En 2000, après des décennies d’hésitation, Jogdas fuyait en Inde pour échapper aux persécutions qu’il subissait en tant qu’hindou au Pakistan. Les camps de réfugiés du Rajasthan n’étaient pas le destin dont il avait tant rêvé.
Soixante-dix ans après la dislocation de l’Inde et du Pakistan, « pour nous, la Partition n’est toujours pas finie », constate cet octogénaire à la longue barbe blanche, assis sur le lit de cordes de sa cabane en périphérie de la ville de Jodhpur (ouest de l’Inde).
En août 1947, le démantèlement de l’empire britannique des Indes donnait naissance dans la douleur à deux nations distinctes, l’une à majorité hindoue et l’autre à majorité musulmane, et déclenchait l’un des plus gros déplacements de populations de tous les temps.
En ce début de XXIe siècle, des hindous continuent de migrer du Pakistan à l’Inde. Des dizaines de milliers d’entre eux atterrissent dans des camps de cahutes miséreuses éparpillés à travers le Rajasthan, sans droit de travailler, victimes de la suspicion des autorités. Pour beaucoup, le labeur dans les carrières de pierres est le seul moyen de survie.
« Pas de travail, pas d’argent, pas de nourriture. Là-bas, nous travaillions dans les champs, nous étions fermiers. Mais ici les gens comme nous sont forcés de casser des pierres pour gagner leur vie », explique Jogdas, qui comme beaucoup d’habitants d’Asie du Sud n’a qu’un seul nom.
La Partition de 1947 avait jeté sur la route près de quinze millions de déplacés hindous, musulmans et sikhs. Entre 200 000 et deux millions de personnes ont péri dans les violences engendrées par les croisements de ces flux humains.
Malgré cet exode, les hindous restent une des plus importantes minorités religieuses du Pakistan, où vivent environ 200 millions de personnes. Nombre d’entre eux disent y être confrontés à des discriminations ou même des risques d’enlèvements, de mariages forcés ou de viols.
« Peu après la Partition, le harcèlement a débuté », raconte Jogdas. À peine quelques mois auparavant, sa famille avait déménagé dans ce qui allait devenir territoire pakistanais en raison d’une sécheresse dévastatrice.
« Il n’y a pas eu un seul jour où nous avons pu vivre en paix. Je voulais retourner en Inde pour vivre avec mes frères hindous », se lamente cet homme qui croupit dans le camp de Jodhpur depuis 17 ans.
Espoirs déçus
La plupart de ces migrants en Inde proviennent de la province pakistanaise du Sindh (sud) et effectuent le voyage en train depuis la mégalopole de Karachi à travers l’aride désert du Thar.
Qu’ils partagent une culture, une langue et une gastronomie proches du Rajasthan aurait dû les aider à s’intégrer. Cependant, à l’arrivée, l’Inde se révèle bien loin de la terre promise qu’ils fantasmaient.
« Il n’y a aucune aide du gouvernement. Nous sommes comme du bétail sans propriétaire. Nous survivons par nous-mêmes », lance Khanaramji, 64 ans, arrivé en Inde en 1997 et naturalisé en 2005.
À l’en croire, plusieurs de ses coreligionnaires désillusionnés par l’Inde ont abandonné et choisi de retourner au Pakistan.
Le gouvernement du nationaliste hindou Narendra Modi veut faciliter l’accueil des hindous persécutés venus trouver refuge en Inde. L’année dernière, il a autorisé les migrants à postuler à la citoyenneté indienne dans l’État où ils résident plutôt que d’avoir à passer par le gouvernement central.
Les hindous du Pakistan sont éligibles à une procédure de naturalisation accélérée et peuvent obtenir leur passeport indien au bout de sept ans sur le territoire. Mais dans la réalité, les retards bureaucratiques allongent significativement ce délai.
Au-delà de la misère, la méfiance des autorités envers les réfugiés, à l’image de la paranoïa nationale envers tout ce qui est lié de près ou de loin au Pakistan, aggrave encore leur condition.
« Ceux qui n’ont pas la citoyenneté sont harcelés par les services (de renseignement). Ils sont toujours traités comme des suspects et des agents du Pakistan », décrit Khanaramji.
« Ce qu’ils gagnent, ils le dépensent pour aller au commissariat de police ou dans les services administratifs. »
Hindu Singh Sodha, qui gère une ONG venant en aide aux réfugiés hindous du Pakistan, dit avoir placé beaucoup d’espoirs en Narendra Modi lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2014. Il a été cruellement déçu.
Les migrants ressentent dans leur vie quotidienne les regains de tensions récurrents entre l’Inde et le Pakistan, particulièrement fréquents depuis un an et demi. À ces périodes, « leur vie devient un enfer », explique-t-il.
Mais pour certains réfugiés, malgré toutes les épreuves, l’exil vaut quand même le coup.
Horoji, 65 ans, et ses deux fils adultes ont fui le Pakistan il y a deux ans après avoir reçu des menaces de mort de la part d’une famille de voisins musulmans.
« Mon grand-père nous avait dit de partir en Inde lorsque le temps serait venu. Il avait senti que le futur ne serait pas sûr pour les hindous » au Pakistan, confie-t-il.
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