ENTRETIEN — Au travers de l’inhumation de Missak Manouchian au Panthéon, l’Élysée a souhaité faire « entrer la résistance communiste et étrangère » dans la nécropole laïque des « Grands Hommes ». Pour l’occasion, Emmanuel Macron a prononcé un discours présentant « l’idéal communiste » comme une valeur exemplaire, faisant ainsi « l’impasse sur les 100 millions de morts causés par cette idéologie meurtrière au cours du siècle dernier », dénonce l’avocat Gilles-William Goldnadel, qui déplore l’absence de scandale devant les déclarations du chef de l’État. Preuve selon lui de l’existence d’un « privilège rouge ».
Epoch Times : En début de semaine, Emmanuel Macron a brisé une longue tradition en accordant une interview à L’Humanité, le premier président de la République en exercice à le faire en cent vingt ans d’histoire du journal communiste. Si le chef de l’État classe seulement quelques cas individuels de la France insoumise dans le camp des « extrêmes », il soutient que le Rassemblement national en ferait a contrario structurellement partie. Comment interprétez-vous cette volonté de ramener le RN à ses origines tout en écartant la question des origines de L’Humanité, qui a soutenu Staline et un totalitarisme ayant causé des millions de morts ?
Gilles-William Goldnadel : Poser la question, c’est y répondre. Toute cette affaire est révélatrice de ce que j’ai coutume d’appeler le « privilège rouge ».
Je porte depuis bien longtemps le deuil de la façon dont L’Humanité est traité comme un journal ordinaire dans le paysage médiatique français, malgré son passé chargé de pages glorifiant les dictateurs communistes, comme en témoigne sa Une éplorée du 6 mars 1953 consacrée à la disparition du «grand Staline».
La décision du président de la République d’accorder une interview à L’Humanité pour la première fois de son histoire est encore plus consternante lorsqu’on la considère dans le contexte spécifique de cette célébration de la Résistance contre l’occupant nazi par la panthéonisation de Missak Manouchian. Il est important de rappeler qu’en juin 1940, ce même journal a publié, avec l’accord de la Kommandantur, une édition souhaitant la bienvenue aux soldats d’occupation allemands…
Comme si cela ne suffisait pas, Emmanuel Macron se permet de jeter le discrédit sur Marine Le Pen et le Rassemblement national en marquant son souhait de les mettre à l’écart de cette cérémonie d’hommage national. Cette volonté d’exclusion représente une discrimination envers un parti républicain qui n’a rien à se reprocher.
Je me suis plu à reconnaître que le RN a été l’un des plus grands défenseurs des juifs et des Israéliens à la suite des massacres récemment perpétrés par le Hamas et qu’il a été de ceux présents à la marche contre l’antisémitisme, contrairement aux Insoumis d’extrême gauche. Ce sont ces derniers que les familles juives endeuillées ont demandé à exclure de la cérémonie d’hommage aux victimes franco-israéliennes des attaques terroristes du 7 octobre.
Pour couronner le tout, lors de son discours à la mémoire de Missak Manouchian, Emmanuel Macron est allé jusqu’à rendre hommage à l’esprit du communisme. Par inconscience ou par ignorance, par duplicité ou par schizophrénie politique, il fait donc l’impasse sur les 100 millions de morts causés par cette idéologie meurtrière au cours du siècle dernier.
Autant dire que les mots me manquent pour exprimer tout le mal que je pense de la séquence que nous venons de vivre dans une relative passivité générale, signe révélateur de ce fameux privilège rouge.
Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron fait l’éloge du communisme. Dans une interview accordée au Parisien lors de la présidentielle de 2017, le candidat d’alors s’était qualifié de maoïste.
Avec Emmanuel Macron, plus rien ne m’étonne. Toutefois, ses déclarations sont marquées par leur manque caractéristique de sincérité. Lors de son discours d’hommage aux victimes israéliennes du 7 octobre, il a su trouver les mots justes en évoquant le plus grand massacre depuis la Shoah. Il semblait alors être dans son bon jour. Cependant, quelques jours auparavant, il était dans son mauvais jour. Cela m’a conduit à renoncer à me réjouir de ses moments d’apparente lucidité pour éviter toute déception ultérieure.
Sa parole est tellement ambiguë, tellement sujette à caution, qu’elle est devenue aussi instable que le dollar argentin. Dans ces conditions, est-ce que je ne m’emporte pas inutilement en réagissant à ses nouvelles déclarations ? Après tout, dans trois jours, il pourrait très bien affirmer, comme il en est tout à fait capable, que le communisme est la pire calamité de l’histoire humaine.
Dans son entretien avec Le Figaro, Stéphane Courtois, l’auteur du Livre noir du communisme, met en lumière deux aspects cruciaux concernant Missak Manouchian, au-delà de la tragédie de son destin et de celui de bien d’autres résistants sous l’occupation nazie. Tout d’abord, il explique que Missak Manouchian était un « modeste résistant » dont l’héroïsation a été largement façonnée par la propagande communiste. Ensuite, rappelant la devise du Panthéon, « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante », M. Courtois souligne que les communistes s’étaient engagés dans la Résistance non pas tant par patriotisme envers la France que par allégeance envers l’URSS, considérée comme leur « vraie patrie ». Comment interpréter alors la volonté de l’Élysée de rendre hommage, non pas tant à la Résistance dans son ensemble, que spécifiquement à « la résistance communiste » ?
Depuis longtemps, j’exprime mes doutes concernant certain choix de panthéonisation. Par exemple, le projet de panthéonisation de Gisèle Halimi, une figure qui était tout de même associée au FLN, ce même FLN qui était responsable de la mort de soldats français. Il devrait être possible de trouver des héros à panthéoniser qui suscitent moins de controverses et plus de consensualité dans notre société.
J’ai lu avec intérêt l’interview de Stéphane Courtois. Il est en effet souligné que Manouchian n’était pas un résistant de premier plan. En raison de son manque d’expérience, il a même conduit les Allemands vers ses supérieurs. De plus, il est mentionné que son combat était davantage celui des communistes qui avaient rompu avec les nazis à partir de 1941 et que l’importance de Manouchian a été exagérée par le Parti communiste de l’époque, en partie pour dissimuler l’implication de communistes juifs dans la Résistance.
Ces points d’histoire étant rappelés, je préfère malgré tout penser que ce résistant communiste est mort pour la France. Qu’on le veuille ou non, il a combattu les nazis. En outre, il demeure un symbole fort de résistance, de courage et de dévouement pour le peuple arménien que j’admire.
Dans son discours, Emmanuel Macron a souligné le fait que Missak Manouchian avait été imprégné des idées des Lumières, avant de louer son idéal communiste. Traditionnellement, Voltaire est considéré comme le père des Lumières. Or, Voltaire était profondément libéral dans le sens traditionnel du terme, ce qui signifie qu’il était opposé au socialisme. En témoigne la lettre qu’il a adressée à Rousseau en 1755, en réponse à son Discours sur l’origine des inégalités, qui promouvait des théories socialistes : « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. » Le discours d’Emmanuel Macron révèle-t-il selon vous sa mauvaise compréhension du courant des Lumières ?
Absolument. Ce que nous observons ici est une distorsion incroyable de la vérité, qui est effectivement digne du communisme lui-même, tant cela témoigne d’un degré de sottise politique et de distorsion des faits.
Quoi de plus éloigné du libéralisme, économiquement et philosophiquement, que le communisme ? Quoi de plus éloigné de la lumière d’une humanité rayonnante que l’ombre et la noirceur du communisme rouge ? Rien. Cette tentative de réhabiliter, sinon le communisme en tant que système, du moins l’idéal communiste, est tout simplement monstrueuse. Imaginez un instant qu’une personne située à l’extrême droite glorifie le national-socialisme en affirmant qu’il n’a rien à voir avec le nazisme. Sa réputation sociale serait justement et irrémédiablement détruite. La réalité est là.
L’interview accordée à L’Humanité et le discours laudatif du président Macron sur l’idéal communiste sont outrageux et outrageants. Mais au-delà de sa personne, le véritable scandale, c’est qu’il n’y ait pas eu de scandale. Et c’est précisément ce que j’appelle le « privilège rouge ».
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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