En octobre dernier à Guangzhou, dans une ville portuaire du sud de la Chine, Mme Yang a déboursé environ 93 dollars pour acheter six crevettes géantes. Elle était satisfaite de son achat jusqu’à ce qu’elle trouve du gel à l’intérieur de la tête des crevettes.
Un tel gel, dont la présence ne peut être détectée par une inspection sommaire, est injecté à un moment entre la pêche et la vente afin d’augmenter le poids et, par conséquent, les profits. Les crevettes vendues vivantes n’ont pas été injectées, puisque l’injection les tuerait.
Selon des entretiens et des reportages, les autorités chinoises dans le domaine de l’alimentation n’ont pas fait grand-chose pour enquêter sur les cas portés à leur attention et personne ne sait vraiment à quel moment dans la chaîne de production l’injection a lieu.
La Chine est le troisième plus grand exportateur de fruits de mer aux États-Unis et elle exporte une quantité importante de crevettes et de poissons-chats, soit deux des dix fruits de mer les plus populaires au pays. Des crevettes ont été importées de Chine pour une valeur de près de 212 millions de dollars de janvier à octobre 2015, selon les données du bureau de recensement américain.
Le problème des crevettes altérées existe depuis plus d’une décennie, malgré les nouveaux cas couramment rapportés dans la presse chinoise. Certains des cas les mieux connus de crevettes injectées de gel sont apparus en 2005, la même année que l’administration municipale de Tianjin a lancé une campagne contre les injecteurs de crevettes.
Leur prix à l’unité est élevé et plus d’argent peut être fait en augmentant leur poids.
On ne sait pas s’il y a ou combien de ces crevettes infectées parviennent en Amérique du Nord, mais des experts en salubrité alimentaire estiment qu’il y a de quoi s’inquiéter. La Food and Drug Administration (FDA) américaine (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) a publié une alerte le 11 décembre 2015 au sujet de la « présence de nouvelles drogues pour animaux et/ou d’additifs alimentaires dangereux » dans les fruits de mer importés de Chine, dont les crevettes.
Une addition gélatineuse non bienvenue
Dans certains des cas qui ont été étudiés – une tâche pas toujours facile en Chine – la gélatine trouvée dans les crevettes était du genre bénin et comestible. Elle est habituellement extraite de la peau et d’os d’animaux et est composée de collagène. Toutefois, étant donné que le geste est illégal et non supervisé, il est impossible de dire si le prochain gel sera de nature industrielle.
Wu Wenhui, professeur à la Shanghai Ocean University, a dit en entrevue avec la presse chinoise que les consommateurs devraient s’inquiéter du gel industriel aboutissant dans les crevettes, puisqu’il coûte moins cher que la version comestible. « Le gel industriel est utilisé pour les meubles ou l’impression et il contient des métaux lourds comme le plomb et le mercure qui sont nocifs pour le foie et le sang, ils sont même cancérigènes. »
Puis, le geste d’injecter est lui-même potentiellement dangereux.
« Même si le gel injecté est comestible, donc pas nuisible en soi, qui peut garantir que le processus est aseptisé ? », demande Liu Huiping, un membre du conseil exécutif de l’Association des produits aquatiques de Tianjin, en entrevue avec Beijing News.
M. Zhang, un marchand de fruits de mer dans la province du Shandong, a indiqué aux médias chinois que les crevettes géantes, qui sont en majorité importées de l’Asie du Sud-Est, sont sujettes aux injections en raison de leur taille. « Leur prix à l’unité est élevé et plus d’argent peut être fait en augmentant leur poids. »
Pourquoi ça se poursuit
Le scandale des crevettes injectées est bien connu et existe depuis plus d’une décennie.
Des articles d’opinion dans le Beijing Youth Daily soulignent que ce scandale révèle l’inefficacité du système de réglementation alimentaire chinois. Selon ces articles, il y a trop de départements et un flou dans la répartition des tâches. À cause de la mauvaise coopération entre les départements, les failles dans la réglementation se révèlent. Même avec la réorganisation de leur agence des produits alimentaires et médicamenteux en 2013, la situation ne s’est pas améliorée.
Il semble y avoir un manque de volonté pour régler le problème. Une enquête de Beijing News à ce sujet est révélatrice. Cui Hongtao, le sous-directeur de l’administration pour l’industrie et le commerce dans le port de Tianjin, a indiqué à Beijing News que son organisation enquête seulement sur les produits qui ont déjà échoué l’évaluation du ministère de l’Agriculture.
Le journaliste a ensuite apporté des crevettes à plusieurs bureaux du ministère de l’Agriculture et on lui a dit qu’un examen ne pouvait être réalisé sans objectif clair, sinon ils « ne sauraient pas par où commencer ».
L’examen de crevettes infectées n’est pourtant pas compliqué. Cui Chunming, sous-directeur du département de la supervision sanitaire de Tianjin, a déclaré à Beijing News : « L’examen n’est pas nécessaire, puisqu’on peut déterminer s’il y a eu une injection avec ses propres yeux. Peu importe ce qui a été injecté, ce n’est pas permis et l’altération est illégale. »
Plusieurs marchands de crevettes à différents endroits en Chine ont indiqué aux médias qu’ils avaient obtenu les crevettes injectées d’un grossiste. Dans un cas, en 2012, un marchand a indiqué : « Ce genre de crevette est ici depuis longtemps. Elles sont arrivées comme ça des grossistes il y a cinq ans. »
Ce qui se dégage de cette situation, c’est que l’avidité a le dessus sur la moralité et l’État est inefficace ou pire dans sa réponse.
Les grossistes ou les marchands peuvent augmenter leurs profits en injectant les crevettes de gel et sont prêts à tricher et peut-être mettre en danger la santé des consommateurs. Même si les marchands ne participent pas à l’altération, ils savent qu’ils ont reçu des produits altérés des grossistes. Ils les acceptent et les vendent à leurs clients. Les responsables de réglementation des aliments chinois n’ont pas la capacité ou la volonté de mettre un terme à cette affaire.
Options américaines
Patty Lovera, directrice adjointe de l’ONG américaine Food & Water Watch, croit que les consommateurs américains devraient se méfier des crevettes venant de Chine. « Nous savons qu’ils ont des problèmes de sécurité alimentaire en Chine et il y a constamment des histoires écrites sur ces problèmes », indique Mme Lovera en entrevue téléphonique. « Notre FDA a un bureau en Chine, mais ils ne sortent pas beaucoup pour faire des inspections. Quelques centaines d’inspections par année, ce n’est rien comparativement à la quantité d’activités dans le domaine alimentaire dans ce pays.
Mme Lovera mentionne également le manque de ressources humaines de la FDA pour inspecter les importations alimentaires. « Il n’y a pas beaucoup d’inspections à la frontière quand ça entre. Ils touchent à moins de 2 % de ce qui entre, alors les importateurs prennent parfois des risques. […] Ils peuvent parfois envoyer quelque chose qui n’est pas correct. »
Version originale : In China, the Curious Case of the Gel-Injected Shrimp
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