INTERNATIONAL

Emirats arabes unis, l’oasis de paix rattrapé par sa guerre au Yémen

janvier 19, 2022 22:15, Last Updated: janvier 20, 2022 5:52
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La récente attaque meurtrière des rebelles Houthis à Abou Dhabi ouvre une nouvelle page dans la guerre du Yémen, frappant en plein coeur les Emirats arabes unis, richissime pays du Golfe qui tient à sa réputation d’oasis de paix au Moyen-Orient.

Les insurgés ont mené lundi une attaque inédite aux Emirats, où trois personnes ont été tuées et six autres blessées dans l’explosion de camions-citernes transportant du carburant.

Ces rebelles proches de l’Iran menaçaient depuis longtemps de s’en prendre aux Emirats, pays membre de la coalition militaire sous commandement saoudien qui intervient depuis 2015 au Yémen pour appuyer les forces progouvernementales.

Des menaces mises à exécution

Avec ces menaces mises à exécution, les Emirats arabes unis ont fait les gros titres mais pas, comme d’habitude, pour leur plus haute tour du monde, leurs hôtels clinquants, leurs compétitions sportives internationales ou encore leurs ambitions technologiques et spatiales.

Petit Etat d’environ 10 millions d’habitants, dont quelque 90% sont des expatriés, les Emirats se sont imposés comme un hub financier, un carrefour du transport aérien et un acteur diplomatique majeur.

Dans un Moyen-Orient secoué par les conflits et la pauvreté, Abou Dhabi et Dubaï (les deux principaux émirats du pays) aiment à se présenter comme un temple de l’opulence et un havre de paix.

Pour la spécialiste des pays du Golfe Eman Alhussein, l’attaque d’Abou Dhabi n’aura pas « un impact significatif sur la réputation des Emirats » qui « se sont construit une image (…) suffisamment forte pour résister aux récents attentats ».

La réputation des Emirats 

Mais si ce type d’attaques venait à se multiplier, « la réputation d’oasis de sécurité au Moyen-Orient » que le pays s’est forgée pourrait se « ternir », souligne toutefois Dania Thafer, directrice du centre de réflexion Gulf International Forum.

« Les Houthis semblent savoir que la réputation des Emirats est au cœur de leurs objectifs stratégiques », constate-t-elle, estimant que les rebelles espèrent ainsi « frapper à moindre frais mais avec un retour sur investissement élevé ».

L’attaque représente une « escalade » entre les rebelles et les Emirats, explique  Mohammed Al Basha, chercheur sur la péninsule arabique au centre de réflexion Navanti Group.

Les rebelles frappent régulièrement à coups de drones et de missiles l’Arabie saoudite, mais ils ne s’en étaient pas pris aux Emirats depuis qu’ils ont revendiqué en 2018 une attaque qui n’a jamais été confirmée par Abou Dhabi.

Un redéploiement des forces au Yémen

En 2019, les Emirats ont annoncé néanmoins un redéploiement de leurs forces au Yémen en se faisant discrets, tout en conservant une forte influence notamment dans le Sud. Les rebelles Houthis contrôlent eux le Nord en grande partie.

Mais récemment, en marge de la bataille lancée il y a bientôt un an par les Houthis pour le contrôle de la région stratégique de Marib, dernier bastion loyaliste dans le Nord, une force formée par les Emirats a permis à la mi-janvier aux troupes progouvernementales d’arracher aux rebelles la province voisine de Chabwa dans le Sud.

Les Houthis tiennent Abou Dhabi pour responsable de leurs récents revers, « les Emirats ayant joué un rôle clé dans l’établissement, la formation et l’armement des forces » de la Brigade des Géants, souligne Mohammed Al Basha.

Les rebelles font déjà face à la Brigade des Géants dans la province pétrolifère de Marib, où les rebelles n’avancent plus.

Dans ce contexte, les Houthis ont saisi début janvier en mer Rouge un bateau battant pavillon des Emirats.

L’attaque d’Abou Dhabi « n’est pas une surprise », estime Peter Salisbury, de l’ONG Crisis Group, soulignant que les rebelles avaient averti « depuis au moins deux semaines » qu’ils allaient frapper.

Ils « considèrent que les Emirats sont derrière la poussée militaire contre leurs forces à Chabwa et dans le sud de Marib », selon ce spécialiste du Yémen.

En attendant, c’est dans le cadre de la coalition que la riposte est intervenue avec des raids sur Sanaa ayant fait 14 morts après l’attaque sur Abou Dhabi.

Les Emirats ont eux appelé à une réunion urgente du Conseil de sécurité de l’ONU et une « condamnation (…) sans équivoque de ces attentats terroristes ».


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