répondre.
« Dans un moment aussi grave, il n’y a pas de place pour l’instrumentalisation » déclarait Gabriel Attal lors du vote à l’Assemblée, une affirmation qui a beaucoup fait réagir dans l’hémicycle.
Couvrez ce quotidien que je ne saurais voir
À 3 mois des élections européennes, le sujet de la guerre en Ukraine imposé par Emmanuel Macron permet d’occuper l’attention du public pour faire oublier les problèmes du quotidien. S’il faut s’opposer à la Russie diplomatiquement et à l’alliance des pays autoritaires qui la soutiennent, il faut certainement éviter d’en utiliser les mêmes armes politiques à l’intérieur. La tactique politique de désigner un ennemi extérieur et intérieur est dangereuse, d’une part avec le risque d’une escalade de la guerre avec la Russie et d’autre part en créant de nouveaux clivages dans une société française déjà fracturée.
Qu’en est-il des sujets qui impactent directement notre quotidien ? La dette et l’inflation ont explosé, la violence des gangs prolifère sur le territoire, des OQTF non exécutées menacent la sécurité des Français et des Françaises, la Santé, l’Éducation, la Justice sont au bord de la faillite alors que les prélèvements obligatoires n’ont jamais été aussi hauts et les plus élevés au monde.
Emmanuel Macron tentera de donner des explications jeudi soir aux 20 heures de TF1 et France 2 pour « parler directement aux Français de ce sujet important pour leur quotidien et leur avenir » tout en assumant un exercice « de remise en perspective et de pédagogie ».
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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