Consacrée meilleure chef pâtissier du monde pour la troisième fois en novembre, Nina Métayer n’épargne pas ses efforts pour répondre à la multiplication des commandes que lui a valu son titre. Dès les premières heures de la nuit, son laboratoire d’Issy, la Délicatisserie, se met en route. Des centaines de pâtisseries seront confectionnées avant que le coq ne chante, et chacune recevra un soin et une dédication égale. Les pieds sur terre, le sourire aux lèvres, Nina Métayer cultive la technique, la passion et le goût des autres. Rencontre.
Epoch Times : Racontez-nous votre entrée dans le monde de la pâtisserie… Quel a été le premier pas ?
J’avais envie d’un métier artisanal, quelque chose où l’on fabrique quelque chose de ses mains, qui donne du plaisir aux gens. Et comme je suis une grande gourmande, j’avais envie de travailler autour de la nourriture. Au départ, je voulais faire du pain. Le pain, c’est vraiment quelque chose qui rassemble, on en mange matin, midi et soir. On mange du pain tout le temps. C’est quelque chose qui donne le sourire et qui rassemble tout le monde. Il n’y a pas d’âge. Mais je n’ai pas trouvé de travail à Paris. Personne n’a voulu m’embaucher. Et je me suis dit que c’était peut-être le moment d’apprendre la pâtisserie.
J’ai par la suite intégré le grand restaurant de Jean-François Piège, où là, c’est vraiment de la très haute gastronomie. J’y ai appris comment créer, comment donner du sens à mes créations. Il y avait une exigence extrêmement élevée, beaucoup de techniques à maîtriser. J’ai énormément appris.
Puis le café Pouchkin, une pâtisserie qui avait pour ambition d’ouvrir à l’étranger.
Ensuite, j’ai ouvert la Délicatisserie. C’est une boutique digitale. Les gens commandent en ligne et ensuite, récupèrent leurs commandes dans les différents points de collecte. L’idée est que l’on a un meilleur contact avec les clients pour l’explication des produits, cela nous permet aussi de n’avoir aucune perte, car nous ne produisons que ce que nous vendons. On a plus de budget pour choisir les ingrédients que l’on sélectionne, on a plus de temps pour le geste pâtissier.
J’aime beaucoup les gestes de l’artisan, par exemple le pochage. Cela prend beaucoup de temps de faire un gâteau, ce n’est pas simplement un moule qui fait le travail, ce sont vraiment ces gestes, qui demandent de l’entraînement et beaucoup d’expérience.
Vous avez reçu, pour la troisième fois au cours de votre carrière, le prix de meilleure pâtissière du monde. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Ce titre est extrêmement gratifiant. Je suis très reconnaissante et surtout, je suis très fière pour mes équipes. Parce que ce n’est pas un concours sur un dessert en particulier, c’est le travail du quotidien qui est récompensé. Et c’est une très belle reconnaissance, pour moi, mais surtout et aussi pour mes équipes. Puis cela nous a amené beaucoup de travail ! On a eu une affluence de commandes, c’est très bien. Mais il faut aussi savoir préserver les équipes, préserver les produits.
On aimerait pouvoir faire autant de gâteaux qu’il y a de demandes, mais je pense que cela ne va pas forcément être possible. On ne peut pas faire à l’infini, parce que nous ne sommes pas une usine, nous sommes des artisans. Nous utilisons de beaux produits, nous ne voulons surtout pas baisser en qualité.
Il faut garder un confort de travail puis une passion quand on fait des gâteaux au quotidien. Il ne s’agit pas de faire des gâteaux à la chaîne, mais de faire un gâteau comme on le fait pour sa maman ou pour son papa. À chaque gâteau, il doit y avoir la même passion.
D’après vous, quelles sont les qualités nécessaires pour se lancer en pâtisserie ?
Il faut le goût du travail bien fait. Il faut avoir une certaine exigence et une bienveillance envers soi-même quand il s’agit de faire des produits qui font plaisir aux gens. Il faut savoir se faire plaisir en les faisant. Il faut avoir une certaine force de travail aussi parce que c’est un métier d’artisan, donc c’est la répétition du geste, c’est l’expérience… Cela ne s’apprend pas dans les écoles, cela s’apprend en répétant le geste. Il faut aussi accepter les échecs et savoir rebondir, la lucidité est très importante. Et il faut surtout de la passion je pense, l’amour du travail bien fait.
Avez-vous une « Madeleine de Proust » parmi vos créations ? Un gâteau qui ravive un souvenir particulier ?
Ce serait l’île flottante exotique, le premier gâteau que j’ai créé à l’époque du Raphaël. Cette île réunit beaucoup de voyages et d’expériences que j’ai pu vivre avant de créer un dessert. J’ai eu beaucoup de retours positifs et c’était une grande fierté. Mais une Madeleine de Proust, ce serait aussi avec la galette des rois parce que j’ai beaucoup travaillé le feuilletage, j’ai beaucoup travaillé cette galette !
En terme de pâtisserie, j’ai tout travaillé : le tourage, le travail de la pâte, le travail de la farine, le travail du beurre — ce côté très technique du tourage — il faut plier les couches successives les unes sur les autres pour avoir un beau feuilletage. Puis c’est un gâteau qui réunit vraiment toute la famille. Il se partage, c’est un moment assez ludique, très convivial et j’aime beaucoup ce côté-là de ce gâteau.
Avec le recul sur votre carrière, voyez-vous des anecdotes, des leçons que vous aimeriez partager sur la confection de pâtisserie ?
Il y a une phrase dont je me souviendrai toujours : les petits détails font les grandes choses. C‘est très important, c’est une phrase que je garde toujours en moi. Quand il y a un doute sur une pâtisserie, si ce n’est pas parfait, il n’y a pas de doute, on recommence le travail.
Puis il faut surtout ressentir le produit. On apprend souvent que, pour faire une pâtisserie, il faut suivre une recette au gramme prêt. Aujourd’hui, je pense qu’à l’inverse de ce que j’ai pu apprendre, et en suivant les conseils de chefs de cuisine, il faut faire confiance à son instinct. Il faut apprendre à regarder ce qui se passe et ajuster sa recette en fonction du produit.
Comment trouvez vous l’inspiration pour vos créations pâtissières ?
Cela peut venir de n’importe où. Cela vient souvent de souvenirs… ou souvent d’une inclusion, c’est-à-dire que j’ai envie de faire une recette et cela va partir d’un fruit. Je réfléchis sur la façon dont j’aime le manger, je vais chercher à comprendre pourquoi les gens aiment ce fruit et comment essayer de lui laisser tout sa place.
C’est un peu comme un accord mets et vins, il faut essayer de trouver la bonne combinaison pour que toutes les saveurs se révèlent. Sinon cela peut partir d’une idée ou transmettre une certaine émotion. Quelle émotion cela va-t-il être ? est-ce une découverte ? est-ce quelque chose de réconfortant ? est-ce que c’est un dessert qui va se manger à plusieurs, un dessert que l’on dégusterait de préférence dans un restaurant gastronomique en fin de repas…? En fait le moment de dégustation et la façon dont cela sera fait va être très important.
Quand on déguste une pâtisserie, cela va beaucoup plus loin que le goût. Parce que manger une pâtisserie fait appel à la mémoire olfactive, une mémoire présente depuis que l’on est tout petit. Le sucre est présent depuis le très jeune âge. Il est associé à des moments de plaisir et à des moments de gourmandise, donc souvent de bons moments, la majeure partie du temps. Cela évoque des émotions. Quand on déguste un bon gâteau, certes il doit être bon, mais cela doit être plus que bon. Il doit y avoir une histoire, il doit y avoir un lien avec tous les ingrédients qu’on y trouve, cela doit faire appel à tous les sens. On a le craquant, le toucher, le bruit, la vue, l’odeur…
Cela doit entraîner tout les sens, la bouche doit être emplie de saveurs. Il faut avoir un peu d’acide, un peu d’amer, un peu de sel, un peu de sucre. Et à la fin d’un gâteau, il faut avoir le sourire aux lèvres.
En plus de créer des pâtisseries, vous voyagez beaucoup. Vous êtes également consultante. Quel est votre secret de réussite pour ce métier en tant que chef et entrepreneur ?
Je pense que le secret pour faire de bons gâteaux et être une bonne chef d’entreprise, c’est faire attention à l’humain. Ce sont les équipes qui produisent ces gâteaux au quotidien. Il faut prendre soin de cette équipe, il faut être gentil et bienveillant avec eux. C’est très important. Quand on a une bonne équipe, on va loin !
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