Suite à l’attentat du lycée d’Arras, une professeure d’anglais de la région Auvergne Rhône Alpes nous a transmis une lettre qu’elle a écrite sur son métier d’enseignant. Sa lettre a été saluée par l’ensemble de l’équipe éducative ainsi que par la direction de son établissement, elle a été lue à ses élèves, puis envoyée aux parents de tous les élèves de l’établissement secondaire, tout en gardant l’anonymat de son auteur. En réponse, certains parents ont écrit des messages pour remercier l’établissement car cette lettre a permis d’engager le dialogue avec leurs enfants, notamment en permettant d’aborder la question de l’obscurantisme. Voici cette lettre en intégralité.
Pourquoi j’exerce le métier de professeur d’anglais.
En vérité, j’aime l’anglais, la culture anglo-saxonne, la langue anglaise, la littérature, la culture, l’histoire, que ce soit celles d’Angleterre, d’Irlande, qu’il s’agisse des États-Unis, de l’Inde, du Kenya, du Ghana ou d’Australie.
Tous ces pays, toutes ces cultures se retrouvent autour d’une langue commune : l’anglais : quelle richesse !
Cette richesse — dont je suis loin de connaître tous les coins et recoins c’est ce que je veux transmettre à mes élèves.
Cette richesse, je suis heureuse et honorée de pouvoir la faire percevoir à des adultes en devenir.
Cette richesse, c’est mon devoir de professeur de la partager avec des élèves, motivés, moins motivés, bons élèves ou en difficulté, qu’importe, ce qui importe c’est, pour moi, de garder intact ce besoin de transmettre.
Cette richesse ne m’appartient pas ; mon devoir est de la transmettre, sans restriction, à mes élèves.
Je suis heureuse de remplir la mission qui est la mienne, chaque jour, malgré les difficultés diverses que je peux rencontrer : les préparations de cours qui peuvent me prendre des heures interminables, les corrections de copies, travail répétitif, les rencontres avec les élèves et leurs parents. Lorsque je vois un élève qui ne va manifestement pas bien, prendre le temps de lui parler, de lui montrer qu’une aide ou un soutient est possible, désamorcer des crises, faire avouer des mensonges, trouver ce qui va mettre de la lumière dans les yeux de mes élèves.
J’aime ce métier, j’aime mon métier.
Pas pour moi, pas pour montrer ce que je sais, pas pour être un temple du savoir, pas pour humilier ou rabaisser un élève, pas pour me venger de ce que j’ai pu subir, pas pour changer les choses. Transmettre ce que je sais c’est empêcher que le savoir ne s’éteigne, c’est empêcher l’obscurantisme, le mal, l’ignorance et la haine de l’autre de s’installer. Enseigner une langue vivante, c’est faire ce lien entre soi et les autres, montrer qu’il y a un ailleurs, un autrement et que ce n’est ni mieux ni moins bien, mais simplement différent. Enseigner c’est apprendre la confiance, l’écoute, la tolérance, le respect, la dignité.
Je n’enseigne pas pour que mes élèves soient à genoux, je n’enseigne pas pour que mes élèves apprennent à dénigrer l’autre, je n’enseigne pas pour que mes élèves se sentent supérieurs, je n’enseigne pas pour que mes élèves se servent de leurs connaissances pour écraser l’autre.
Je suis une enseignante banale, avec mes forces et mes faiblesses, ni plus ni moins.
Mon métier, je l’exerce chaque jour en essayant d’appliquer un principe qui m’est cher et qui est le suivant : Vérité, Bonté, Patience. La Vérité : dire ce que je viens de vous dire, ne pas vous mentir, vous aider à adopter une attitude droite et éthique. La Bonté : j’enseigne pour vous « élever », vous faire grandir, vous rendre plus forts et plus grands. Patience : chaque jour je recommence, chaque jour je répète, chaque jour je prends ce qui vient avec calme (autant que possible !). Toutes ces valeurs font de moi l’enseignante que je suis.
Je ne recherche pas la notoriété, je ne veux pas de récompense, je ne demande rien, vous ne me devez rien.
En revanche vous vous devez beaucoup : la curiosité, l’envie d’apprendre pour ne pas succomber à la haine, la force de travailler et de progresser pour devenir une meilleure version de vous-mêmes, l’envie d’aider votre entourage et de faire partie d’un tout.
La mission d’un enseignant est de vous faire grandir — pas de se faire assassiner.
La mission d’un enseignant c’est de vous amener à être cette meilleure version de vous-mêmes — pas de se faire assassiner.
La mission d’un enseignant c’est de vous donner envie d’en connaitre encore davantage — pas de se faire assassiner.
La mission d’un enseignant, c’est de vous aider à penser par vous-même, à réfléchir sur le monde qui vous entoure avec ouverture d’esprit, curiosité et tolérance — pas de se faire assassiner.
Je vous souhaite à tous et à toutes de vous faire honneur à vous-mêmes et de vous tenir debout, forts et grands, et à ne jamais vous mettre à genoux devant le mal et la haine.
Le 15 octobre 2023
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