La Première ministre Élisabeth Borne a appelé jeudi les agro-industriels à faire un effort dans le cadre de renégociations avec les supermarchés dans le but de faire baisser les prix en rayons, face à une inflation alimentaire toujours galopante.
Elle espère que les industriels vont « répercuter » la baisse de leurs coûts de production et que « des baisses concrètes, tangibles » des prix auront lieu « d’ici la fin du mois de juin » dans les rayons des supermarchés.
De quoi est-il question ? Chaque année, les supermarchés négocient avec leurs fournisseurs industriels – de la petite PME produisant des confitures, à la multinationale qui vend du shampoing ou de l’eau en bouteille – les conditions auxquelles ils leur achèteront, pour l’année à venir, les produits à mettre en vente dans leurs magasins.
Répercuter les baisses des prix des matières premières
Les négociations portant sur l’année 2023, achevées le 1er mars, ont abouti à une hausse moyenne d’environ 10% des prix payés par les supermarchés aux industriels. Ces derniers réclamaient depuis des mois des hausses de tarifs pour tenir compte de l’augmentation de leurs coûts de production (énergie, transports, matières premières, emballages…).
Mais depuis, le coût de nombreuses matières premières agricoles ou de l’énergie a eu tendance à se stabiliser, voire à baisser, et le gouvernement a demandé aux supermarchés et à leurs fournisseurs de se remettre au plus vite autour de la table des négociations. « Maintenant, on attend des industriels qu’ils puissent répercuter ces baisses des matières premières dans les prix qu’ils proposent à la grande distribution », a déclaré Élisabeth Borne.
Début avril, en réponse à un courrier émanant du ministre de l’Économie Bruno Le Maire et de la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire demandant déjà aux industriels de rouvrir au plus vite ces négociations, la plus importante fédération d’industriels de l’alimentaire, l’Ania, avait expliqué à l’AFP que ces renégociations étaient « prévues déjà dans les contrats », qui comportent des « clauses de renégociations ou de révisions ». Celles-ci prévoient une renégociation, à la condition que les baisses de prix soient « avérées et objectivées pour les entreprises », poursuivait-elle.
Prudence du secteur quant à un ralentissement de la flambée des prix
Mardi, le médiatique président du comité stratégique des centres E.Leclerc, leader des supermarchés en France, Michel-Edouard Leclerc, avait assuré sur BFM avoir « commencé » à renégocier sur les achats « pour l’automne ». « Au second semestre, on va casser l’inflation », assurait-il, tout en avertissant que la hausse des prix « allait continuer jusqu’à l’été, jusqu’aux 20% ». Mais dans son ensemble, le secteur reste prudent quant à un ralentissement de la flambée des prix.
Interrogé mardi, le directeur exécutif Finances et Gestion du N.2 du secteur Carrefour, Matthieu Malige, a indiqué que s’il était « difficile de donner des perspectives pour la suite », il « observe une inflation qui continue à augmenter de mois en mois » à l’heure actuelle.
Niveau d’inflation de la Seconde guerre mondiale
Selon des experts de la consommation, il faut remonter à la Seconde guerre mondiale pour retrouver un tel niveau d’inflation dans les rayons des supermarchés, mesuré en France en mars à 15,9% sur un an (après 14,8% en février). La situation actuelle bouscule en profondeur les habitudes de consommation des Français et accroît les difficultés financières d’un certain nombre de ménages. Certains se reportent sur les produits dits de « marque distributeur » voire « premiers prix »; d’autres se tournent vers des enseignes perçues comme étant moins chères; certains consomment moins de produits frais qu’auparavant…
« Les plats se font plus roboratifs, à base de pâtes, de riz, d’œufs, et contiennent de moins de moins de protéines animales », explique dans une étude récente Gaëlle Le Floch, spécialiste du panéliste Kantar. Le rayon poissonnerie, au même titre que la viande, est de plus en plus souvent évité par les clients. Dans certains foyers, on saute des repas, poursuit-elle.
Si les plus exposés à ces hausses de prix sont ceux où les revenus sont les moins importants, le spécialiste de la consommation NielsenIQ précise que la « déconsommation » – la réduction du volume de produits achetés – « ne se limite plus uniquement aux foyers les plus modestes de France ».
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