ENVIRONNEMENT

Le fabuleux destin d’un grain de pollen

décembre 6, 2017 13:30, Last Updated: décembre 6, 2017 13:30
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La pollution atmosphérique ne connaît pas de frontière et impacte aussi bien la santé humaine que l’environnement. D’après le rapport de 2017 de l’Agence européenne de l’environnement (AEE), la pollution de l’air cause plus de 500 000 morts par an en Europe. Nous assistons ces dernières années à une recrudescence des épisodes de pics de pollution, accompagnée d’une médiatisation accrue. Les questions autour de ce sujet deviennent par conséquent de plus en plus prégnantes dans nos sociétés.

Pour y répondre, il apparaît essentiel de sensibiliser sur l’origine des polluants atmosphériques et les sources émettrices. Ces dernières sont multiples et complexes. La majeure partie des polluants provient des activités humaines. Il peut s’agir des activités industrielles, du chauffage des bâtiments, des activités agricoles, de l’élevage ou encore des modes de transport.

Un grain de pollen et son environnement

Le jeu s’appuie sur les recherches menées par Nicolas Visez, maître de conférences au laboratoire PC2A (unité mixte de recherche CNRS–Université de Lille), qui étudie les effets de la pollution atmosphérique sur le grain de pollen. Ce dernier a été choisi comme vecteur de découverte de la pollution pour deux raisons principales. Le pollen est perçu, à juste titre, par les publics comme provenant directement de la nature et il est donc un exemple parmi d’autres d’un élément naturel modifié par la pollution.

De plus, l’allergie respiratoire touche une part importante de la population française (environ 20 %). Il est donc probable que les groupes de visiteurs comprennent une ou plusieurs personnes allergiques ou encore des personnes ayant dans leur entourage des personnes allergiques. Cela crée une proximité avec les problématiques concrètes de la vie quotidienne.

Une « périlleuse odyssée aéroportée »

Destiné à un public âgé de 9 à 99 ans, le jeu se veut convivial et familial. Il propose à deux groupes de prendre le destin d’un grain de pollen en main et de s’affronter. Mémoriser les sources de pollution et polluants associés, et anticiper stratégiquement ses déplacements sont autant de clés pour gagner. Le but du jeu : être le plus rapide à traverser l’air de la ville, tout en accumulant un minimum de polluants pour éviter d’endommager son grain de pollen.

En mettant en concurrence deux équipes, le jeu pousse à une émulation des participants. Il permet de les désinhiber et d’initier une discussion avec le scientifique qui apporte ses conseils tactiques. Des questions liées aux éléments du jeu émergent progressivement : quels sont les polluants que vous ne connaissiez pas ? Que pensez-vous des voitures électriques ? La centrale nucléaire pollue-t-elle votre grain de pollen ?

S’ensuivent des discussions plus libres et générales sur la pollution, les énergies renouvelables, les politiques publiques ou encore les allergies.

Sensibilisation, apprentissage et dialogue

Lancé à l’occasion de la Fête de la Science, et animé pour l’instant à deux reprises (Village des Sciences et Forum des Sciences), le jeu de « la périlleuse odyssée aéroportée d’un grain de pollen » a reçu des retours favorables. « Ludique », « amusant » et « pédagogique » sont des qualificatifs qui sont souvent revenus. Aussi bien les publics que les scientifiques ont pu trouver par le biais de cet outil une manière propice de créer un dialogue en lien avec leur thème de recherche.

Le système de jeu permet de s’adapter à plusieurs niveaux de vulgarisation en fonction des demandes et des envies des joueurs. Dans un premier temps, il est question de comprendre l’environnement dans lequel va évoluer le grain de pollen et de définir ce qui sera une source de pollution ou non. Une base qui incite les personnes sans attrait pour cette thématique à participer. Dans un second temps, grâce à la mémorisation des polluants et la possibilité de maîtriser un peu plus le jeu, de nouvelles pistes de médiation peuvent être envisagées en compagnie des chercheurs présents.

L’apprentissage des polluants et de leurs sources s’opère en deux phases. La phase de mémorisation accroît l’émulation entre les deux équipes et augmente l’implication des joueurs. En effet, pour gagner, il faut s’investir et donc mémoriser correctement les polluants et leurs sources. La deuxième phase de jeu correspond à l’utilisation des connaissances nouvellement acquises en usant de stratégie. Elle oblige à être attentif et à prendre des décisions. Pour être efficace, il est nécessaire de se saisir des informations et des compléments fournis par le chercheur.

Être animateur, médiateur et scientifique

La barrière entre l’expert scientifique et les publics s’efface dès lors que les participants se prêtent aux dimensions stratégique et conviviale. Le jeu constitue un véritable initiateur de dialogue sciences-société. Il génère chez les participants des interrogations auxquelles répond l’expert scientifique. Le besoin d’information exprimé directement par les joueurs permet de renforcer l’impact de l’action de médiation.

Il apparaît crucial que le scientifique se place à la fois dans une position d’animateur de jeu mais aussi d’expert. Il doit intégrer dans son animation des phases de vulgarisation scientifique, au risque de voir apparaître une menace qui pourrait être qualifiée « du jeu pour le jeu ». Il est donc primordial d’inciter les joueurs à des temps de pause. De cette manière, les joueurs prennent de la distance et entament une réflexion plus large. La présence d’un expert scientifique reste essentielle, la visée étant de répondre à des interrogations et de garantir une expertise.

Développements futurs

Ce jeu semble constituer un outil efficace de médiation scientifique sur le thème de la pollution de l’air. Les possibilités et résultats sont divers : sensibilisation, apprentissage par le jeu, discussions libres, débats. Ils assurent aux scientifiques de toucher un public large.

L’avenir du jeu se dessine progressivement. Une version sera conservée dans les locaux de l’Université de Lille pour satisfaire les demandes de médiation propres aux laboratoires concernés par les questions en lien avec la pollution atmosphérique. Des pistes de valorisation sont également en cours auprès d’autres acteurs de la médiation scientifique dans les Hauts-de-France, auprès des scolaires ou encore auprès d’associations scientifiques en lien avec les thématiques – comme l’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique.

Développer le jeu sous un format numérique plus élaboré est également en projet, pour l’instant à l’état de prototype.

Vincent Bêche, Chargé de communication et de médiation scientifique, Université de Lille 1 – Université de Lille et Anne Burlet-Parendel, Chargée de communication et médiation scientifique, Université de Lille 1 – Université de Lille

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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