Un propriétaire de la ville de Chengdu s’est retrouvé sous la surveillance constante de sa société de gestion immobilière, une situation assez contrariante. Toujours plus de citoyens prennent conscience que la vie privée est un luxe en Chine communiste, où ils n’ont pratiquement aucun droit civique.
Jimu, un organe de presse de la province du Hubei, a récemment révélé deux incidents survenus à Chengdu, capitale du Sichuan.
En mars 2021, Liu Yue (pseudonyme) faisait des courses près de chez lui lorsqu’un inconnu, un passant, s’est approché pour lui dire : « Les gestionnaires immobiliers vous surveillent 24 heures sur 24. Vous devez prendre des précautions et vous protéger. »
M. Liu était perplexe. Il ne connaissait pas cet individu.
Quelques mois plus tard, un agent de sécurité du quartier lui a confié qu’il voyait souvent des photos de lui circuler sur un groupe WeChat. M. Liu était surveillé.
Cette fois, M. Liu a pris tout cela plus au sérieux. Il a alors remarqué que des agents de sécurité pointaient leur téléphone portable vers lui. Lorsque M. Liu les regardait, les agents mettaient immédiatement leur téléphone de côté.
En avril de cette année, un gestionnaire immobilier sur le départ a fourni à M. Liu des preuves de sa surveillance – un grand nombre de captures d’écran et de vidéos WeChat.
M. Liu a dès lors pris conscience qu’il était surveillé par différents gestionnaires immobiliers depuis plus d’un an.
Les gestionnaires immobiliers avaient créé un groupe WeChat pour partager des informations sur lui notamment. Lorsque l’un d’entre eux le filmait avec la caméra de son téléphone, les images étaient diffusées en temps réel sur le groupe de discussion. L’heure où M. Liu quittait son domicile, le moment qu’il choisissait pour promener son chien, l’ascenseur qu’il prenait, le lieu où il rencontrait son amie et le restaurant où il se rendait… toutes ces informations étaient transmises à un gestionnaire immobilier nommé M. Chen.
Dans une des captures d’écran transmises, une photo le montrait en train de consulter son téléphone portable. Les responsables du groupe de discussion se plaignaient de la résolution insuffisante de l’écran. lls ne pouvaient pas voir le contenu de l’écran.
Lorsqu’il a compris qu’il était surveillé, rentrer chez lui est devenu un fardeau. Il a expliqué à Jimu qu’il se préparait mentalement avant de rentrer dans son complexe résidentiel. Il devait se couvrir le plus possible lorsqu’il sortait, rentrer le plus tard possible et s’abstenir d’inviter des amis dans son appartement.
Le mois dernier, M. Liu a atteint ses limites et a décidé de dénoncer la situation à la police.
Il a appris que plusieurs résidents étaient également surveillés. Zhao Mei, une résidente, faisait partie de ces personnes.
Après quelques recherches, Mme Zhao a appris en août que les gestionnaires immobiliers la surveillaient. Ils savaient quand elle quittait ou entrait dans le quartier, où elle allait dîner ou faire des courses, et quand sa famille venait lui rendre visite, car leurs caméras de surveillance la suivaient lorsqu’elle se trouvait dans un lieu public. Comme dans le cas de M. Liu, les administrateurs de biens discutaient et se moquaient de ses moindres faits et gestes sur le groupe WeChat.
Mme Zhao a signalé les faits à la police fin septembre.
Mme Zhao a déménagé ses affaires de son appartement. Elle n’ose pas y retourner et y vivre et envisage de le vendre, même à perte.
« Le fait d’être surveillé en permanence me met très mal à l’aise. Je me sens en danger », a déclaré Mme Zhao à Jimu.
En ce qui concerne les raisons de leur surveillance, M. Liu et Mme Zhao ont expliqué qu’ils s’étaient tous les deux plaints, estimant que les frais de gestion de la propriété étaient trop élevés et que le service était insatisfaisant. Ils ont tous deux tenté de créer un comité de propriétaires, mais sans succès. Ils soupçonnent la société de gestion immobilière d’exercer des représailles en raison de leurs plaintes.
La société de gestion immobilière a fait savoir qu’elle avait mis en place une équipe spéciale pour s’occuper de l’affaire. Le directeur, M. Chen, a été suspendu et fait l’objet d’une enquête policière.
Un avocat du nom de M. Wang, de Shijiazhuang, dans la province du Hebei, a déclaré à Epoch Times le 11 novembre que l’objectif initial des sociétés de gestion immobilière était de fournir des services aux propriétaires. Aujourd’hui, elles font évitent de remplir leur fonction et surveillent les propriétaires, ce qui constitue une violation des règles de gestion immobilière et de l’éthique professionnelle.
« Bien que les photos et vidéos aient été prises dans des lieux publics, elles ont permis de rendre publiques les informations privées des propriétaires au sein du groupe. Ces informations sont considérées comme une atteinte à la vie privée. Cependant, l’atteinte à la vie privée n’est pas une infraction pénale en Chine, mais peut uniquement donner lieu à un procès civil, comme demander une compensation et des excuses ou invoquer un traumatisme émotionnel », a expliqué M. Wang.
Aucun respect de la vie privée en Chine
La « vie privée » est un concept sans valeur en Chine communiste. Selon la loi relative aux sanctions imposées par l’administration de la sécurité publique, toute personne qui épie, photographie secrètement, écoute ou diffuse les informations privées d’un tiers est passible d’une peine de détention pouvant aller jusqu’à 5 jours ou d’une amende pouvant atteindre 500 yuans (environ 70 euros). Dans les cas les plus graves, il ou elle encourt une peine d’emprisonnement de 5 à 10 jours et une amende pouvant atteindre 500 yuans.
Dans de nombreux cas, les fonctionnaires chinois violent ouvertement la vie privée des citoyens. Au cours des mois d’avril et mai de cette année, la ville de Shanghai a été placée sous confinement pour freiner la transmission du Covid‑19. Les autorités de Shanghai ont soutenu que « la désinfection des foyers était un élément important pour la prévention et le contrôle de l’épidémie ». Certains agents de prévention des épidémies ont donc demandé aux propriétaires transférés dans des sites de quarantaine de remettre les clés de leur maison, et ont ordonné au personnel d’entrer dans les maisons pour procéder à une prétendue « désinfection ». Un grand nombre de ces vidéos sont devenues virales sur Internet, provoquant l’indignation.
Tong Zhiwei, professeur de droit à l’Université de l’Est de sciences politiques et de droit, a publié un article sur les médias sociaux le 8 mai, affirmant qu’« aucune organisation à Shanghai n’a le droit d’obliger les gens à remettre les clés de leur maison aux [autorités] et [à] entrer dans leur maison pour la désinfecter ». Les fonctionnaires qui ont donné de tels ordres ont commis le crime d’ « intrusion illégale dans les maisons des citoyens ».
Son article a été immédiatement bloqué par les autorités. Tous ses comptes de médias sociaux ont été suspendus.
Le régime a également porté atteinte à la vie privée des citoyens en dehors de l’épidémie. Bitter Winter, un magazine consacré aux violations des droits de l’homme en Chine, a rapporté qu’un certain nombre de propriétaires de Hangzhou, dans la province du Zhejiang, avaient reçu des instructions des services de police leur demandant d’installer des caméras de surveillance dans les appartements qu’ils louaient, afin de « prévenir les cambriolages ». La police a exigé que les caméras soient installées dans le salon, face à la porte d’entrée. Les logements loués sans caméra de surveillance se verront interdire la poursuite de leur activité. La police procède également à des inspections ponctuelles sur place et inflige des amendes aux contrevenants.
Construire le totalitarisme numérique
En 2019, le fournisseur britannique de services d’information IHS Markit prévoyait qu’à la fin de l’année 2021, le monde compterait environ 1 milliard de caméras de surveillance, dont 54% en Chine. Autrement dit, 540 millions caméras de surveillance installées pour une population de 1,46 milliard d’habitants. Soit 372,8 caméras pour 1000 personnes.
Il s’agit d’une estimation relativement prudente. Selon IHS Markit, la Chine compterait 626 millions caméras de surveillance en circuit fermé, soit 432,2 pour 1000 habitants.
Les estimations sont basées sur le nombre total d’habitants en Chine. En réalité, la présence de caméras de surveillance en circuit fermé pour 1000 habitants serait plus élevée dans les zones urbaines.
Le 13 octobre, le Montreal Institute for Genocide and Human Rights Studies (MIGS) au Canada a organisé une soirée à l’occasion du lancement d’un livre intitulé Surveillance State : Inside China’s Quest to Launch a New Era of Social Control [L’État de la Surveillance : au cœur de la nouvelle ère de contrôle social en Chine].
Selon les deux auteurs, le PCC a établi une base de données au niveau de l’État qui sert de socle au totalitarisme numérique. Grâce à la technologie numérique, au cloud et à d’autres moyens, le régime connecte sa base de données aux documents d’identification des citoyens, aux données de reconnaissance faciale, aux empreintes digitales et à l’historique des voyages personnels pour établir de nouveaux mécanismes de contrôle. Ensuite, les autorités peuvent suivre tous les produits électroniques tels que les téléphones portables et les ordinateurs, surveiller les messages privés, supprimer en quelques secondes ceux qui leur sont défavorables et localiser avec précision la personne qui a posté ces messages. Pendant la pandémie de Covid‑19, les autorités ont étendu leur surveillance à l’ensemble de la population, 24h/24, grâce à une application « code santé » pour téléphone portable La pandémie a marqué le début d’une « nouvelle ère » de surveillance pour le PCC.
Dans une interview accordée à Epoch Times le 11 novembre, l’écrivain indépendant Zhuge Mingyang a déclaré : « La Chine est une véritable prison, avec des ‘yeux’ braqués sur vous partout. »
Kane Zhang a contribué à cet article.
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