Le nouveau coronavirus suscite un débat intense en Iran entre les membres les plus ultraconservateurs du clergé chiite et le gouvernement sur les mesures à adopter contre la maladie dans la République islamique.
La question divise aussi au sein même des autorités religieuses. « C’est un débat historique entre juristes musulmans qui remonte aux premiers temps de l’islam », explique à l’AFP Mohsen Alviri, universitaire et théologien de Qom, ville sainte à 150 km au sud de Téhéran et premier foyer de l’épidémie de pneumonie virale qui a déjà fait officiellement 54 morts dans le pays.
« Certains donnent la priorité aux rituels religieux, qu’ils placent au-dessus de tout, même de la science médicale », ajoute cet hodjatoleslam (rang intermédiaire dans la hiérarchie du clergé), quand d’autres « pensent qu’on peut abandonner les prières obligatoires pour sauver la vie d’un être humain ».
L’ayatollah Mohammad Saïdi, chef du mausolée de Fatima Massoumeh à Qom, lieu de pèlerinage visité chaque année par des foules de chiites iraniens mais aussi étrangers, appartient à la première catégorie.
Le 26 février, dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux iraniens, M. Saïdi a insisté pour que son lieu de culte reste ouvert aux fidèles. « Ce sanctuaire sacré [est] une maison de guérison », a-t-il dit, invitant les pèlerins à s’y rendre « pour guérir de leurs maladies de l’âme et du corps ».
Désinfecter le mausolée
Deux jours plus tôt, le Conseil de sécurité de la province de Qom avait ordonné la suspension des prières collectives, et, en ce qui concerne le mausolée, de le désinfecter, et d’installer des barrières empêchant d’accéder directement à la tombe de la sainte, dont les parois en argent richement ornées sont habituellement touchées ou embrassées par les fidèles.
Mais une note avait ensuite été publiée sur le site internet du mausolée faisant comme si de rien n’était.
La note se réjouissait ainsi que la prière collective ait été maintenue au sein du sanctuaire « à la demande des habitants de Qom » et que les barrières installées autour de la tombe aient été rapidement enlevées.
Un autre texte sur le même site repris par les agences iraniennes comme un « communiqué » du lieu saint et désormais inaccessible, soulignait lui « les effets antibactériens de l’argent ».
Après la passe d’armes entre les autorités et le mausolée de Qom, le ministre de la Santé, Saïd Namaki, a annoncé le 26 février au soir des restrictions à l’entrée des lieux saints chiites.
Le gouvernement a cependant dû composer, a-t-il laissé entendre, indiquant qu’il avait fait « des propositions plus strictes » que celles finalement retenues.
Désormais, selon la décision annoncée par M. Namaki, les fidèles n’entrent plus dans les lieux de pèlerinage qu’à la condition qu’on leur fournisse « du liquide désinfectant pour les mains, une information adéquate (sur la maladie), des masques, et qu’ils se déplacent, c’est-à-dire qu’ils ne se regroupent pas, mais simplement qu’ils prient et qu’ils partent ».
Annuler la grande prière hebdomadaire
Alors que fleurissent les messages de prévention dans les rues et à la télévision, les autorités ont, fait rare, annulé la grande prière hebdomadaire musulmane du vendredi à Téhéran et dans d’autres villes du pays, comme Machhad, important centre de pèlerinage chiite.
« Rien ne justifie la clôture de ce devoir divin », a critiqué l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, imam de la prière de cette ville du Nord-Est du pays cité par l’agence officielle Irna.
L’hodjatoleslam Mohammadréza Zaéri estime au contraire que, « si les médecins spécialistes recommandent que la prière collective soit temporairement suspendue ou que l’affluence dans les sites religieux soit réduite, alors cette recommandation doit être suivie. »
« Si quelqu’un devait être contaminé par la négligence [d’un clerc], alors [celui-ci] serait assurément responsable sur le plan religieux », ajoute ce journaliste sur sa chaîne Telegram.
M. Zaéri a tenu ces propos avant que l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, s’invite dans le débat en louant le travail « très précieux » des médecins et infirmières, et émettant l’espoir que leur dévouement permettrait « d’éradiquer bientôt le sinistre virus ».
Mais dans une autre vidéo virale, Jaafar Ghafouri, militant d’une branche du chiisme rejetant la République islamique, apparaît en train de lécher la tombe de l’imam Réza à Machhad, en déclarant : « Je mange le virus afin de vous rassurer et que vous continuiez de venir au mausolée. »
Plusieurs médias iraniens ont annoncé dimanche son arrestation.
A Qom, le grand ayatollah Safi Golpayégani a publié samedi une fatwa appelant la population à « tenir compte » des recommandations du ministère de la Santé.
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