Le chef de la junte au pouvoir en Thaïlande depuis un coup d’Etat en 2014, le général Prayut Chan-O-Cha, est le grand favori pour conserver son poste de Premier ministre après les législatives controversées de mars, même s’il est défié par un jeune millionnaire.
Les députés et les sénateurs sont réunis depuis mercredi matin pour élire le chef du gouvernement, après plus de deux mois d’intenses tractations du parti de la junte, le Palang Pracharat, pour s’assurer une majorité parlementaire. Il l’a désormais obtenue grâce au ralliement de plusieurs mouvements conservateurs, au premier rang desquels le vieux parti démocrate.
Face à Prayut Chan-O-Cha dans la course au poste de Premier ministre, le jeune millionnaire Thanathorn Juangroongruangkit, fondateur du nouveau parti d’opposition Future Forward qui a créé la surprise aux législatives en séduisant notamment la jeunesse. Il est devenu la troisième force politique du pays mais les ennuis judiciaires, dénoncés comme politiques, se sont accumulés contre le charismatique homme d’affaires. Et il a été suspendu temporairement de son mandat de député.
Interdit d’entrer dans l’hémicycle, Thanathorn a critiqué le comportement de la junte. En Thaïlande, « nous sommes comme des grenouilles plongées dans de l’eau bouillante. Quand nous réaliserons à quelle vitesse le monde change, il sera trop tard », a-t-il déclaré.
La veille, il avait appelé à « rétablir la démocratie en Thaïlande » et à « empêcher Prayut de revenir comme Premier ministre ». Fin mai, lors de la première réunion du Parlement, son parti avait fait une sortie remarquée. Les députés de son camp s’étaient levés en faisant le salut (trois doigts levés) du film « Hunger games », symbole dans le long-métrage de rébellion contre une élite dictatoriale. Ce geste est depuis devenu le signe de ralliement de l’opposition en Thaïlande.
Abhisit Vejjajiva, figure du parti démocrate et ancien Premier ministre, a créé l’événement mercredi en annonçant devant le Parlement démissionner de son poste de député. « Je ne peux pas entrer dans l’assemblée et voter pour le général Prayut Chan-O-cha, je ne peux pas faire ça », a-t-il lancé alors que la décision de soutenir les généraux divise certains membres de son parti.
L’opposition dénonce la façon dont les dés ont été pipés par les militaires pour ces premières élections depuis le coup d’Etat de 2014. En se garantissant dans la nouvelle Constitution un contrôle total du Sénat, entièrement nommé par les militaires, le parti de la junte n’a en effet besoin que de 126 voix parmi les 500 députés pour que Prayut Chan-O-Cha conserve son poste de Premier ministre.
Il en a obtenu déjà 115 lors du scrutin, et avec les ralliements d’autres mouvements politiques comme le parti démocrate, il devrait très facilement dépasser ce seuil. L’opposant Thanathorn n’a, lui, quasiment aucune chance d’être élu même si numériquement la coalition d’opposition qu’il représente est largement devant. Il doit obtenir 376 voix pour pouvoir former un gouvernement, un chiffre quasiment impossible à atteindre.
Le bon score de Future Forward, plébiscité par plus de 6 millions d’électeurs, montre en tous cas que le vieux clivage politique entre les factions « Rouges » réformatrices et proches de l’influente famille Shinawatra et les « Jaunes » l’élite conservatrice alignée sur l’armée est dépassé.
Le nouveau roi de Thaïlande Maha Vajiralongkorn a insisté début mai lors de son couronnement sur la nécessaire « unité » de son royaume. Le monarque est intervenu deux fois pendant la campagne des législatives, les premières depuis le coup d’Etat de 2014. Il a opposé une fin de non-recevoir aux aspirations de sa sœur, la princesse Ubolratana, à faire son entrée en politique pour un parti proche de l’ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.
Et la veille du scrutin, le souverain a exhorté les Thaïlandais à « soutenir les bonnes personnes » pour « empêcher le chaos », une déclaration perçue comme un soutien aux militaires.
Au final, « le nouveau Premier ministre aura beaucoup à faire pour moderniser le pays et réduire les fortes inégalités au sein de la population », a relevé auprès de l’AFP l’ancien gouverneur de la banque de Thaïlande, Chatumongol Sonakul, qui vient d’entrer au Parlement et dont le mouvement a rallié le parti de la junte. Mercredi en fin d’après-midi, les débats préliminaires à l’élection du Premier ministre n’étaient pas achevés et le vote proprement dit n’avait toujours pas commencé.
D.C avec AFP
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.