AU COEUR DES LIVRES

Le voyage vers la grandeur d’un simple hobbit

mars 1, 2025 2:32, Last Updated: mars 1, 2025 13:20
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La fantaisie de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, foisonne de personnages inspirants. Aragorn, l’héritier légitime du trône du Gondor, incarne un leadership juste. L’inestimable Frodon Sacquet illustre ce que signifie accepter un fardeau de manière désintéressée. Même Boromir, le guerrier d’élite du Gondor, qui reflète la propension humaine à se laisser corrompre par le pouvoir, offre aux lecteurs un exemple de loyauté.

Parmi ces figures imposantes, il est facile de négliger Peregrin Took, dont l’évolution tout au long de la saga témoigne des perspicaces observations de Tolkien sur la nature du courage, de la vertu et du sacrifice.

Le livre qui a tout déclenché : Le Hobbit de J.R.R. Tolkien. (Erman Gunes/Shutterstock)

Peregrin Took, surnommé « Pippin », est l’un des hobbits au cœur du monde fantastique de Tolkien. Les hobbits bucoliques, vêtus de couleurs vives et vivant pieds nus dans des maisons souterraines confortables, mènent une vie paisible. Pippin est sans cesse enjoué, maladroit de manière irrémédiable, et pas vraiment un adepte des travaux manuels. Il est un personnage extravagant, même selon les standards des hobbits. Bien que sa gaieté allège souvent l’atmosphère, elle met également tout le monde en danger.

Pour contrer le mal qui menace la Terre du Milieu, les chefs des hommes, des elfes et des nains forment une Communauté. Neuf compagnons doivent s’aventurer sur le territoire ennemi pour détruire l’Anneau de Pouvoir, par lequel Sauron, le Seigneur des Ténèbres, contrôle le monde. Parmi les compagnons figurent quatre hobbits originaires de leur Comté natal : Frodon, le « porteur de l’anneau », son fidèle ami Sam, Pippin et Merry, le meilleur ami et cousin de Pippin. Le voyage des compagnons prend de nombreux détours, marqués par des séparations et des retrouvailles. Mais leur premier défi dangereux est une conséquence directe de l’inconscience de Pippin, qui faillit coûter la vie à tous.

« Crétin de Took ! »

Le voyage pour détruire l’anneau unique entraîne Pippin dans une aventure qui l’aide à grandir. (Link58/CC BY 2.0)

Pour éviter des sentiers inhospitaliers, les compagnons prennent un détour par une ancienne habitation de nains. Dès qu’ils pénètrent dans les tunnels souterrains, ils perçoivent la présence d’une force hostile. L’innocent et curieux Pippin, distrait par la profondeur apparemment sans fond d’un puits, y jette une pierre. La pierre dégringole et se fracasse, résonnant à travers les vastes salles sombres. Des tambours commencent à battre. Il a réveillé quelque chose qui aurait dû rester endormi. Une horde d’orques assoiffés de sang poursuit la compagnie, qui parvient à s’échapper de justesse après une lutte acharnée.

« Crétin de Took ! » gronde Gandalf, le magicien, à l’adresse du hobbit mortifié. Ce n’est pas l’endroit pour un simple d’esprit distrait. Un manque de vigilance peut coûter la vie. Mais heureusement, Pippin aura de nombreuses occasions de se racheter.

Le premier test de Pippin

Peu après leur évasion, une nouvelle horde d’orques attaque la Communauté, qui se divise en trois groupes. Les guerriers sont contraints d’abandonner les hobbits. Frodon et Sam poursuivent leur voyage seuls, tandis que Pippin et Merry sont capturés. Les orques pensent que Pippin possède l’Anneau, et ils ont l’intention de le livrer à Sauron. Dans un élan d’ingéniosité, Pippin laisse tomber une broche qu’il avait reçue au début du voyage. La broche est attachée à un collier en métaux elfiques, qui ne se détache jamais, sauf lorsqu’on le défait à la main. Pippin sait que les guerriers la chercheront, et ce collier tombé leur servira de trace à suivre. Le hobbit commence à penser comme un membre d’une équipe unie par un objectif commun, utilisant tout ce qu’il a à sa disposition pour assurer sa survie et celle de ses compagnons.

La décision de Pippin s’avère efficace. Lui et Merry ne sont pas immédiatement sauvés, mais ils parviennent à échapper aux orques. Leurs amis savent maintenant qu’ils sont en vie. Ils poursuivent leur mission avec un espoir renouvelé, ce qui les incite à prendre une série de décisions cruciales. Pourtant, Pippin reste principalement préoccupé par sa propre survie. Pour devenir un héros à part entière, il doit apprendre la valeur du sacrifice courageux, même au risque de sa propre vie.

Du hobbit au héros

Lorsque Pippin retrouve Gandalf, le magicien possède désormais un « globe lisse de cristal », un Palantir, qui permet à Sauron de pénétrer l’esprit de celui qui le détient. Merry conseille à Pippin de « ne pas se mêler des affaires des Magiciens », mais la curiosité insatiable du hobbit reprend vite le dessus. Alors que Gandalf dort, Pippin s’empare du Palantir et y jette un regard : « Il fixa ses yeux, de sorte qu’il ne put plus détourner le regard. Bientôt tout l’intérieur sembla en feu ; le globe tournait, ou les lumières à l’intérieur tournaient. Soudain, les lumières s’éteignirent. Il poussa un cri étouffé et se débattit ; mais il resta penché, saisissant le globe des deux mains. Plus il se penchait, plus il devenait rigide ; ses lèvres bougèrent sans bruit pendant un moment. Puis, dans un cri étranglé, il tomba en arrière et resta immobile. »

Pippin décrit sa vision, comprenant « un ciel sombre et de hautes murailles », comme « cruelle ». C’était comme si on le poignardait avec des couteaux. Dans The Hobbit and Philosophy, (Le Hobbit et la philosophie), Gregory Bassham et Eric Bronson notent que la rencontre de Pippin avec le mal face à face inspire l’une des transformations les plus radicales de la saga de Tolkien. Au départ, le hobbit est un personnage « irréfléchi et immature », qui ne semble pas avoir sa place parmi les héros robustes et résistants de la Communauté. Il est le descendant direct des dirigeants des hobbits, mais il a adopté son côté espiègle depuis son enfance. Le dîner, la bière et la détente sont ses passe-temps favoris. La vie simple qu’il chérit ne peut rivaliser avec les grandes salles des rois.

Cela change rapidement lorsqu’il fait face au terrible « feu » de Sauron. Le « changement éthique complet » de Pippin commence. Il savait déjà que le monde risquait l’anéantissement par les mains du mal. Mais pour la première fois de sa vie, il ressent la gravité de cette possibilité, d’où sa paralysie physique. Une fois sorti de son choc, Pippin réalise que la lutte contre le mal lui appartient autant qu’à quiconque. Le mal ne ménagera personne. Le vaincre exige un sacrifice courageux, auquel Pippin est désormais prêt.

Gandalf emmène finalement Pippin à Minas Tirith, la citadelle imprenable des hommes, qui est désormais la cible des orques. Lors d’une rencontre avec l’intendant de la ville, Pippin offre ses services à vie en paiement de la mort de Boromir – fils de l’intendant et un des membres de la Communauté – qui était mort en les défendant, lui et Merry. Peu après son offre, l’intendant sombre dans le désespoir et tente de s’immoler, lui et son autre fils, blessé mais toujours vivant. Pippin perçoit la folie qui l’habite et va chercher Gandalf. Grâce à l’aide du hobbit, le magicien sauve le fils de l’intendant, qui jouera plus tard un rôle essentiel dans la lutte contre le mal.

(De g. à dr.) Dominic Monaghan, Elijah Wood, Billy Boyd, Sean Astin dans un moment du film « Le Seigneur des Anneaux : La Communauté des Anneaux ». (New Line Cinema)

Pippin se porte également volontaire pour rejoindre l’Armée de l’Ouest, distrayant ainsi les troupes de Sauron afin que l’Anneau puisse être détruit. Il devient le premier et unique hobbit à tuer un troll. Après son retour chez lui, il mobilise les hobbits pour expulser les forces du mal qui avaient infiltré la Comté, devenant ainsi plus célèbre que Frodon.

Après avoir accompli son destin héroïque, Pippin retrouve finalement ses racines. Il devient le chef des hobbits, gouvernant la Comté avec justice pendant 50 ans. Il meurt de vieillesse et est enterré aux côtés du grand roi Aragorn. Cette série d’événements transformateurs a débuté avec la vision du mal de Pippin. Armé d’un sens profond du devoir envers le monde, Pippin apprend à mettre de côté ses désirs de confort et à agir courageusement chaque fois que le monde avait besoin de lui.

Servir le bien commun

Pourquoi le fait de regarder dans le Palantir a-t-il tant transformé Pippin ? Ici, Tolkien démontre sa perspicacité habituelle sur la psychologie humaine. Il essaie de montrer aux lecteurs que l’un des moteurs les plus déterminants du développement moral est la contemplation du mal. Que se passerait-il si le mal conquérait le monde ? Comment l’indifférence pourrait-elle aider le mal à se propager ? Et que deviendraient nos proches si nous ne parvenions pas à atteindre notre potentiel de bonté ?

Avant sa vision, Pippin n’avait jamais réfléchi aux pièges de l’indifférence. Sa contemplation de la mort et de la destruction lui fit ressentir les conséquences probables de l’indifférence. Cette expérience vivante le poussa à se sacrifier volontairement pour le bien commun. Il sert un seigneur par respect, sauve une vie, se bat vaillamment au combat et libère sa terre natale en tant qu’héritier légitime.

Un plateau de tournage des films du « Seigneur des anneaux » a été préservé et entretenu par les fans de la trilogie. (Jackie.Ick/CC BY 2.0)

La représentation de Pippin par Tolkien offre aux lecteurs une leçon importante : la vertu n’est pas une question de dons naturels. Les ingrédients les plus essentiels à un développement éthique sont l’espoir et la persévérance. Pippin n’était pas « né » héros. Il découvre son potentiel héroïque et apprend à risquer sa vie pour une cause plus grande, sans jamais cesser d’alléger l’atmosphère.

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