La justice en Iran a annoncé mardi la condamnation à mort d’un opposant autrefois exilé en France et la confirmation d’une peine de cinq ans de prison contre une chercheuse franco-iranienne, au risque de s’attirer de nouvelles accusations de violations des droits humains et de procès « politiques ».
L’opposant, Rouhollah Zam, est accusé d’avoir joué un rôle actif dans les manifestations contre le pouvoir en 2017-2018 en Iran. Les Gardiens de la Révolution, armée idéologique du régime, avaient annoncé son arrestation en octobre 2019 sans préciser de lieu ou de date, l’accusant d’être « dirigé par le renseignement français et soutenu par ceux d’Amérique » et d’Israël.
Il disposait du statut de réfugié en France et était à la tête d’un canal sur la plateforme de messagerie cryptée Telegram, intitulé Amadnews. A la demande de l’Iran, Telegram avait fermé Amadnews –qui comptait alors près de 1,4 million d’abonnés– en accusant ce canal d’incitation à la « violence ».
Appel devant la Cour suprême
« Le tribunal a considéré que les 13 chefs d’accusation équivalaient au chef d’accusation ‘corruption sur terre’ et a donc prononcé la peine de mort », a indiqué le porte-parole Gholamhossein Esmaïli, cité par le site officiel Mizan Online. « Ce verdict peut faire l’objet d’un appel devant la Cour suprême. »
« Corruption sur terre » est l’une des charges les plus graves prévues par le code pénal iranien.
A l’ouverture de son procès à huis clos en février en sa présence, l’opposant a été surtout accusé de « délits contre la sécurité intérieure et extérieure du pays », « espionnage au profit du service de renseignement français » et insulte « au caractère sacré de l’islam ».
Jugement inhumain et inacceptable
Reporters sans Frontières (RSF) a demandé « l’annulation d’un jugement inhumain et inacceptable ». M. Zam était réfugié en France depuis 2011, selon l’ONG basée à Paris.
Il s’était rendu en Irak durant l’automne 2019 pour des raisons inconnues, mais n’en est jamais revenu, ont indiqué sa femme et RSF.
Des ONG appellent souvent à la libération de ce qu’elles considèrent des « prisonniers politiques » et de « conscience ». Téhéran nie ces accusations.
Le porte-parole de la Justice a en outre fait état de la confirmation par la cour d’appel de la peine de cinq ans de prison pour la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah. Celle-ci devra la purger en comptant la période de détention depuis son arrestation en juin 2019, selon lui.
L’anthropologue a été condamnée en mai dernier à cinq ans de prison pour « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale » ainsi qu’à un an pour « propagande contre le système » politique d’Iran. Elle doit purger seulement la peine la plus longue.
L’accusation de « propagande contre le système » se réfère à des propos de la chercheuse sur le port du voile obligatoire en Iran.
Mme Adelkhah a toujours clamé son innocence
La France avait alors condamné un verdict « politique » et réclamé une libération « immédiate » de Mme Adelkhah et « un accès consulaire ». L’Iran ne reconnaît pas la double nationalité.
Cette spécialiste du chiisme a toujours clamé son innocence. A 61 ans, elle a été très affaiblie par une grève de la faim de 49 jours entre fin décembre et février, selon son avocat Saïd Dehghan.
Son compagnon, Roland Marchal –arrêté en juin 2019 alors qu’il venait lui rendre visite à Téhéran et également chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris– a été relâché fin mars. Téhéran avait alors évoqué un échange avec un ingénieur iranien, détenu en France et menacé d’extradition vers les Etats-Unis.
Fariba Adelkhah détenue pour des raisons politiques
« Fariba Adelkhah est détenue arbitrairement depuis bientôt 400 jours et condamnée pour des raisons strictement politiques », selon le comité de soutien de la Franco-iranienne.
Les arrestations d’étrangers en Iran, notamment des binationaux, souvent accusés d’espionnage, se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien et le rétablissement de sévères sanctions américaines contre Téhéran.
Ces derniers mois, l’Iran a procédé à plusieurs échanges de prisonniers avec des pays détenant des ressortissants iraniens condamnés, en attente de procès, ou menacés d’extradition vers les Etats-Unis.
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