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Eve Vaguerlant : « Tout ce que veulent les féministes, c’est qu’on cesse de faire des enfants »

juin 24, 2024 18:27, Last Updated: juin 24, 2024 22:35
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ENTRETIEN – Dans son deuxième ouvrage publié aux éditions de l’Artilleur, L’Effacement des mères, l’enseignante Eve Vaguerlant aborde le thème de la maternité. Selon la professeure agrégée, la maternité serait de plus en plus menacée par « une idéologie dominante féministe, des conditions économiques dégradées et la fragilisation du système social ». L’auteure de Un prof ne devrait pas dire ça (L’Artilleur, 2023) appelle également à un retour d’une « véritable politique familiale ».

Epoch Times : Vous revenez dans votre dernier livre sur le thème de la maternité que vous décrivez comme étant en proie à différentes conditions qui lui sont défavorables, à commencer par une « idéologie dominante » féministe dont les fondements remontent à certains écrits comme le « Deuxième sexe » publié par Simone de Beauvoir en 1949. Le rejet de la maternité est-il l’une des caractéristiques principales du féminisme ?

Eve Vaguerlant : En ce qui concerne le féminisme de Simone de Beauvoir, qui est d’une certaine manière l’origine du féminisme actuel, je pense qu’on peut dire que oui. Ce n’était pas le cas du féminisme plus ancien, celui de la lutte pour les droits civiques, des suffragettes, etc. À l’époque, ces femmes engagées s’investissaient quand même dans leurs foyers.

Le « Beauvoirisme » est entièrement orienté contre la maternité. Il s’agit vraiment de détourner les femmes de ce rôle social et de la fonction biologique de mère pour en faire des femmes qui soient au travail comme des hommes de manière indistincte.

Pour l’auteure du « Deuxième sexe », la seule manière d’être épanouie pour une femme consiste à être salariée avec une autonomie financière, ce qui est tout à fait louable. Mais le problème, c’est que chez Simone de Beauvoir, cet épanouissement se fait contre la maternité.

Sur le sujet de la maternité, il n’y a donc pas de distinction entre féminisme et néo-féminisme ?

Il n’y a effectivement pas de distinction parce que le néo-féminisme n’est rien d’autre qu’un féminisme exacerbé. Je dénonce l’idée qui consiste à dire que le néo-féminisme serait quelque chose de radicalement nouveau et d’inquiétant qui n’aurait strictement rien à voir avec le « bon féminisme » de Simone de Beauvoir.

Il suffit de lire le « Deuxième sexe » pour le comprendre. Ce n’est pas du tout un écrit rationnel. Simone de Beauvoir exprime une haine viscérale de la maternité. Et l’auteure a marqué de manière durable les générations suivantes sur cette question.

Vous évoquez la rencontre entre le féminisme et l’écologie qu’on appellera plus tard : écoféminisme. « C’est ici que le féminisme trouve dans l’écologie un allié de taille. Leur point commun : l’injonction à ne pas faire d’enfants », écrivez-vous. Comment analysez-vous aujourd’hui l’influence de l’écoféminisme ?

On retrouve ici le principe de la convergence des luttes et de l’intersectionnalité de la gauche.

À première vue, l’écologie et le féminisme n’ont pas grand-chose en commun, à part ce que j’écris dans mon livre, c’est-à-dire le rejet de la maternité. C’est en quelque sorte leur terrain de jeu commun. Ce rejet de la maternité chez les féministes s’explique par leur obsession de l’égalité salariale. Chez les écologistes, il y a l’idée que faire des enfants conduit à la surpopulation et que cette surpopulation induit une surconsommation, et in fine, la surconsommation est néfaste pour la planète.

En plus de ce rejet de la maternité, je crois que l’écologie et le féminisme sont unis par la détestation du mâle occidental blanc perçu comme patriarcal. Françoise d’Eaubonne, l’intellectuelle à l’origine du concept d’écoféminisme, considère que l’homme, le mâle, a exploité la femme de tous temps, de la même manière qu’il a exploité la planète. Elle place donc ces deux éléments sur le même plan.

Derrière cet écoféminisme, il y a un réel mouvement de société. On voit que les femmes très féministes sont souvent aussi des écologistes, et dans leur aversion de l’enfantement, elles vont mettre en avant la protection de la planète et leur liberté.

L’écologie sert de prétexte à un individualisme très fort. Ces femmes n’ont pas envie d’avoir la charge d’un enfant. Elles veulent garder leur liberté, ne pas avoir de contraintes. La planète a bon dos…

Vous mentionnez le cas d’Artoise, 23 ans, qui a choisi de se faire ligaturer les trompes en vue d’une stérilisation complète. Existe-t-il un phénomène de société derrière ces jeunes femmes qui cherchent à se faire stériliser ? Le cas d’Artoise est-il isolé ?

Il y a un phénomène qui touche fortement la jeune génération. Le témoignage d’Artoise auprès du média Konbini n’est pas isolé. Des articles pullulent sur ce sujet, notamment sur la ligature des trompes et la vasectomie. Pour ma part, je pense que la vasectomie va l’emporter sur la ligature des trompes, avec une forte pression qui sera exercée sur les garçons pour « assumer la charge contraceptive dans le couple ».

Certaines féministes ont l’air de considérer que la femme ne sera définitivement libre, c’est-à-dire débarrassée de la maternité et du fardeau des naissances, que lorsque les garçons se seront fait vasectomiser.

Et quand on voit des couples extrêmement jeunes opter pour ce genre de solution, la présentant comme un heureux événement et expliquant qu’ils sont absolument convaincus qu’ils ne voudront jamais d’enfant, alors qu’il s’agit d’une question à laquelle il faut accorder du temps et de la réflexion, je trouve cela très inquiétant.

La question du travail des femmes est analysée dans votre ouvrage. Pour vous, la manière dont le combat en faveur de l’accès des femmes au marché du travail a été mené a contribué à nier la valeur du travail domestique, y compris l’éducation des enfants. Pourquoi ?

C’est effectivement un thème récurrent chez les féministes, voire un objectif, notamment chez Simone de Beauvoir. La femme doit être autonome financièrement et doit donc avoir un travail salarié. Il s’agit de nier la valeur du travail domestique qui, lui, n’est pas rémunéré. Simone de Beauvoir est d’ailleurs très violente à l’égard de la femme au foyer. Elle la voit comme un « parasite » notamment parce que cette dernière n’est pas autonome sur le plan financier.

Pour autant, je ne dis pas que toutes les femmes devraient être des femmes au foyer, je dis simplement qu’on doit pouvoir faire ce qu’on veut et qu’aujourd’hui, nous sommes enfermés dans un modèle qui n’est plus viable puisqu’il faut maintenant deux salaires pour s’en sortir.

La femme est donc contrainte de travailler en plus du reste. Par ailleurs, on sait que la femme au foyer à un rôle social plus qu’important en termes d’éducation des enfants.

En tant qu’enseignante dans l’Éducation nationale, je sais à quel point on pâtit du fait de voir des mères qui ont peu de temps à consacrer à leurs enfants.

Certains pourraient vous répondre que des femmes cherchent à travailler, notamment par sécurité économique, en cas de divorce par exemple, ou tout simplement par volonté de gagner leur vie d’elles-mêmes…

Oui tout à fait, mais le cas que vous mentionnez s’applique surtout pour les femmes issues de milieux favorisés et qui ont l’opportunité de faire de hautes études et donc de pouvoir se diriger vers des emplois gratifiants et intéressants. Ce qui est très souvent le cas des féministes qui sont pour la plupart des bourgeoises à l’instar de Simone de Beauvoir.

Mais quand une femme est condamnée à exercer une profession peu intéressante toute sa vie, je pense qu’elle est moins enthousiaste à l’idée de travailler. Et si elle pouvait passer plus de temps dans son foyer à s’occuper de ses enfants, peut-être qu’elle le ferait.

Ensuite, on peut très bien avoir envie de travailler sur la question de l’autonomie financière.

Je pense que des politiques doivent être mises en place pour protéger financièrement les femmes qui font le choix d’élever leurs enfants. Il y avait autrefois l’allocation de salaire unique qui était une compensation financière du même ordre que le SMIC actuel. Elle était octroyée aux femmes au foyer, notamment quand la famille devait vivre avec un seul salaire.

Il faudrait donc remettre en place des politiques de ce type pour que les femmes qui souhaitent élever leurs enfants puissent le faire et les protéger par la suite, notamment en cas de séparation ou même de départ à la retraite. Tout ceci est à repenser dans le cadre d’une politique nataliste.

Vous prônez le retour d’une véritable politique familiale. Sur quels piliers s’appuierait la politique familiale que vous souhaitez ?

Elle s’appuierait déjà sur un élément qui devrait être défendu par les féministes : la possibilité de concilier le travail et la maternité. Encore une fois, le but n’est pas de renvoyer les femmes dans leur foyer à s’occuper des enfants, mais de pouvoir leur permettre de concilier facilement les deux.

On peut également imaginer des politiques visant à allonger le congé maternité et à augmenter le nombre de places en crèche. Étrangement, les féministes ne militent jamais en faveur de ces mesures, alors que la durée du congé maternité en France est ridicule par rapport à celle en vigueur chez nos voisins européens, et que beaucoup d’enfants se retrouvent sans mode de garde. La garde d’un enfant étant, par ailleurs, la condition première pour que la mère puisse retourner au travail.

On voit bien que les féministes ne cherchent pas à concilier travail et maternité et à permettre aux femmes de vivre mieux de manière générale. Tout ce qu’elles veulent, c’est qu’on cesse de faire des enfants.

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