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L’Abitibi-Témiscamingue, le Far West du Québec

septembre 20, 2016 3:40, Last Updated: décembre 23, 2019 20:15
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Des forêts à perte de vue, une multitude de lacs et de rivières, quelques petites villes et de l’or dans les entrailles : bienvenue en Abitibi-Témiscamingue, à l’extrême ouest du Québec. Un horizon démesuré dans une région dynamique et fière de son passé, de quoi séduire les amateurs de séjours qui conjuguent le plein air et les rencontres historiques.

Il a la forme d’un large croissant dont une première partie, le Témiscamingue, rural et verdoyant, se déploie du sud au nord le long de la frontière qui jouxte l’Ontario anglophone tandis que la seconde partie, l’Abitibi, minier et nordique, s’étire d’ouest en est. C’est surtout un pays jeune dont les villes les plus anciennes ont à peine cent ans, une paille à l’échelle de l’histoire de l’Europe.

Coureurs de bois et bûcherons

Tout a commencé au bord du majestueux lac Témiscamingue, une véritable mer intérieure de 110 km de long. C’est au cœur de ce site enchanteur, aujourd’hui bordé de forêts et de prairies doucement vallonnées, que s’est établi au début du XVIIIe siècle la première et unique construction de la région, un poste de traite français en plein territoire de chasse algonquin, à savoir un lieu de ralliement pour commercer avec les Amérindiens – ici c’étaient des Algonquins – qui venaient y troquer leurs fourrures contre des produits européens : haches de métal, pièges, pierres à silex, perles, couteaux, chaudrons de cuivre, etc. Les coureurs des bois n’hésitaient pas à pénétrer les forêts sur les pistes tracées depuis des millénaires par les tribus algonquines pour échanger les peaux de castors utiles à la fabrication des chapeaux haut de forme très à la mode à l’époque en Europe. Les chapeliers arrachaient les poils durs des peaux pour mettre à jour les fibres duveteuses qui étaient alors modelées pour former un feutre lustré façonné en forme de cône. Il fallait à l’époque près de trois semaines pour transporter les ballots de peaux jusqu’à Montréal, sur des rabaskas, des canots en écorce de bouleau, menés par d’intrépides voyageurs avides d’aventure et de liberté, trop heureux de consacrer quelques années de leur jeunesse à s’enrichir en voyageant dans l’arrière-pays entre lacs et rivières.

Au XIXe siècle, la foresterie qui connaît un essor considérable dans la région détruit l’habitat naturel des animaux à fourrure. Le flottage du bois s’organise sur les rivières et le lac Témiscamingue où surgissent des petites scieries qui transforment le bois, transporté ensuite vers Québec ou Ottawa. Une nouvelle vie s’organise autour du bûcheronnage.

Missionnaires et colons

Un homme, le Frère Moffet, un Oblat qui vivait dans une mission établie sur la rive ontarienne du lac, avait pressenti le désastre économique d’une économie entièrement tournée sur la forêt qui peine à se régénérer. Fils d’agriculteur et d’un caractère obstiné, il va se battre durant de longues années contre sa hiérarchie pour obtenir le droit d’établir une ferme dans le secteur de ce qui deviendra Ville-Marie, la première ville du Témiscamingue. Persuadé que le climat y était propice à l’agriculture, il défriche un terrain en bordure du lac et y construit une habitation et une grange. Nous sommes en 1881. Cinq ans plus tard, les premières familles s’installent autour de la ferme et la communauté missionnaire, cette fois convaincue, va encourager la colonisation de cette immense région. Des lots de 40 hectares sont distribués aux colons qui sont obligés de défricher la terre et d’y bâtir une maison. Chaque famille signait un contrat de cinq ans pour atteindre cet objectif sous peine de devoir payer des amendes. C’est ainsi qu’à côté d’une population de bûcherons s’est développée une communauté d’agriculteurs qui va essaimer dans toute la région et donner au Témiscamingue ce paysage bucolique de plaines doucement vallonnées, où de vastes champs côtoient d’imposantes forêts.

 

Découvrir le lieu historique national du Fort-Témiscamingue recréé à la pointe nord du lac, c’est s’immerger dans le milieu des trappeurs et des commerçants d’autrefois.(Charles Mahaux)

Du haut de ses 128 ans, Ville-Marie peut se targuer aujourd’hui d’être la doyenne des municipalités de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle a même remporté le titre prestigieux du plus beau village du Québec en 2012. Pourtant, comme la plupart des villes édifiées rapidement par des pionniers, elle ne séduit pas au premier coup d’œil. Il faut s’y arrêter, emprunter d’abord la commerçante rue St-Anne et son enfilade de jolies maisons en bois coloré avant de flâner dans la longue avenue arborée qui longe le lac. On y découvre quelques belles maisons bourgeoises du début du XXe siècle dont les toits à lucarnes et les galeries à colonnettes racontent l’esprit d’entreprise de certains pionniers. La promenade mène à l’humble maison du Frère Moffet, toute assemblée à queue d’aronde, témoin exceptionnel des premiers efforts de colonisation. La visite se termine inévitablement sur la marina, unique au Témiscamingue. En été, c’est le lieu de toutes les rencontres. Ici, le cœur du village n’est pas le perron d’une église, il est au bord du lac, là où chaque soir, les couchers de soleil embrasent la nature environnante et emportent les âmes sur les traces des colons qui, de rivières en lacs, ont ouvert la route vers le nord.

La ruée vers l’or

Au début des années 1910, les prospecteurs miniers fourmillent dans la région, car un important gisement de cobalt a été découvert du côté ontarien du lac Témiscamingue. Ils se tournent alors vers l’autre versant du lac, là où s’enfonce la fameuse faille Cadillac, une cassure de la croûte terrestre dont la longueur est évaluée à environ 320 kilomètres. Elle traverse la province d’ouest en est, de Kirkland Lake, en Ontario, à Val-d’Or en passant par Rouyn-Noranda. L’avenir leur donnera raison, d’importants gisements sont mis à jour. En 1925, des financiers new-yorkais fondent la Noranda Mines Ltd et entreprennent la construction d’une mine et d’une ville appelée Noranda sur les bords du lac Osisko. Au même moment, d’autres mines voient le jour dans la région des sources du fleuve Harricana : la mine Lamaque à proximité de l’actuelle ville de Val-d’Or s’avère l’un des plus riches gisements aurifères du Québec. C’est ainsi que naîtra Bourlamaque, une autre ville de compagnie.

Cette manne providentielle va susciter un véritable engouement et on assiste au Klondike abitibien. Là où autrefois le seul accès était l’hydravion, le chemin de fer qui trace sa route dès 1937 va provoquer l’émergence de villes minières. Entre 1927 et 1950, 46 mines exploitent les gisements de la région le long de la faille. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une dizaine, d’autant que la durée d’exploitation d’un gisement minier est en moyenne de 15 ans. Toutefois, le sol cache encore de nombreuses richesses qui n’attendent que des investisseurs prêts à entrer en production en respectant un cahier de charges très strict en matière de reclassement des déchets miniers.

Parcourir aujourd’hui la route qui suit cette faille revient à suivre le chemin de ces milliers de travailleurs qui ont redessiné le paysage de l’Abitibi. Un signe qui ne trompe pas : des structures métalliques imposantes s’élèvent, solitaires, au-dessus de la forêt, en des endroits qu’on imagine n’avoir pas été occupés par l’homme. Ces chevalements abritaient jadis le puits par lequel les hommes descendaient dans le fond de la mine et remontaient les bennes d’acier chargées de minerai. Ces cathédrales du Nord sont des marqueurs de paysage qui rappellent les efforts des mineurs qui ont transformé la roche en source de richesse.

Sur les traces des mineurs

À Val-d’Or, le village Bourlamaque, classé site historique, est un bel exemple de ville minière de l’époque, une cité fermée qui comptait une soixantaine de coquettes maisonnettes en bois rond dont tous les aspects de la vie communautaire étaient régis par l’entreprise ontarienne, selon une stricte discipline de type anglo-saxon. L’aménagement de l’agglomération située à proximité immédiate du site d’exploitation reposait sur la conviction que des logements dans un environnement adéquat favorisaient la stabilité et la productivité des travailleurs. Un secteur situé sur une butte boisée était réservé aux cadres et à l’hôpital avec des résidences cossues. Les quartiers des ouvriers alignaient des habitations modestes mais confortables, toutes bordées de jardinets soigneusement entretenus. Aujourd’hui, dans ce village devenu résidentiel, une maison témoin est conservée pour attester de la vie des premiers mineurs. La mine, en activité de 1935 à 1985, a également été préservée comme patrimoine industriel et elle offre aux visiteurs la possibilité de devenir mineur en vivant l’expérience unique d’une descente sous terre, à une profondeur de 91 mètres dans les galeries de l’ancienne mine d’or.

À l’autre bout de la faille, Noranda s’est construite sur le même schéma que Bourlamaque, à l’anglaise, carrée, organisée méthodiquement pour les ingénieurs, les cadres et les travailleurs. Par contre, de l’autre côté du lac Osisko, la ville des immigrés et des prospecteurs, des journaliers et des aventuriers de tout poil s’est développée de manière plus anarchique, avec des trottoirs en bois, des routes boueuses et de nombreux tenanciers qui en font la cité de tous les excès. Les travailleurs viennent de partout, des Polonais, des Ukrainiens, des Russes, des Finlandais, des Italiens, tous des mineurs expérimentés, des hommes du charbon qui vont partager leur expertise avec les Abitibiens. Les dangers de la mine rassemblent les hommes et on connaît ici une belle intégration de toutes ces cultures. Le site historique de l’église orthodoxe russe de Rouyn-Noranda est un important symbole de la pluralité ethnique et religieuse de la région minière de l’Abitibi, il plonge le visiteur dans l’histoire encore proche de ces communautés qui ont migré ici entre 1930 et 1960. La Maison Dumulon établie à Rouyn témoigne de l’énergie d’une famille qui a créé, au début des années 1920, une compagnie qui assurait le transport des prospecteurs vers la région de Noranda. Installés sur une pointe de terre face au camp minier, ils construisirent le premier magasin général de la ville, en se servant du bois coupé sur place. Ils vont gérer toute l’activité commerciale de la nouvelle ville jusqu’au décès du père qui amène la famille à se concentrer sur l’activité du bureau de poste, essentielle à l’époque. La maison, remplie de produits et artéfacts d’époque, évoque la rudesse de l’existence en Abitibi il y a moins d’un siècle. Autant de plongées dans un passé proche, guidées par des jeunes soucieux de partager l’héritage de leurs grands-parents. Chacun en revient convaincu que l’Abitibi-Témiscamingue dispose d’une richesse unique, celle de réaliser les rêves les plus fous.

C’est l’obstination du frère Moffet qui a permis à la région de Ville-Marie de se développer, une incroyable aventure à découvrir dans la maison qu’il a construit de ses propres mains en 1881. (Charles Mahaux)

Abitibi-Témiscamingue pratique

Pour en apprendre davantage, deux sites incontournables : http://bonjourquebec.com/fr et www.tourisme-abitibi-temiscamingue.org. Des infos plus détaillées à découvrir sur la maison du Frère-Moffet, www.maisondufreremoffet.com, la Cité de l’Or avec une exposition riche en activités interactives pour découvrir la vie de ces mineurs valeureux, fiers bâtisseurs de l’Abitibi-Témiscamingue. www.citedelor.com, l’incontournable Musée minéralogique de l’Abitibi-Témiscamingue, installé à Malartic, en face d’une nouvelle mine à ciel ouvert, la plus grande du Canada, invite à un voyage au pays de la géologie www.museemalartic.pc.ca, la Maison Dumulon www.maison-dumulon.ca.

Y aller : Air Transat est spécialisé sur les vols vers le Québec avec un bon rapport qualité-prix. La classe économique est tout à fait confortable, mais l’option plus permet de gagner du temps à l’enregistrement et à l’embarquement et offre une franchise de bagage supplémentaire de 10 kg bien agréable avec les souvenirs de vacances www.airtransat.com. En plus de la voiture, deux autres options à conjuguer pour joindre l’Abitibi-Témiscamingue avec départ de Montréal : le train à l’aller Montréal-Senneterre www.viarail.ca et le bus au retour. Sur place, l’idéal est de louer une voiture www.discountcar.com et de partir à l’aventure sur les très belles routes de la région, en vagabondant d’un site à l’autre.

Quand y aller : À partir du 20 juin, une saison idéale pour participer aux nombreux festivals de plein air qui animent tout l’été. Dès la fin septembre la nature s’enflamme avec l’été indien. À cette époque, les musées se visitent sur rendez-vous.

Se loger : Hôtel, motel, camping et gîte sont des types d’hébergement qu’on trouve en grand nombre en Abitibi-Témiscamingue. La formule «motel», avec la voiture garée en face de la porte de la chambre, donne l’impression de participer à un road movie, avec l’alignement de pick-up des nombreux travailleurs qui viennent s’y poser. Ce sont aussi des lieux de rencontres inoubliables, que ce soit sur le pas de la porte de sa chambre ou au bar du motel. Si vous rêvez de vivre au cœur de la nature, le Parc national d’Aiguebelle offre différentes formules d’hébergement, toujours au bord d’un lac, d’une rivière ou d’un marais. Marche, pêche, kayak, canot, vélo, découverte des animaux nordiques, autant d’activités avec la possibilité de louer sur place les équipements nécessaires http://www.sepaq.com/pq/aig/

Se nourrir. Région jeune, l’Abitibi-Témiscamingue s’affiche résolument gastronome, avec à sa source une belle association entre des producteurs locaux et des cuisiniers de talent. Une Foire Gourmande annuelle mise sur pied en 2002 à l’initiative d’un Belge ( !) installé à Ville-Marie, a mis en valeur la richesse du terroir abitibien et le savoir-faire de nombreux chefs, à découvrir au fil de la route. À retenir, entre autres, les tables de L’Entracte et de l’Hôtel Forestel à Val-d’Or, du Chat’O à Amos, du Champêtre de la Pourvoirie du lac Duparquet, du Bistro Jezz à Rouyn-Noranda et de La Bannik près de Ville-Marie.

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