INTERNATIONAL

En Europe, l’inquiétant essor des médias de fact checking pro-gouvernementaux

décembre 12, 2024 11:38, Last Updated: décembre 12, 2024 11:40
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En Europe, la montée des projets de vérification des faits influencés par les gouvernements complique la distinction entre vérité et propagande, alertent certains experts, alors qu’une nouvelle initiative russe suscite des inquiétudes. 

La vérification indépendante des faits, le fact-checking, qui utilise des techniques d’investigation numérique et des compétences journalistiques pour repérer les fausses informations, est considérée comme un outil essentiel pour lutter contre la désinformation. Elle est utilisée par des plateformes majeures comme TikTok et Facebook, filiale du groupe Meta.

Mais à mesure que la manipulation de l’information devient plus sophistiquée, les inquiétudes se multiplient face à l’essor d’organismes de vérification des faits défendant en réalité leurs propres intérêts.

Semer la confusion

En Russie, qui utilise le site « War on Fakes » pour diffuser ce que les experts considèrent comme de la propagande d’État, a dévoilé le mois dernier son projet de création d’un réseau mondial de vérification des faits (Global Fact-Checking Network – GFCN). Projet qui préoccupe l’ONG de défense des droits des médias Reporters sans frontières (RSF). « L’objectif n’est pas tant de convaincre, mais plutôt de semer la confusion sur les faits, sur la réalité », a déclaré à l’AFP Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF.

Des médias russes ont rapporté les propos de Vladimir Tabak, directeur de l’ONG ANO Dialog, affiliée au Kremlin, qui a assuré que le réseau international réunirait ceux qui « partagent nos opinions et nos valeurs ». M. Tabak, lui-même, fait l’objet de sanctions américaines pour avoir tenté d’influencer la récente élection présidentielle américaine, notamment en créant des comptes bots (comptes automatisés) destinés à diffuser de la désinformation sur les réseaux sociaux.

Jeanne Cavelier insiste sur l’importance de rester « vigilants à ce sujet ». « Le fact-checking en Russie ne sera pas basé sur des faits, mais sur la soi-disant vérité délivrée par le pouvoir politique sans aucune garantie ni indépendance » rappelle la responsable de RSF.

Le nom du réseau russe est proche de celui du réseau international de vérification des faits (IFCN), qui regroupe plus de 170 organisations dans le monde et qui est hébergé par Poynter, une organisation de journalisme et de recherche à but non-lucratif basée aux États-Unis.

« Le fact-checking a besoin de crédibilité »

Afin de garantir la qualité du contenu proposé, les signataires de l’IFCN et de son homologue européen, l’EFCSN, sont régulièrement contrôlés par des évaluateurs externes. Ils doivent se conformer à un code de principes qui inclut la transparence des sources, du financement et de la méthodologie, ainsi qu’un engagement d’impartialité politique. Le service de vérification des faits de l’AFP est signataire de l’IFCN et de l’EFCSN, et travaille avec Meta et TikTok.

« Le fact-checking a besoin de crédibilité », a déclaré Clara Jimenez Cruz, présidente de l’EFCSN et membre du conseil consultatif de l’IFCN.

Selon les observateurs, les partis politiques ou les gouvernements qui tentent de s’immiscer dans la vérification des faits ne sont pas une tendance nouvelle et ne se limitent pas aux pays autoritaires, des exemples ayant été observés ces dernières années en Grèce, en Croatie et en Espagne.

Un rapport de Freedom House publié en octobre citait des cas où des chercheurs indépendants spécialisés dans la vérification des faits et la désinformation avaient subi des pressions en Égypte, en Inde, en Corée du Sud et aux États-Unis au cours des 12 derniers mois seulement.

Le projet de la Russie de créer un réseau international d’organisations de vérification des faits partageant les mêmes idées est pour l’instant « un projet de niche », a déclaré Ilya Yablokov, chargé d’enseigner le journalisme numérique et la désinformation à l’université de Sheffield en Angleterre. Mais il s’inscrit dans une stratégie plus larges visant à « manipuler l’information pour garder le contrôle de l’opinion publique dans un environnement très conflictuel » et ainsi diffuser le discours du Kremlin à l’étranger, a-t-il ajouté à l’AFP. Il met en avant l’exemple des sites Doppelganger, liés à la Russie, qui imitent des médias occidentaux pour mettre en avant un narratif pro-russe autour de l’Ukraine.

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