Avocat au barreau de Paris, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et chroniqueur sur Cnews, Pierre Gentillet revient sur les résultats des élections législatives, les nouveaux équilibres politiques et les enjeux de cette nouvelle législature dans le cadre d’un long entretien accordé aux journalistes d’Epoch Times.
Synonymes d’une « reparlementarisation de la France », les résultats de ces élections sont « un séisme politique et institutionnel » selon Me Gentillet.
« Le fait majoritaire n’existe plus et il est possible de voir, sous la Ve République, le cœur du pouvoir politique se situer de nouveau au niveau du Parlement. Traditionnellement, le Parlement était le reflet de la volonté du président de la République, qui impulse et qui dicte ses volontés à l’Assemblée nationale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. »
« On se retrouve dans une situation assez paradoxale, puisque le président de la République aux responsabilités est le président le plus autoritaire, le plus vertical, le plus mégalomane que l’on ait jamais eu dans le cadre de la Ve République. Pour autant, c’est le premier président à se voir imposer, après une élection présidentielle, une Assemblée nationale qui ne lui correspond absolument pas et à laquelle il ne peut pas imposer ses volontés. »
« Nous sommes dans une crise politique, mais nous sommes aussi dans une crise institutionnelle, une crise institutionnelle durable, puisque le président de la République, quel qu’il soit, n’a désormais plus la certitude d’avoir une majorité solide pour gouverner une fois élu. »
Et l’avocat de souligner : « Beaucoup de choses ont changé, les vieux clivages sont morts. »
Alors que les élections législatives ont vu trois grands courants (Ensemble !, la Nupes et le Rassemblement national) se partager l’essentiel des sièges de l’Assemblée nationale, Pierre Gentillet estime que cette « tripartisation » de la vie politique est « un bienfait politique et un malheur institutionnel ».
« Un bienfait politique, parce que je suis très content qu’Emmanuel Macron n’ait pas les outils politiques pour diriger. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement le respect des institutions, c’est aussi la politique qui est menée, et cette politique-là est néfaste. Aujourd’hui, il y a un blocage. Ce blocage fait qu’Emmanuel Macron va devoir composer et il marchera vraiment sur des œufs, sauf dissolution. »
Selon Me Gentillet, le risque de voir la France « sombrer dans le parlementarisme » et de voir ses institutions paralysées est pourtant un danger à l’heure où les États font face à des puissances privées capables de mettre en péril leur souveraineté.
« Institutionnellement, ce n’est pas une bonne nouvelle. Il nous faut des institutions fortes dans un espace mondialisé, dans un monde de la financiarisation, de la mondialisation où les forces privées ont parfois plus d’importance que les États. »
« Nous sommes aujourd’hui en lutte contre des forces incroyablement dangereuses, des forces financières, militaires, privées de façon générale, qui imposent un État puissant, très puissant, beaucoup plus puissant que ce que nous avons aujourd’hui. Il nous faut un État fort, mais avec une forte responsabilité de nos dirigeants. »
« La lecture de la Ve République telle que l’a voulue le général de Gaulle, c’est énormément de pouvoir, certes, mais aussi énormément de responsabilités et de mise en jeu de la responsabilité. Le général de Gaulle a mis en jeu sa responsabilité à travers des référendums. Il est d’ailleurs parti en 1969. Il dirigeait toujours avec le peuple. »
Pour Pierre Gentillet, il est d’ailleurs probable que le chef de l’État finisse par dissoudre l’Assemblée nationale avant la fin de se son second quinquennat.
« Emmanuel Macron va faire en sorte de pourrir la situation. Il va caricaturer l’Assemblée nationale, dire c’est la chienlit. Il va tout faire, peut-être par des relais de presse aussi, pour faire passer l’Assemblée nationale pour un grand bazar. Il adoptera une posture gaullienne, dénoncera la République des partis. Il y aura toujours, pendant ces cinq ans, cette épée de Damoclès de dissolution au-dessus de l’Assemblée nationale. »
« Je ne sais pas quand il décidera de dissoudre, mais j’ai la certitude que s’il y a un moment pour dissoudre, il le prendra. Clairement. Et c’est quitte ou double. »
Retrouvez l’intégralité de notre entretien avec Pierre Gentillet dans la vidéo.