Les opposants à la généralisation du système d’identification numérique en Australie mettent en garde contre les risques d’abus et d’atteintes aux libertés individuelles qu’elle pourrait entraîner, à l’instar de la Chine à la merci du Parti communiste chinois (PCC).
Pour l’heure, l’utilisation de l’identification numérique en Australie, le « myGovID », est facultative, sauf pour ceux qui souhaitent créer une entreprise. Elle a été mise en place pour les services publics de l’État fédéral, tels que les impôts, la protection sociale, la santé, l’éducation ou les services sociaux.
Pour s’inscrire, il faut fournir plusieurs pièces d’identité, telles qu’un passeport, ou un permis de conduire.
Mais pour le professeur émérite John Hartnett, chercheur en physique spécialisé dans les oscillateurs saphir cryogéniques (ou « horloges cryogéniques ») utilisés par l’Agence spatiale européenne et l’armée australienne, ce système d’identification n’est pas à l’abri des dérives.
Selon lui, si l’accès aux services publics est totalement contrôlé par l’État via un système ergonomique d’identification, dans un schéma pessimiste, les risques d’abus de pouvoir sont bien plus probables.
« L’identification numérique conduira rapidement à une dictature numérique à l’intérieur d’une prison numérique », a déclaré le Pr Hartnett lors de la conférence intitulée Construire la prison numérique organisée par la Civilisationists and Western Australian Legal Theory Association à Perth, en Australie, le 12 octobre.
Selon le Pr Hartnett, subordonner l’accès aux divers services publics à un identifiant numérique implique que l’État ait techniquement autorité pour décider quels services publics un individu peut ou ne peut pas utiliser.
« [Les gens pourraient être] contrôlés par ce genre de technologie à laquelle s’ajouterait une note attribuée à chaque personne. Si on ne se comporte pas correctement, la note chute au point qu’on ne peut plus débloquer aucun service, comme acheter à manger ou voyager. »
« Il suffit de regarder la Chine aujourd’hui, avec son système de crédit social. »
Le gouvernement australien, très ouvert à l’identification numérique
Le gouvernement australien a une opinion très positive de l’identification numérique. Il y voit un moyen de dépasser la diversité des connexions à ses services de façon sécurisée. L’identification numérique vise à « rendre les choses plus rapides et plus faciles pour l’État ».
D’ici 2024, plus de 600 millions de dollars australiens (385 millions d’euros) auront été investis dans ce système.
L’objectif est qu’il soit globalement adopté par le secteur public, mais aussi dans certains domaines du secteur privé, notamment les banques et les fournisseurs d’eau ou d’électricité. On prévoit également d’inclure les données faciales des utilisateurs afin de vérifier leur identité à partir d’un scan uniquement.
Le gouvernement australien déclare sur son site Web :« La création et l’utilisation d’une identité numérique n’est pas obligatoire et c’est vous qui choisissez. » Mais le Pr. Hartnett est loin d’être convaincu.
Il doute que cela reste facultatif à terme.
« Pour l’instant, on s’y inscrit volontairement. Mais c’est le procédé habituel par lequel tous les mécanismes obligatoires sont introduits. »
Epoch Times a contacté la Digital Transformation Agency, le département responsable de myGovID. Il s’agissait de s’enquérir si le gouvernement envisageait réellement de laisser ce système facultatif. Le journal n’a pas reçu de réponse à l’heure de la publication.
Le système d’identification nationale et de crédit social en Chine
Certaines des inquiétudes du Pr Hartnett sont déjà très réelles en Chine.
Richard Lue, spécialiste des technologies de l’information et ancien résident chinois, explique que chaque citoyen chinois reçoit une carte d’identité nationale numérique, sur laquelle figurent les informations de base, ainsi que la photo et les empreintes digitales. Récemment, le gouvernement chinois a encouragé la communication de son ADN en donnant un échantillon de son sang, ce qui n’a pas manqué de créer la polémique.
« [Sans cette carte d’identité numérique], vous ne pouvez pas travailler, vous ne pouvez pas avoir de permis de conduire, vous ne pouvez rien faire », a déclaré M. Lue lors de la conférence.
L’Australie a déjà envisagé la création d’une carte d’identité nationale qui devait fusionner tous les systèmes d’identification sous le gouvernement travailliste Hawke en 1985, connue sous le nom d’ « Australia Card ». Le projet a toutefois été abandonné en 1987 après une opposition parlementaire répétée.
Aujourd’hui, en Chine, la carte d’identité nationale numérique est requise pour réserver un taxi, prendre un vol intérieur, créer un numéro de téléphone, ouvrir un compte bancaire, créer un compte sur les réseaux sociaux ou faire des achats en ligne.
Cependant, la capacité d’un résident chinois à utiliser ces services peut être compromise en fonction de sa note de crédit social.
Beaucoup de choses peuvent entraîner une chute de la note de crédit social, a fait valoir M. Lue. C’est le cas si on commet une infraction au code de la route, par exemple, ou si on exprime une opinion négative sur le Parti communiste chinois.
« Ainsi, le système de crédit social implique qu’on peut se voir refuser un prêt de la banque, refuser un emploi dans le service public. »
Inquiétudes face à une implication excessive de l’État
Augusto Zimmermann, ancien commissaire à la réforme du droit en Australie‑Occidentale qui dirige le Département du droit au Sheridan Institute of Higher Education, s’est déclaré inquiet face à cette nouvelle carte d’identité numérique et face à l’implication croissante de l’État australien dans la vie de ses citoyens.
Le Pr Zimmermann a attiré l’attention sur myGov, le portail en ligne pour les impôts, la santé et d’autres services publics. Le portail gère et stocke déjà des quantités énormes de données personnelles, il est obligatoire pour certaines opérations, comme la déclaration d’impôts en ligne.
« Le gouvernement est déjà en train d’envahir la vie privée des gens », a déclaré le Pr Zimmermann à Epoch Times le 17 octobre.
« J’ai été horrifié de voir que même mes examens médicaux et tout ce qui concerne ma vie privée, qui ne devrait jamais être à disposition du gouvernement, avait déjà été rassemblé par les autorités ici. »
Pour ce qui touche à l’identification numérique, le Pr Zimmermann estime que « le gouvernement doit rester complètement en dehors de cette affaire ».
« Je me sentirais moins inquiet… [si le gouvernement n’était pas] en train de concevoir un moyen qui risque de rendre impossible toute transaction financière sans qu’elle soit surveillée électroniquement, ou qui pourrait rendre impossible tout voyage à l’étranger ou dans un autre État [fédéral australien] sans avoir été [au préalable] identifié », a‑t‑il déclaré.
Un certain nombre d’organisations et de gouvernements de par le monde ont déjà exprimé leur soutien et leur enthousiasme pour l’identification numérique.
C’est notamment le cas du Forum économique mondial avec son initiative Known Traveller Digital Identity (KTDI), que le Canada et les Pays‑Bas se proposent d’adopter en tant que pionniers.
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