Le gouvernement veut afficher sa fermeté contre le narcotrafic. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau était en début de semaine au Havre pour saluer une récente saisie massive de cocaïne.
Pour lutter contre le trafic de drogue, « nous allons nous réarmer, comme nous l’avons fait il y a dix ans contre le terrorisme », a-t-il assuré, en défendant une proposition de loi sur le narcotrafic qui doit être examiné au Sénat « à partir du 28 janvier ».
Pour le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin, il faut taper au portefeuille des trafiquants et isoler les 100 narcotrafiquants les plus dangereux pour les empêcher d’agir depuis leur prison.
Les deux ministres ont ensemble avec une ambition commune : venir à bout du narcotrafic avec son lot de meurtres et montrer leur détermination à reprendre la main dans ce domaine.
47 tonnes de cocaïne déjà saisies en 2024
« Un record » : près de 47 tonnes de cocaïne ont été saisies par les services français chargés de la lutte anti-stupéfiants sur les 11 premiers mois de 2024, a indiqué le 13 janvier Bruno Retailleau.
« C’est historique, un record », a déclaré le ministre, en visite au Havre. En un an, les saisies de cocaïne ont plus que doublé puisque « 23 tonnes » avaient été saisies sur l’ensemble de l’année 2023, a rappelé le ministre. « En dix ans, on a un décuplement de la saisine de cocaïne », a-t-il ajouté.
La hausse des saisies s’observe aussi pour les drogues de synthèse, avec près de 9 millions de comprimés de MDMA et ecstasy saisis (+122%) ou 432 kg d’amphétamines (+90%). Mais elles sont en baisse pour le cannabis (88,8 tonnes, -15%) ou l’héroïne (772 kg, -13%), a appris l’AFP auprès du ministère de l’Intérieur.
Les saisies de produits stupéfiants, même massives, n’ont que peu de conséquences sur le trafic, notent cependant les spécialistes, et elles ne représentent qu’une infime partie de ce qui entre et circule réellement en France.
Le ministre a lui-même évoqué une « submersion » et reconnu que si le prix de la drogue ne bouge pas malgré les saisies records, cela « signifie qu’il y a toujours plus de marchandises qui débarquent sur le sol français ».
« Nous sommes dans un point de bascule pour la République »
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, en visite la veille à Marseille, dit vouloir « taper au portefeuille » les narcotrafiquants qui ont désormais assez de moyens pour « corrompre » les agents ou les menacer, assurant vouloir mettre « les moyens contre le blanchiment d’argent ».
« Quand la criminalité organisée a assez de moyens pour avoir des réseaux téléphoniques parallèles, pour avoir des circuits de financement à l’étranger, pour pouvoir mettre de l’argent dans […] l’immobilier, la restauration, […] et pour pouvoir corrompre des agents ou les menacer, […] nous sommes dans un point de bascule pour la République et nous devons collectivement nous réveiller. »
Le ministre, qui a fait de la lutte contre le narcotrafic une de ses priorités depuis son arrivée le 23 décembre place Vendôme, entend « taper très fort » contre cette « menace de sécurité intérieure ». « Il faut faire contre la drogue ce qu’on a fait contre le terrorisme et qui a fonctionné même s’il y a encore des attentats », a-t-il ajouté, rappelant que « la France (avait) su se doter d’armes extrêmement fortes judiciaires, administratives contre le terrorisme ».
Parmi les mesures, Gérald Darmanin dit vouloir isoler les « cent plus gros narcotrafiquants » dans « une prison de haute sécurité ».
« Il faut tout changer dans la lutte contre le trafic de stupéfiants », a estimé le garde des Sceaux qui fut ministre de l’Intérieur de juillet 2020 à septembre 2024. « Aujourd’hui, on isole certains trafiquants parmi d’autres détenus et on voit bien que ça ne marche pas, ce système de mixité qui consiste à mettre des terroristes, des criminels, des gens qui ont écrasé avec leurs voitures, des gens qui ont tapé leurs femmes et on les met tous dans la même prison », a-t-il ajouté. Or, ces détenus « ne sont pas tous de la même dangerosité et on n’adapte pas la sécurité de la même manière » selon les profils.
« Ce qui est insupportable », a estimé M. Darmanin, c’est que les prisons « ne soient plus des entraves pour la plupart d’entre eux pour continuer leur trafic, ou assassiner, ou menacer des magistrats, des agents pénitentiaires, des journalistes ou des avocats ».
Pour la première fois, un duo sécuritaire à l’Intérieur et à la Justice
Pour la première fois dans l’histoire récente de la Ve République, les ministres de l’Intérieur et de la Justice sont au diapason au niveau sécuritaire.
Bruno Retailleau s’est dit favorable à la proposition du ministre de la justice Gérald Darmanin de placer les « cent plus gros » trafiquants de drogue dans une prison sécurisée. Il a « parfaitement raison de vouloir isoler les plus dangereux dans des prisons dédiées parce que souvent ces établissements pénitentiaires sont des passoires et ces têtes de réseau continuent leur trafic et leurs crimes depuis la prison », a dit M. Retailleau.
« Ce sont deux grands fauves de la politique qui ont des visions assez proches de ce que doit être le continuum de sécurité », note une ministre du gouvernement Bayrou.
« Avec eux, la chaîne pénale va être cohérente. C’est un binôme très complémentaire avec un intérêt commun: incarner la sécurité », relève pour sa part Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.
Un texte au Sénat fin janvier et un nouveau parquet anti-criminalité
Pour lutter contre le trafic de drogue, le ministre de l’Intérieur a assuré que « nous allons nous réarmer, comme nous l’avons fait il y a dix ans contre le terrorisme », en défendant la proposition de loi sur le narcotrafic qui doit être examiné au Sénat « à partir du 28 janvier ».
Ce texte prévoit une « organisation différente », notamment la création d’un « état-major pour le renseignement, pour les forces de sécurité intérieures », qui sera « interministériel », « pour mieux se coordonner ».
Il prévoit aussi la création d’un « parquet national spécialisé anticriminalité », sur le modèle du Pnat, le parquet national antiterroriste, et comprendra d’autres instruments « contre le blanchiment, la corruption ». De quoi « enfin lutter à armes égales » contre les narcotrafiquants, sur qui « on a toujours, malheureusement, un temps de retard », a-t-il admis.
Un parquet dédié à la lutte contre la criminalité organisée qui ne convainc pas la procureure générale près la cour d’appel de Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, qui a appelé à renforcer l’organisation judiciaire existante. Selon elle, « la pratique nous a souvent enseigné qu’une idée a priori séduisante dans son énoncé pouvait s’avérer être, dans le champ opérationnel, un miroir aux alouettes ».
« Si le sujet central est celui de la coordination, j’approuve l’idée de la renforcer par la mise en place de deux cellules, l’une opérationnelle rattachée au parquet de Paris et l’autre stratégique sous le pilotage de la direction des affaires criminelles et de grâces », a-t-elle poursuivi.
« Sans réduction de nos délais de jugement et de mise en œuvre effective des peines, il est vain de penser, quel que soit le dispositif adopté, que nous gagnerons la guerre contre le narcotrafic », a-t-elle prévenu.
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