Les bureaux de vote ont fermé leurs portes en fin d’après-midi dimanche après avoir vu défiler une foule considérable d’électeurs, venus choisir entre le président sortant Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, et son rival social-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu.
Jusqu’à la dernière minute – 17h00 (14h00 GMT) – les urnes ont continué de se remplir de grosses enveloppes vert moutarde déposées depuis 08h00 par des électeurs qui ont parfois attendu plusieurs heures devant les écoles transformées en bureaux de vote.
En jeu: le choix du troisième président de la République turque, qui fête son premier siècle, et l’avenir du chef de l’Etat qui espère se maintenir au pouvoir face à son adversaire.
Le vainqueur doit obtenir une majorité de 50% des voix plus une, sous peine d’un deuxième tour le 28 mai – date anniversaire symbolique du plus grand mouvement de contestations populaire qui a secoué le pouvoir en 2003.
Les 65 millions d’électeurs devaient aussi choisir les 600 députés qui siègeront au parlement monocaméral à Ankara.
Un ballotage constituerait un revers pour M.Erdogan
En 2018, lors de la dernière présidentielle, le chef de l’Etat l’avait emporté au premier tour avec plus de 52,5 % des voix. Un ballotage constituerait déjà pour lui un revers.
M. Erdogan a promis de respecter le verdict des urnes, surveillées par des centaines de milliers de scrutateurs des deux camps et dont il a toujours tiré sa légitimité.
La commission électorale (YSK) n’a pas signalé à ce stade d’incident.
Arrivé à la mi-journée dans son bureau de vote d’Üsküdar, quartier conservateur sur la rive asiatique d’Istanbul, M. Erdogan a souhaité « un avenir profitable au pays et à la démocratie turque », soulignant « l’enthousiasme des électeurs » en particulier dans les zones affectées par le séisme du 6 février qui a fait au moins 50.000 morts.
Apparu les traits fatigués, il n’a pas fait le moindre pronostic sur les résultats, prévus dans la soirée, et qu’il attendra depuis Ankara, tout comme Kemal Kiliçdaroglu.
« La démocratie nous a manqué », selon le rival Kemal Kiliçdaroglu
Peu auparavant, ce dernier avait été le premier des deux à déposer son bulletin à Ankara: « La démocratie nous a manqué », a déclaré le social-démocrate, tout sourire. « Vous verrez, le printemps va revenir dans ce pays, si Dieu le veut, et il durera pour toujours », a-t-il ajouté en reprenant un de ses slogans de campagne.
Les électeurs étaient polarisés entre le président islamo-conservateur Erdogan, 69 ans, et Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, à la tête du CHP, le parti laïque de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.
Un troisième candidat, Sinan Ogan, est lui crédité de quelques points.
« L’économie n’est pas la priorité, nous devons commencer par la base: restaurer les droits humains et la démocratie, regagner notre dignité », juge Hande Tekay, 55 ans, dans le quartier huppé de Sisli, à Istanbul.
« Pour le dire simplement, on veut la révolution française: ‘Egalité, liberté, fraternité’, parce que ces vingt dernières années, tout ça a disparu », renchérit Ulvi Aminci, 58 ans.
« Je dis ‘continuez’ avec Erdogan », implore au contraire Nurcan Soyer, foulard sur la tête, devant le bureau de vote d’Erdogan.
Dans la ville meurtrie d’Antakya, l’ancienne Antioche (sud) ruinée par le séisme, Mehmet Topaloglu est arrivé parmi les premiers : « Il faut du changement, ça suffit ».
Les blessures restent vives trois mois après le drame: « Avant même le séisme mon vote était défini, mais avec le séisme ça s’est confirmé », lâche Aylin Karakas, 23 ans.
Le parti prokurde soutient M. Kiliçdaroglu
M. Kiliçdaroglu emmène un front uni de six partis de la droite nationaliste au centre-gauche libéral. Il a en outre reçu le soutien du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.
Il se présente cette fois devant un pays usé par une crise économique, avec une monnaie dévaluée de moitié en deux ans et une inflation qui a dépassé les 85% à l’automne.
Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu a joué la carte de l’apaisement, promettant le rétablissement de l’Etat de droit et le respect des institutions, malmenées au cours des dix dernières années par la dérive autocratique de M. Erdogan.
Pour le politologue Ahmet Insel, en exil à Paris, « la défaite d’Erdogan montrerait qu’on peut sortir d’une autocratie bien installée par la voie des urnes. »
Une forme de « printemps turc » qui sera scruté de près à l’étranger. Car la Turquie, membre de l’Otan, jouit d’une position unique entre Europe et Moyen-Orient, et est un acteur diplomatique majeur.
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