Des millions de poussins mâles sont éliminés chaque année dans les couvoirs de poules pondeuses, asphyxiés ou broyés, car ces becs inutiles ne produisent pas d’œufs : une situation sur laquelle doit statuer jeudi une cour allemande.
La Cour administrative fédérale allemande doit trancher pour savoir si le broyage de poussins mâles est en conformité avec l’article Premier de la loi sur la protection des animaux qui stipule que « personne n’est en droit d’infliger aux animaux des douleurs, souffrances ou dommages sans motif raisonnable », sous la pression du secteur avicole pour qui cette technique est un impératif économique.
Dans le cadre de la production industrialisée d’œufs, les poussins éclosent dans des couvoirs qui vendent ensuite les futures poules pondeuses aux éleveurs. Après l’éclosion, les poussins mâles sont immédiatement euthanasiés car ils n’ont pas d’intérêt économique pour la filière et coûtent cher à nourrir, alors que les femelles sont conservées pour devenir des poules pondeuses.
A l’inverse, pour les palmipèdes à foie gras, seuls les canetons mâles sont conservés, car c’est eux qui seront gavés.
Les poussins mâles ne peuvent pas servir pour la production de poulets de chair car ce n’est pas la même souche. Or « les souches utilisées aujourd’hui en production d’œufs de consommation sont peu performantes en termes de croissance et de conformation de carcasses, ce qui conduit à l’élimination des poussins mâles de souche ponte à leur naissance », indique l’institut technique d’aviculture (Itavi).
A l’éclosion, les poussins femelles sont séparés des mâles, qui sont alors tués le plus souvent par asphyxie au dioxyde de carbone, ou par broyage.
La technique du broyage est autorisée par un règlement européen de 2009, sur « la protection des animaux au moment de leur mise à mort ». La réglementation précise que le broyage doit permettre une mort « immédiate » des poussins « jusqu’à 72 heures » après la naissance. Les restrictions concernent la « taille maximale du lot à introduire », la « distance entre les lames » et la « vitesse de rotation » du dispositif mécanique, ainsi que d’éventuelles surcharges.
Les deux principales alternatives à l’élimination systématique sont l’élevage des poussins mâles ou le sexage dans l’œuf, qui permet d’écarter les œufs mâles avant l’éclosion.
L’élevage des mâles pose la question de la génétique utilisée et des coûts de production des produits finis, œufs et carcasses, ainsi que des débouchés possibles pour les éleveurs.
Pour l’association de protection animale Welfarm, la filière avicole manque de « volonté » pour s’engager dans cette voie car une race mixte se fera peut-être « au détriment de la productivité des poules ».
Avec les races mixtes « on va perdre en production d’œufs et donc augmenter le coût et ça ne passera pas au niveau du consommateur », explique le syndicat national de l’Accouvage (SNA).
Par ailleurs, « des solutions de sexage dans l’œuf sont en cours de développement dans plusieurs pays. Leur mise en place à échelle industrielle dépendra de la fiabilité du processus de détection et de la non dégradation du taux d’éclosion », indique l’Itavi.
En Allemagne, Gerald Steiner, professeur en chimie analytique à Dresde (est) a développé une technique reposant sur la spectroscopie, c’est-à-dire l’analyse du spectre lumineux des vaisseaux sanguins des embryons. Une start-up hollandaise travaille elle sur l’analyse des hormones contenues dans le blanc de l’œuf pour définir le sexe de l’embryon. Ces méthodes nécessitent de percer l’œuf.
« Le jour où une société sort une méthode viable à grande échelle, c’est évident que les accouveurs vont se précipiter » pour l’appliquer, indique le SNA.
Le gouvernement a passé une convention en 2017 avec une entreprise vendéenne, Tronico, associée à une aide de 4,3 millions d’euros, pour créer une méthode de tri des œufs sans en percer la coquille, en jouant sur sa transparence.
Mais selon le ministère de l’Agriculture, « cette méthode ne fonctionne pas à 100%, elle est encore expérimentale ». Les autres techniques « fonctionnent mais sont invasives », la direction générale de l’alimentation a donc envoyé des agents en Allemagne pour les expertiser et ainsi « choisir la technologie la plus fiable » à privilégier en France.
Par ailleurs, le ministère de l’Agriculture prévoit au deuxième semestre des « annonces fortes et claires » sur le bien-être animal, dont le broyage des poussins.
Avec AFP
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