C’était l’assemblée générale la plus attendue de la saison à Paris : protégés par la police des militants écologistes qui voulaient tout bloquer, les actionnaires de TotalEnergies ont largement approuvé vendredi la stratégie du très rentable groupe pétrolier, qui garde les énergies fossiles tout en développant les renouvelables.
Les militants du climat ne sont pas arrivés à leurs fins, tenus à distance par les gaz lacrymogènes. Mais dans les slogans, les discours officiels ou les questions des investisseurs, le climat et la décarbonation se sont bel et bien imposés comme le débat central de cette grand-messe annuelle.
La stratégie plébiscitée
Au terme de trois heures largement dominées par ce sujet, les actionnaires, présents ou à distance, ont adopté à près de 89% la stratégie climat du groupe, comme en 2022.
Une autre résolution, consultative, émanant de l’organisation d’actionnaires activistes Follow This a été repoussée mais a tout de même recueilli 30,4% des votes, presque le double d’une précédente mouture en 2020. En ciblant ses émissions indirectes (« scope 3 »), celles liées au gaz et au pétrole que les clients consomment, la coalition demandait à TotalEnergies d’aligner ses objectifs de réduction d’émissions sur l’Accord de Paris de 2015. Parmi les 17 investisseurs activistes de Follow This, qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l’Échiquier.
« Les grincheux »
« Vends tes actions ! » « Ça va pas durer 2 heures ! » ont alors fusé des actionnaires lors des questions-réponses, le PDG Patrick Pouyanné appelant à « Laisser Monsieur s’exprimer ». Longuement, le PDG a défendu pied à pied le plan climat de son groupe, l’une des cinq majors mondiales avec BP, Shell, ExxonMobil et Chevron. « Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l’électricité », via les énergies renouvelables, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il ne peut pour autant réduire dans l’immédiat son activité pétrolière, puisque la demande « au niveau mondial » augmente. « Et si ce n’est pas TotalEnergies qui répond à cette demande, d’autres le feront à notre place », a-t-il encore dit, répondant aux « grincheux qui nous accusent de greenwashing ».
Malgré les menaces, l’assemblée s’est ouverte comme prévu à 10h00, dans un luxe de précautions inhabituel : vigiles aux aguets, actionnaires et journalistes privés de téléphones portables, et dans la salle, des vitres dressées devant la tribune des dirigeants… en cas d’envahissement. Le président, semblant parfois contrarié, s’en est excusé, avant d’évoquer l’idée de tenir l’AG de 2024, à domicile à son siège de La Défense.
Dehors, dès l’aube, des dizaines de manifestants avaient bien tenté de pénétrer dans le tronçon de rue devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens, avant d’en être délogés. Au total, quelque 200 manifestants sont restés à proximité, scandant des slogans, avant de se disperser vers midi. « On ne les lâchera pas », assurait Marie Cohuet, porte-parole de l’association Alternatiba, pour qui TotalEnergies « incarne le pire de ce qui se fait en termes d’exploitation des populations et de la planète ». Le blocage était organisé avec d’autres associations dont Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et Extinction Rebellion. Six personnes ont été interpellées, selon la police.
« Sortir des énergies fossiles »
Cette réunion arrive à la fin d’une saison d’AG houleuses, marquées par des actions militantes contre les grands groupes sur fond de profits faramineux : 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre pour les cinq majors, après une année 2022 faste. Les événements ont fait réagir le gouvernement, la Première ministre Élisabeth Borne estimant que « les militants du climat » étaient « dans leur rôle d’alerter ». La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a elle appelé TotalEnergies à « aller plus vite » sur les énergies renouvelables, ajoutant que les entreprises pétro-gazières « doivent se réinventer, sortir des énergies fossiles ». « Il y a peut-être un débat sur le rythme, mais pas sur l’objectif », a répondu le PDG.
Le groupe consacrera un tiers de ses investissements aux énergies bas carbone dans la décennie, mais il reste encore associé au pétrole et bientôt encore plus au gaz, sa priorité, à travers des projets en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l’oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatique de la lutte anti-pétrole. Cette polémique s’ajoute à d’autres pour la major, critiquée pour le montant de ses impôts versés en France ou le salaire de son patron. Une hausse globale de 10% de la rémunération du PDG pour 2023 a d’ailleurs été adoptée par l’AG à une écrasante majorité.
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