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La Chine veut « découpler » l’Europe des États-Unis, selon un parlementaire

avril 9, 2023 6:08, Last Updated: avril 12, 2023 7:30
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Les dirigeants européens ont compris que, face aux tensions qui divisent la Chine et les États-Unis, ils auront besoin de tous leurs efforts pour rester maîtres de leur avenir. Selon Reinhard Butikofer, membre allemand du Parlement européen, les Chinois cherchent constamment à créer des divergences entre l’Europe et les États-Unis.

De leur côté, si les dirigeants de l’Union européenne ont bien saisi la menace que pose la Chine communiste, ils ne veulent pas pour autant instaurer un découplage total des relations sino-européennes, comme le souhaitent les Américains.

Selon le parlementaire allemand la plupart des Européens adhèrent à la stratégie énoncée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a appelé au « de-risking », ou à la réduction des risques. Selon cette stratégie, les investissements chinois en Europe doivent faire l’objet d’un examen plus minutieux, mais ils n’estiment pas le régime chinois doive pour autant être complètement tenu à l’écart. Il s’agit également pour l’Europe de chercher à développer ses relations commerciales et diplomatiques avec toute puissance intermédiaire qui ne souhaiterait pas être prise au piège des tensions sino-américaines.

« Cela correspond assez bien au point de vue général des Européens », a déclaré M. Butikofer lors d’une discussion le 3 avril au Conseil atlantique, un groupe de réflexion basé à Washington.

« L’idée n’est pas de se découpler. Il s’agit de continuer à développer les relations [avec la Chine] tout en faisant attention à ne pas devenir perdant. »

Alors même que le régime communiste de Pékin cherche à « creuser un fossé » entre l’UE et les États-Unis selon son expression, M. Butikofer estime que les deux grandes puissances mondiales devront chacune faire des efforts et ne pas entraîner l’Europe dans leur rivalité. Il espère au contraire que l’Union européenne sera reconnue comme une puissance à part entière.

Ce ne sont pas seulement ces deux puissances dont l’avenir est en train de se jouer, a-t-il déclaré.

« Il ne s’agit pas juste d’un jeu entre deux acteurs majeurs, où tous les autres seraient mis à leur place et attendraient qu’on leur dise [quoi faire]. »

« Il serait constructif de la part de Washington d’éviter de tenir des propos semblables à ceux que nous entendons constamment de la part de Pékin, à savoir qu’il n’y aurait que ces deux puissances ».

La Chine veut définir un nouvel ordre mondial

Les commentaires de M. Butikofer sont venus à point nommé avant la visite à Pékin, le 4 avril, de Mme von der Leyen et d’Emmanuel Macron.

Selon Colleen Cottle, directrice adjointe du Global China Hub de l’Atlantic Council, le dirigeant du Parti communiste chinois (PCC) Xi Jinping aura profité de cette rencontre pour redorer son image de décideur international et pour éloigner l’UE des Etats-Unis.

« C’est une opportunité qui lui est offerte de continuer à jouer un rôle d’homme d’Etat international », dit-elle. 

« Cela fait partie de sa vision stratégique qui vise à définir un nouvel ordre mondial ».

Selon elle, Xi Jinping doit probablement voir en la stratégie de réduction des risques de Mme von der Leyen le signe d’un rapprochement en direction des États-Unis, et il essaiera sans doute de creuser un fossé entre les États-Unis et l’Europe, ainsi qu’entre les puissances européennes elles-mêmes.

« Il y voit sans doute un rapprochement avec la position américaine », ajoute-elle.

Xi Jinping et Vladimir Poutine s’accordent sur un nouvel ordre mondial

Cette visite intervient environ 13 mois après la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie, et l’onde de choc qu’elle a provoqué parmi les Européens inquiets du risque d’une nouvelle guerre mondiale.

La Chine communiste est ainsi devenue une priorité stratégique incontournable pour l’Europe, le régime chinois ayant cherché à se rapprocher toujours davantage de la Russie depuis le début de la guerre.

Xi Jinping et Vladimir Poutine ont parlé pour la première fois de partenariat « sans limites » entre les deux pays en février 2022, quelques semaines avant que la Russie ne lance son invasion de l’Ukraine. Dès lors, les deux dirigeants ont systématiquement cherché à approfondir leur collaboration sur les questions diplomatiques, économiques et militaires.

Ils se sont également rencontrés à Moscou à la fin du mois de mars pour approfondir leur alignement stratégique qui, ils l’espèrent, pourra « changer » l’ordre international et davantage le rapprocher de leurs visions autoritaristes.

Le 20 mars, Poutine déclarait que la Chine et la Russie allaient créer un « ordre mondial multipolaire » plus juste pour remplacer les « règles » de l’ordre international actuel.

Puis, le 21 mars, ils se sont engagés à plus de coopération économique et stratégique, et ont signé une déclaration commune visant à approfondir leur « partenariat stratégique global ».

De même, le PCC a déclaré dans un communiqué que les deux nations « sont d’accord pour dire que leur relation va bien au-delà du simple cadre bilatéral et a acquis une importance cruciale dans le paysage mondial et pour l’avenir de l’humanité ».

La Chine pourrait armer la Russie contre l’Ukraine

L’ampleur de l’aide directe apportée du PCC aux efforts de guerre de la Russie en Europe est encore incertaine.

Tan Kefei, porte-parole du ministère de la défense nationale du PCC, a déclaré le 30 mars que « l’amitié sino-russe s’est renforcée au fil du temps » et que les armées chinoise et russe « travailleraient ensemble […] pour mettre pleinement en œuvre les accords importants décidés par les deux chefs d’État ».

Du côté américain, on prévient qu’il est possible que le régime chinois ait commencé à approvisionner les militaires russes en armes ou en munitions et on souligne que les Chinois n’ont jamais écarté l’idée qu’un tel arrangement soit possible.

Bien que les États-Unis n’aient pas encore officiellement fait état de l’existence d’une quelconque aide directe, plusieurs rapports suggèrent que le PCC envoie à l’armée russe des équipements destinés à être utilisés sur les champs de bataille de l’Ukraine.

Un rapport publié en février par le journal allemand Der Spiegel affirme que la Chine a falsifié des documents d’expédition par le passé, afin de faire passer du matériel d’aviation militaire destiné à la Russie pour du simple matériel civil, et qu’elle a utilisé des intermédiaires dans les Émirats arabes unis pour livrer à la Russie des drones à double usage destinés à la guerre en Ukraine.

Selon le même rapport, le PCC se prépare à livrer à la Russie des drones suicides.

Enfin, un rapport de la chaîne japonaise Kyodo News, citant des sources anonymes du gouvernement américain, affirme que des munitions chinoises ont été trouvées sur des champs de bataille en Ukraine. Le rapport précise toutefois qu’il n’existe aucune preuve que  ces munitions aient été directement vendues par le PCC à la Russie.

 

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