ARTS ET CULTURE

La nostalgie de l’âge d’or : le triclinium d’été de l’impératrice Livia

La fresque du nymphée souterrain de la villa Livia illustre la beauté la plus raffinée des quatre saisons, réunies en un seul moment
février 19, 2025 16:44, Last Updated: février 19, 2025 16:48
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Entrer dans l’ancien triclinium romain de l’impératrice Livie, c’est comme pénétrer dans un bosquet méticuleusement entretenu. Les quatre murs sont peints d’une fresque illusionniste qui représente un bosquet sauvage au-delà d’une clôture en osier et d’un parapet en pierre. Cet équilibre entre le chaos et l’ordre, la nature sans entrave et la civilisation mesurée, était l’intention de l’artiste, représentant l’unité entre le monde naturel et l’Empire romain dans le cadre de la règle commune.

La fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia (vers 30-20 av. J.-C.) est une fresque panoramique qui recouvrait les murs du triclinium souterrain (salle à manger) de l’impératrice Livia Drusilla dans sa villa de Prima Porta, à sept kilomètres au nord de Rome. À première vue, ce qui semble être une fresque atmosphérique d’un jardin est rempli de symbolisme et de références à la mythologie de la Rome d’Auguste. La fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia illustre des thèmes de l’époque du règne d’Auguste comme la prospérité, le contrôle de la nature et l’ordre divin, tout en véhiculant des allusions qui auraient été exclusivement appréciées par la famille impériale.

Aujourd’hui exposé au Palazzo Massimo du Musée national romain, le jardin peint évoque tout d’abord un sentiment de paix et de sérénité. Livia Drusilla (59 av. J.-C.-29 ap. J.-C.) était l’épouse du premier empereur romain, Auguste, et fut impératrice romaine de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C. Suétone, un ancien historien romain, a écrit que Livia a résidé dans sa villa de campagne élaborée après son mariage avec Auguste, son second mari, en 39 av.

L’expérience culinaire romaine

Le pin figure sur le mur nord de la fresque du Palazzo Massimo à Rome. (Domaine public)

Pour les Romains de l’Antiquité, le repas n’était pas simplement une activité qui répondait à un besoin humain, mais une tradition qui revêtait une signification politique complexe. Un triclinium accueillait généralement de six à neuf convives, qui s’allongeaient sur trois canapés disposés en forme de U. Les convives s’allongeaient sur le côté gauche et mangeaient de la main droite. Le repas se composait généralement de hors-d’œuvre (gustatio), tels que des crustacés, des légumes et des œufs, et d’un plat principal (mensae primae) de viande rouge, suivi d’un dessert (mensae secundae) de noix et de fruits sucrés avec du vin, du sirop ou du miel.

Le triclinium souterrain de Livia mesurait 12 mètres de long sur 6 mètres de large, avec un plafond voûté en berceau. La fresque peinte dans cet espace était la fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia. L’art a créé une illusion spatiale convaincante d’un jardin en plein air dans les limites de cette pièce souterraine. Elle utilise un mélange de perspective linéaire et atmosphérique qui dissout les limites de la pièce, brouillant la distinction entre la représentation et la réalité.

Ces repas élaborés duraient souvent plusieurs heures accompagnés de discussions de type symposium. Les invités de l’impératrice Livia étaient probablement des membres de la classe patricienne romaine, tels que d’éminents sénateurs et magistrats, ainsi que des personnalités intellectuelles et culturelles. Les repas pris dans son triclinium d’été constituaient un événement social stratégique, où le réseautage et les subtiles dynamiques de pouvoir se déroulaient dans le décor illusionniste du jardin.

Peinture murale de style secondaire

August Mau, un historien de l’art allemand du XIXe siècle, a créé des classifications de la peinture murale romaine en s’appuyant sur deux siècles de preuves provenant de peintures trouvées dans l’ancienne ville de Pompéi. Enfouies sous les cendres volcaniques lors de l’éruption du Vésuve en l’an 79, les fresques pompéiennes ont été conservées dans un état exceptionnel. La fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia est l’exemple même de la peinture murale pompéienne du deuxième style « fenêtre-image », qui visait à tromper l’observateur en lui faisant croire qu’il regardait à travers une fenêtre dans un espace différent.

Au premier plan de la fresque se trouve une clôture en osier, avec des ouvertures centrales au nord et au sud. Au-delà de cette clôture est un sentier élagué, bordé de l’autre côté par un parapet en pierre. Le long de ce sentier, du lierre piqueté de violettes, de la fougère langue de cerf et des iris sont disposés de part et d’autre de la niche dans la cloison de pierre.

Les quatre murs représentent un bosquet sauvage au-delà d’une clôture en osier bien entretenue et d’un parapet en pierre. (Domaine public)

Au-delà du parapet de pierre pousse un bosquet sauvage composé d’arbres, de buissons et de fleurs, contrastant de manière frappante avec la netteté du premier plan. L’artiste parvient à un équilibre entre le sauvage et le cultivé, avec des touches tonales et atmosphériques en arrière-plan, créant ainsi l’illusion d’un paysage qui s’estompe dans le lointain. Cet arrière-plan contraste avec le sentier, le parapet et la clôture tressée, qui sont d’un grand réalisme et d’une grande netteté. Une profusion de chardonnerets, d’alouettes, de linottes et de pies colorées ajoute au rythme de la composition.

L’ensemble de la composition comporte six alcôves, chacune avec un arbre différent : le chêne sur le mur sud, le pin sur le mur nord et les épicéas à feuillage persistant sur les murs est et ouest. Chacun des trois motifs en relief du parapet, hachure, nid d’abeille et losange, correspond à une espèce d’arbre.

Un détail de l’un des épicéas, entre un cognassier et un grenadier, orne le mur latéral. Les pièces ébréchées au-dessus du mur étaient à l’origine peintes le long du plafond voûté en berceau. (Domaine public)

Allusions artistiques

Le chêne représenté au centre du mur sud est un excellent exemple de la façon dont la fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia évoque le langage mythologique et symbolique de la Rome antique. Romulus, le fondateur et premier roi de Rome, aurait, selon Tite-Live, construit le premier temple de Rome – le temple de Jupiter Férétrien, qui abritait les dépouilles opimes (spolia opima) – riches trésors, butin de guerre – au pied d’un chêne sacré sur la colline du Capitole.

Détail du chêne sacré de la la fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia. (Domaine public)

Les restaurations du temple de Jupiter Férétrien et du temple de Quirinus sont deux des réalisations de l’empereur Auguste. Ainsi, en rappelant le chêne sacré primitif de la fondation de Rome, Auguste s’associe à Romulus, le fondateur de la cité antique, tout en affirmant son nouvel âge d’or.

La juxtaposition de l’ordre et du désordre dans la fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia est analogue à la structure de l’Ara Pacis Augustae, ou l’Autel de la Paix Auguste. Le Sénat romain l’avait commandé en 13 avant J.-C. pour honorer la « Pax Romana », littéralement « paix romaine » de l’empereur Auguste, un âge d’or de paix et de stabilité. L’autel monumental en marbre est recouvert de sculptures complexes en bas-relief représentant une procession impériale, des scènes mythologiques de la fondation de Rome et des motifs floraux.

Des sculptures en bas-relief représentant des scènes mythologiques et des motifs floraux recouvrent l’Autel de la Paix Auguste à Rome. (Cortyn/Shutterstock)

La statue Augustus Prima Porta, nom donné à une statue en marbre peint de l’empereur Auguste, a été excavée près de la porte de la salle des jardins. Elle représente Auguste la main droite tendue debout en contrapposto (le poids du corps repose sur une seule jambe) et représenté dans la position très romaine du général faisant une « adlocutio » (un discours formel) à ses troupes. La représentation d’Auguste s’inspire, sans être une imitation, de l’attitude d’une sculpture grecque, comme la Doryphore de Polyclète. Sa cuirasse militaire décorée raconte les exploits d’Auguste, l’associant à la faveur divine et aux succès diplomatiques.

Photographie ancienne de la statue d’Auguste de Prima Porta, retrouvée dans la villa au 19e siècle. Rijksmuseum, Amsterdam. (Domaine public)

La Paix éternelle

Chaque détail floral de la fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia a une signification symbolique. L’entrelacs de violettes et de lierre simule la vigne, une plante à fleurs chère à l’impératrice Livia, qui attribuait sa longévité à la dégustation quotidienne du vin de Pizzino. En outre, le myrte, le pin, le lierre, le chêne et le laurier, toutes les plantes nécessaires à la création d’une couronne triomphale, sont présents dans la fresque.

Les fleurs du printemps et de l’automne, la rose et le chrysanthème, poussent simultanément dans cette scène détaillée de la fresque. (Domaine public)

Toute la flore fleurit simultanément : les marguerites, les iris, les roses, les lauriers sauvages, les coquelicots et les pervenches du printemps fleurissent en même temps que les lauriers-roses de juillet, les grenades et les coings de la fin de l’automne, les chrysanthèmes de septembre et le pin qui reste vert toute l’année. La fresque du Nymphée souterrain de la villa Livia illustre la beauté la plus raffinée des quatre saisons, réunies en un seul moment, commémorant la Rome d’Auguste comme une époque de paix éternelle, de fertilité, de prospérité et de victoire.

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